Chapitre 21.2 - Mary

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— Elle prouve que j'ai les yeux fermés, chose plutôt anormale, quand on fait un vol consciemment. Ça illustre bien que j'ai fait une crise de somnambulisme, ce soir-là.

Je hoche la tête, comprenant où il veut en venir. Cependant, sa vidéo semble truquée.

— On peut la soumettre, mais il faut s'assurer de son authenticité. Il y a plusieurs sauts dans le temps. Dans l'état, elle n'est pas recevable. Il y a trop de montage. Demandez à votre ami de fournir une version complète et sans coupure.

— Je verrai avec lui.

Nous discutons plus en détails de certaines pièces, puis du jour où il devra témoigner de son histoire. Même si cela doit rester naturel et ne pas ressembler à un texte récité, il ne doit négliger aucun détail s'il veut mettre toutes les chances de son côté. Il me répète à plusieurs reprises ce qu'il s'est passé ce soir-là, n'omettant pas la moindre information, afin de se préparer.

Au bout d'une heure, nous tirons notre révérence pour cette fois. Je range mes affaires, prête à quitter le shop, quand Cayden m'interpelle.

— Madame Bennett ?

Je relève la tête vers lui.

— Oui ?

— Sortez avec moi.

J'écarquille les yeux. Est-il devenu fou ? Je scanne du regard les environs, comme si l'un des clients allait me venir en aide face à cette situation incongrue. Dire que je pensais que nos dérapages étaient déjà de l'histoire ancienne pour lui aussi.

Je soupire.

— Je regrette Monsieur McCarthy, mais comme je vous l'ai déjà dit, je souhaite que notre relation reste strictement professionnelle.

— C'est un peu tard pour ça, marmonne-t-il dans sa foutue barbe de trois jours qui le rend bien trop sexy pour que je pense correctement.

— Sur ce, je vais m'en aller. Bonne jou...

— Non, me coupe-t-il. Je suis désolé, je n'ai pas été suffisamment clair. Je souhaite vous inviter pour vous remercier de tout ce que vous faites pour moi. Sans vous, je n'ai aucune chance de gagner cette affaire.

— Je suis heureuse que mes services vous conviennent. Vous pouvez glisser un mot à vos amis, mettre un avis sur Internet. Mais pas m'inviter alors que je ne fais que mon travail. Vous m'avez payé pour ça, c'est le minimum que de remplir ma part du contrat.

Un instant, il reste silencieux, comme incapable de savoir quoi répliquer.

— Je sais, mais je ne fonctionne pas à l'argent. Les gestes valent bien plus. En parlant de ça, je ne vous ai pas offert votre tulipe.

Je me retiens de soupirer. Primo, il faut vraiment être riche pour "ne pas fonctionner à l'argent", les gestes ne paient pas le loyer, aussi agréables soient-ils. Deuxio, il doit vraiment arrêter avec ces satanées fleurs. Je n'en veux plus, c'est trop facile de me les offrir pour ensuite s'insinuer sous ma peau et mes paupières lorsque je m'endors. Je refuse que cet homme se fasse une place dans ma tête.

— J'insiste, je ne peux pas accepter. Et vous savez, vous n'êtes vraiment pas obligé de me ramener une tulipe. Au risque de me répéter, je ne suis pas certaine que cela ait sa place dans notre relation professionnelle.

— Aucun homme ne vous a offert de fleurs pour le boulot ? s'inquiète-il, ignorant le reste de mes propos.

— Non. Je ne vois pas ce qu'il y a d'étonnant. L'inverse est bien moins probable.

— Ce sont des sals cons, si vous voulez mon avis. Toutes les femmes méritent de recevoir des fleurs, peu importe le moment de l'année et l'événement pour lequel on se rencontre.

Je hausse les sourcils. Quel genre d'homme est-il pour insulter des inconnus ? D'autant plus devant son avocate. Nous avons beau avoir des moments de dérapages, ça ne lui donne pas le droit d'être familier avec moi. Je ne relève cependant pas et me concentre sur sa proposition initiale.

— Quoi qu'il en soit, je suis désolée, mais ça ne sera pas possible.

— Pourquoi ?

De nouveau, je m'étonne. Il est vraiment sans gêne. Si je refuse, pourquoi force-t-il ? Je n'ai aucune justification à lui donner.

— Je ne pense pas que ma vie privée vous regarde, Monsieur McCarthy.

— Acceptez au moins ma fleur. Vous la méritez.

Il me la tend et je ne peux pas résister à la prendre du bout des doigts. Les pétales sont jaunes. Je la caresse doucement, mais ne m'éternise pas pour qu'il ne pense pas à quel point ce geste atteint mon cœur. Je dois me protéger, rester loin de lui. Dans quelques semaines, je retournerai à Glasgow et ne le reverrai plus.

— Merci, soufflé-je.

Il m'adresse un doux sourire en empoignant ses affaires.

— Si jamais vous changez d'avis pour le repas, vous avez mon numéro. Pensez-y, ça me ferait vraiment plaisir. On ira où vous voudrez. En fait, ce n'est pas obligé d'être un repas. N'importe quoi. Je veux seulement vous voir sourire.

Une partie de moi – celle qui l'a embrassée, l'autre soir – a terriblement envie d'accepter. Il a beau dire que c'est pour me remercier, qu'il n'y a aucune arrière pensée, je sais que si j'y vais, je ne serai pas capable de le voir seulement comme un client. Notre baiser au bar n'aide déjà pas. Mon cœur d'avocate se bat contre celui de la femme libre. Les deux tentent de réussir, de gagner la bataille. L'une veut accepter, l'autre veut fuir.

J'acquiesce silencieusement avant de tourner les talons et de m'enfuir du café.

Je vais devenir folle.

The Tulips Between Us [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant