Chapitre 26.1 - Mary

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Putain de merde.

J'ai embrassé Cayden McCarthy.

J'ai embrassé mon client.

L'information atteint soudainement mon cerveau et je recule, tétanisée. Cayden me dévisage aussitôt, ne sachant pas comment réagir. Il ouvre la bouche avant de la refermer, incertain de quoi dire.

— C'était... C'était une erreur, lâché-je en me levant pour m'éloigner plus encore.

Éprise de l'amour écrit sur le papier, j'ai toujours détesté cette phrase. Et pourtant, je comprends maintenant tous ces protagonistes qui ont ressenti du remords presque immédiatement leur rapprochement imprévu.

— T'es pas sérieuse ?

Cayden secoue la tête. Ses yeux brillent, ils me regardent avec un air brisé qui me fait presque regretter mes mots. Je ne sais ni quoi faire ni comment réagir. Que suis-je supposée lui répondre ? Que j'ai trop peur de l'amour ? Que cette relation est vouée à l'échec, ne vivant pas dans les mêmes villes ? Il y a tellement de raisons qui rendent cette relation impossible. À quoi bon nous faire du mal inutilement ? À quoi bon s'attacher mutuellement alors qu'il est évident que nous allons dans le mur ?

Je me mords la lèvre inférieure devant sa douleur. Il me trouble. Il m'effraie. Cette attirance me donne envie d'envoyer tout valser, mais ça pourrait me coûter cher, trop cher. Je suis perdue, mais j'ai envie, terriblement envie.

— Je ne sais pas, Cayden, chuchoté-je en baissant la tête.

— Tu ne sais pas quoi ? Si tu as envie de m'embrasser ? C'est pourtant simple de le savoir, non ?

Je soupire.

— Ce n'est pas ça. Je... C'est compliqué.

Cayden se lève et s'approche de moi, faisant battre de nouveau mon cœur. Ne peut-il pas me laisser réfléchir cinq minutes, pourquoi s'emballe-t-il toujours ?

— Parle-moi. Je t'écoute. Je n'ai pas besoin de te dire que tu me plais, mais je ne te forcerai jamais à rien. En revanche, j'aimerai te comprendre.

Il me tend ses mains que je prends machinalement jusqu'à m'approcher de lui pour poser ma tête sur son torse. C'est rassurant, même si j'ai la sensation de me servir de lui et de jouer avec ses sentiments en faisant ça. Je ne veux pas le blesser mais je tergiverse, tiraillée entre cette attirance et ces obligations. Une larme s'échappe de mon œil et je la laisse couler silencieusement le long de ma joue.

— Je ne sais pas quoi faire. Ça va trop vite. J'ai peur. Je... Tu es mon client et c'est incorrect. Et puis, on a tous les deux notre vie, chacun dans une ville différente. Comment quoi que ce soit pourrait-il fonctionner ?

Cayden me repousse doucement pour planter ses iris dans les miens.

— Tu sais, parfois, il faut lâcher prise, ne pas penser au lendemain. Tu as raison, on devrait pas faire ça. C'est pas professionnel, mais ce que je ressens est particulier, fort. J'ai trop souffert dans ma vie pour ne pas tenter ma chance de trouver celle qui me plaît. Je mérite d'être heureux, et je crois que toi aussi. Peu importe le nombre de kilomètres qui me sépare de toi, si tu es celle qu'il me faut, je referai ma vie à l'autre bout du monde.

Un rire s'échappe de ma gorge.

— On se connaît à peine, tu vas un peu loin.

— Ouais, sans doute. Mais c'est seulement pour te faire réaliser que tu devrais nous donner une chance et ne pas t'inquiéter du futur. Glasgow et Londres, ce n'est que quelques heures de train. C'est facile aujourd'hui, avec les téléphones. Et je suis certain qu'un hôpital à Glasgow ne serait pas contre un médecin supplémentaire.

— Ça, c'est si tu gagnes ton affaire, le taquiné-je.

— Je compte sur toi pour ça, ajoute-t-il avec un clin d'œil. Même si je suis à peu près certain que personne à Glasgow n'est au courant.

Il fait une pause.

— Quoi qu'il en soit, s'il te plaît, donne-nous une chance. On peut y aller doucement, éviter de s'embrasser. Je peux t'emmener à des dates pour qu'on apprenne à réellement se connaître. Séparer nos rendez-vous professionnels de notre relation personnelle. Agir comme si, en privé, je n'étais pas ton client, et en rendez-vous, comme si on ne ressentait rien l'un pour l'autre.

— Tu penses en être capable ? le provoqué-je pour éviter de partir dans une conversation trop sérieuse.

C'est plus simple ainsi.

— Totalement. Et toi ?

— Absolument.

— Alors on fait ça ? On sépare les deux ?

J'hésite un instant même si ma décision est déjà prise. Alors j'acquiesce. Cayden m'adresse un sourire comme réponse que je lui retourne.

— Tu crois que c'est le moment de mettre fin à cette soirée ? s'inquiète-t-il.

— Juste une soirée sans penser. Je veux oublier.

— Que veux-tu dire ?

— Je veux t'embrasser encore.

Sur ces mots, je m'enfouis dans ses bras et il pose son menton sur mon crâne.

— T'es sûre ?

— J'en ai besoin. Fais-moi oublier, Cayden McCarthy.

— À vos ordres, princesse.

Je grimace.

— Ne m'appelle plus jamais comme ça, par pitié. C'est cringe*.

Cayden éclate de rire dans mon cou.

— Très bien, bébé.

— C'est pire.

— D'accord, my love.

Je pouffe devant le non-sérieux de cette discussion alors qu'encore quelques minutes plus tôt, je manquais de m'effondrer contre lui. J'aime ces moments sans prise de tête avec lui, si seulement il n'était pas mon client, si seulement nous vivions dans la même ville. Tout serait tellement plus simple. Je serais capable de me laisser totalement aller à ses côtés.

Cayden dépose un baiser sur la peau fine de ma gorge, me faisant grogner de plaisir. Rapidement, il remonte le long de ma mâchoire et atteint mes lèvres qu'il embrasse avec passion. Mes mains remontent et se perdent dans ses cheveux qui glissent entre mes doigts. Mon cœur bat la chamade et manque de s'échapper de mon torse tant il devient fou. J'ai du mal à respirer, mon entre-jambes palpite.

— La chambre, murmuré-je, profitant que Cayden tente de reprendre sa respiration le temps d'une seconde.

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* Mot équivalent à "gênant".

The Tulips Between Us [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant