Mes yeux papillonnent. Pour la première fois depuis des années, j'ai dormi comme un bébé. Pas le moindre cauchemar n'est venu perturber mon sommeil. Je n'ai pas été si en forme depuis... Je ne sais pas. Depuis tellement de temps que je ne peux pas m'en souvenir. Cette foutue amnésie me détruit la vie, pourquoi ne suis-je pas même capable de me rappeler la dernière fois que j'ai passé une nuit si douce ? Je passe mes nuits à me remémorer les mêmes particules de l'accident. Je n'en sais jamais assez pour comprendre exactement ce qu'il s'est passé, seulement de la douleur et du noir.
Je tourne la tête et découvre Cayden à mes côtés. Aussitôt, un sourire se forme sur mes lèvres sans que je ne puisse y faire quoi que ce soit. C'est tellement bizarre, et pourtant si agréable. Je ne suis pas habituée à dormir avec quelqu'un, encore moins un homme. Même si je sortais souvent le soir pendant mes études, je ne partageais jamais mes nuits avec mes coups, c'est trop intime.
Cayden est encore assoupi. C'est tellement agréable de l'observer ainsi, il paraît plus apaisé que jamais. J'ai toujours remarqué dans ses yeux un air qui mélange la douceur, l'inquiétude et la joie, sans pouvoir vraiment m'expliquer pourquoi je suis capable de remarquer ça en lui quand je suis incapable de le faire chez les autres. C'est comme si lire dans ses yeux était facile, comme si c'était un livre ouvert, m'invitant à le faire.
Je ne m'explique pas beaucoup de choses avec lui, mais j'ai envie de croire que rien de tout ça n'est un hasard, que ce ne sont que des signes qui s'accumulent, comme si l'univers voulait me faire passer un message. Est-ce qu'il essaie de me dire que je fais face à l'homme de ma vie ? C'est tellement tôt que je ne peux pas répondre à cette question, pas même m'imaginer que ce soit vrai. Cette relation ne devrait être que temporaire, mais qui me dit que j'arriverais à m'en détacher une fois que je devrais retourner à Glasgow ?
Je soupire et gigote un peu dans les couvertures, me sentant soudainement comme enfermée entre les draps. J'ai la sensation de ne plus pouvoir respirer si bien que je quitte en vitesse le lit, dégageant la couverture de mon passage. Je me rends à la salle de bain et tourne le verrou, heureuse qu'il existe malgré la dépendance à la chambre. En un instant, je me débarrasse de l'unique tissu qui recouvre mon corps et fait couler l'eau de la douche sous laquelle je me glisse alors qu'elle est encore glacée.
J'ai les yeux fermés et laisse le jet battre mes muscles, me donnant l'impression qu'ils n'existent plus tant je suis frigorifiée. Pourtant, je ne tourne pas le robinet pour réchauffer l'eau, je la laisse glisser le long de mon corps, me brûlant presque avec le choc thermique qu'elle entraîne tant elle est froide. Je profite quelques minutes avant de finalement attraper un savon pour me laver, laissant l'eau couler sur mes cheveux pour garder la tête froide, et essayer d'oublier momentanément Cayden – bien que cela ne fonctionne absolument pas.
Une dizaine de minutes plus tard, je coupe le débit et sors de la douche, m'enroulant dans une serviette. Dans la furie, je n'ai pas apporté le moindre vêtement propre et ma culotte qui jonche le sol ne me cachera pas plus que cette serviette. Je tourne le verrou et, discrètement, glisse la tête dans la chambre. Cayden n'a pas l'air d'avoir bougé et semble toujours endormi. Je sors alors et ferme doucement derrière moi, m'assurant de ne pas claquer la porte par mégarde. Il ne manquerait plus que je le réveille sans le vouloir.
J'ouvre doucement l'armoire et choisis des sous-vêtements, un débardeur et un pantalon en lin pour une tenue simple et confortable. Je me tourne une nouvelle fois vers Cayden, mais celui-ci a toujours les yeux fermés. Je laisse alors tomber la serviette et commence à enfiler ma culotte.
— Un strip-tease dès le réveil ? Je suis chanceux, lance une voix derrière moi.
Mes yeux s'arrondissent et, dans le choc, je tente de me tourner et de me cacher en même temps. Cela n'a que pour résultat ma chute sur le parquet. Nue, bien entendu. Je tends le bras et tire rapidement sur la serviette pour cacher mon corps.
— Bonjour, mademoiselle maladroite, se moque-t-il doucement, accoudé.
— Bonjour, grogné-je.
— Tu peux continuer à t'habiller, ne te soucie pas de moi.
— Je pourrais, si je ne savais pas que tu me mates.
— On a couché ensemble hier soir, tu te souviens ? J'ai déjà tout vu de toi. Et crois-moi, c'est gravé sous mes paupières à jamais.
Un frisson remonte le long de mon échine. Il ne peut pas dire de tels mots, ça me perturbe bien trop. Il n'a pas tort, mais me rappeler l'évidence ainsi alors que c'est encore compliqué à accepter... C'est simple lorsque l'excitation prend le dessus, mais lorsque j'ai la tête froide, cela devient tout de suite plus difficile. Ses paroles font remonter les souvenirs de la veille, son corps sur le mien, ses baisers qu'il déposait le long de ma mâchoire.
— Et maintenant, c'est du passé. Cache-toi les yeux.
Il se marre, mais couvre son visage de ses mains. Je fronce les yeux pour m'assurer qu'il ne me voit réellement pas avant de faire des grimaces et des doigts d'honneur vers lui, mais aucune réaction ne me provient. Je hoche la tête, heureuse de savoir qu'il n'est pas du genre à faire semblant – ou alors, il est très bon acteur et sait garder un visage impassible, chose qui n'est pas impossible puisqu'on dit souvent que les médecins sont les meilleurs pour avoir l'air neutre alors qu'ils annoncent les nouvelles, positives comme négatives. Je préfère penser qu'il est juste un homme respectueux qui accepte de ne pas me regarder lorsque je lui demande. Hier, il s'est assuré à plusieurs reprises de mon consentement, me laissant croire qu'il aurait plutôt tendance à accéder à ma requête même en étant très bon acteur.
J'enfile mes quelques vêtements et lui indique qu'il peut ouvrir les yeux.
— Ah. C'est quand même mieux, ton visage a failli me manquer.
Je me mords la lèvre inférieure pour m'interdire de sourire. Je ne suis qu'une lectrice de romance, ma faiblesse est les mots doux. Et ses paroles sont exactement celles qui me font fondre instantanément. Cet homme pourrait écrire un guide pour apprendre à draguer en bonne et due forme, il est évident qu'il donnerait de très bons conseils. Et dire qu'il y a encore quelques jours, je refusais catégoriquement la moindre relation non professionnelle avec lui. Me voilà à avoir couché et passé la nuit avec lui.

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The Tulips Between Us [EN PAUSE]
Roman d'amourLors d'une soirée un peu trop arrosée, Cayden commet un vol à l'étalage... de guirlandes de noël ! Médecin de renom à londres, il ne peut pas se permettre d'avoir un casier judiciaire. Pour être certain de gagner cet affaire, il fait appel à Mary Be...