Après que Cayden a attrapé l'énorme peluche en forme d'ours du stand, nous avons décidé qu'il était temps de rentrer. Je veux appeler mes parents afin de trouver une solution pour le dîner de Noël, c'est dans quelques jours et toujours rien n'est prévu. Si ça continue comme ça, je vais finir par penser qu'ils m'évitent et qu'ils ne veulent pas le fêter avec moi cette année. Ça me briserait le cœur, moi qui entretient une relation habituellement si fusionnelle avec eux.
Avec les événements de ces dernières semaines, la manière dont ils me parlent – quand ils daignent me répondre – me fait penser qu'il se passe quelque chose de grave. Et si l'un d'eux était malade ? Et s'ils ne s'entendaient plus ? Je n'arrive pas à m'imaginer mes parents l'un sans l'autre, mais je ne vois que ça comme explication logique à leur froideur. Je me doute qu'ils ne sont pas rassurés quant à mon envie d'en savoir plus sur mon passé, mais je suis certaine qu'il y a plus. Ce n'est pas seulement une question de me protéger, c'est comme s'ils me cachaient quelque chose qui pourrait me détruire, quelque chose qu'ils me dissimulent depuis un moment, quelque chose qui est pire que tout ce que je pourrais imaginer.
Peut-être que je me monte la tête seule et qu'ils sont simplement inquiets pour moi, mais j'ai besoin d'en être sûre, j'ai besoin que mon cœur soit apaisé, j'ai besoin qu'ils me disent que tout va bien et que nous allons nous voir et fêter Noël, comme à notre habitude. Pourtant, je sais déjà au fond de moi que rien ne va se dérouler comme prévu.
— Je vais y aller, m'annonce Cayden après avoir doucement déposé l'énorme peluche sur mon lit.
— Merci pour aujourd'hui. J'ai eu l'impression d'être une ado de seize ans.
Une drôle d'expression passe dans ses yeux, mais il ne me laisse pas le percevoir bien longtemps, retrouvant rapidement un sourire sincère.
— Je suis content d'avoir pu te faire sentir jeune, à défaut que tu te souviennes de ces années-là.
— Les aléas de la vie, comme on dit, me marré-je. Si seulement je t'avais connu il y a dix ans. Je suis certaine que je n'aurais jamais vécu cet accident.
— Tu... Ton accident... bégaie-t-il, sans savoir exactement comment formuler sa question. C'était prémédité ?
J'ouvre grand les yeux. Je n'y avais jamais pensé, je me suis toujours dit que c'était un accident, le genre de choses qui arrivent à beaucoup, malheureusement. La voiture est l'un des moyens de transport avec le plus grand taux d'accidents, jamais je n'ai pu penser que c'était voulu. Si c'était le cas, cela expliquerait tellement de choses quant à mes parents. Ils n'ont jamais voulu que je monte dans la moindre voiture alors qu'ils n'ont pas le moindre problème avec le bus. Cela expliquerait pourquoi ils ne veulent rien me dire. Et si j'avais atteint un point de non-retour, et si j'avais tellement souffert que j'avais voulu en finir ? Ils ne m'ont jamais caché que j'avais eu une vie compliquée, même s'ils ne m'ont jamais dit à quel point. Ils ont toujours été sur la réserve, semblant souffrir terriblement de cette situation. Et si, sans le vouloir, toutes ces années, j'avais essayé de savoir la chose qui leur a fait le plus de mal ? Je ne peux même pas imaginer la douleur que j'éprouverais si une personne que j'aime avait tenté de mettre fin à sa vie de cette manière.
— Mary ? Pourquoi tu ne me réponds pas ? s'inquiète Cayden.
Je secoue la tête, pas certaine de quoi lui répondre. Mais je préfère être honnête, j'ai envie de l'être avec lui. Il le mérite après tous ces sourires qu'il a créés sur mon visage.
— Je n'en sais rien. Je ne me suis jamais posé la question, mais mes parents n'aiment pas évoquer le sujet. Du peu d'informations que j'ai sur mon histoire, ce n'est pas impossible.
Je ravale la boule qui se forme dans ma gorge, incapable de croire que j'ai pu faire ça, et pourtant obligée de me résoudre à cette possibilité. Je n'ai pas envie d'admettre que c'est possible, j'ai envie de me persuader que j'étais quelqu'un de solaire, de souriant, et surtout, que j'étais heureuse. Mais je ne l'étais pas. Au plus profond de moi, je ressens cette amertume à chaque fois que je pense à mon passé, même si j'ignore à quoi elle est liée. Mon corps et mon inconscient ont toujours essayé de m'alerter, de me dire à quel point j'ai eu mal, mais ils refusent de m'en dévoiler davantage. Si seulement j'en savais plus. Si seulement je ne le découvrais jamais.
Cette nouvelle possibilité me frappe de plein fouet et me détruit, me fait trembler et m'empêche de savoir si je veux vraiment en savoir plus sur mon passé ou non. Une part de moi est déterminée à faire le jour pour lever mes interrogations, pour apprendre à me connaître vraiment, de A à Z. Mais il y a cette autre moitié, celle qui est dans le déni, celle qui tremble de peur à l'idée de découvrir à quel point ma vie avant cet accident était horrible et douloureuse. Les deux parties se rejoignent et regrettent, incapables de choisir entre la vérité ou rester dans l'ignorance. C'est comme si, quoi qu'il arrive, je regretterais. Je veux savoir, mais je ne veux rien savoir. Il n'y a pas d'équilibre dans ce combat, c'est tout ou rien. Soit je prends le risque de souffrir, mais je saurai tout, soit je prends l'horrible résolution de ne jamais me connaître complètement, mais je pourrais être heureuse, sans ombre qui plane au-dessus de ma tête.
Mais cette décision ne m'appartient pas. Mon cerveau fait ce qu'il souhaite. Il peut tout me révéler même si je décide de ne rien savoir, tout comme il pourrait bien ne rien me dire dans le cas contraire. Il n'y aura pas d'entre-deux si ce n'est cette période où des flashs m'arrivent parfois, manquant cruellement de contexte, comme si mon cerveau me narguait avec ma mémoire alors que je suis dans l'ignorance.
— Tu devrais vraiment trouver un moyen de faire parler tes parents. Je pense que ce serait vraiment bénéfique. Tu souffres d'ignorer ce que tu as vécu, je le vois dans tes yeux.
— J'ai peur, chuchoté-je en ancrant mon regard dans le sien.
— Je me doute, mais on ne vit plus si on écoute toujours ses peurs.
— Ils refuseront.
— Et Aedlin ? N'est-elle pas ta meilleure amie d'enfance ?
J'opine du chef. Elle l'est, mais tout comme mes parents, elle semble avoir du mal à parler de cette période, c'est sa manière à elle de me protéger et je ne peux pas lui en vouloir, mais elle me donne l'espoir que mon passé n'était pas aussi horrible que mes parents semblent le croire. Cependant, maintenant que Cayden a mentionné la possibilité que cet accident n'en était pas un, j'ai des doutes. Avoir une amie ne veut pas dire qu'on va bien, on peut toucher le fond sans pour autant être seul, pas physiquement tout du moins.
— Je ne sais pas si elle me dirait quelque chose. J'ai déjà essayé, mais elle n'a pas voulu m'en dire plus.
— Tu lui as parlé de tes flashbacks ? Ça pourrait la motiver à te parler si tu lui fais comprendre que tu préfères connaître la vérité doucement par ses mots plutôt que violemment à travers un souvenir. Tu peux même dire qu'en tant que médecin agréé, je pense sincèrement que tu vas finir par tout savoir d'une manière ou d'une autre, mais que je recommande qu'elle te parle.

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The Tulips Between Us [EN PAUSE]
RomanceLors d'une soirée un peu trop arrosée, Cayden commet un vol à l'étalage... de guirlandes de noël ! Médecin de renom à londres, il ne peut pas se permettre d'avoir un casier judiciaire. Pour être certain de gagner cet affaire, il fait appel à Mary Be...