— Longue nuit, n'est-ce pas ?
Je lève les yeux au ciel et décide de ne pas rentrer dans son manège.
— Non, en fait, j'ai dormi comme un bébé !
Elle plisse les yeux et opine du chef d'un air douteux. Je m'attends déjà à ce qu'elle me tire les vers du nez aussitôt que Cayden sera parti. Cela me donne une bonne excuse pour qu'il reste, mais plus il le fait, plus je m'attache à lui. Mon cœur est un traître qui ne veut pas écouter ma raison. Et le pire, c'est que mon cœur l'y encourage. Tous se liguent contre moi, un combat intérieur est mené. Pourtant, ils gagnent du terrain, je suis bien plus faible, ma raison comme seul soldat alors qu'ils sont une armée.
Aedlin sort des assiettes et les remplit de nourriture avant de les poser sur le bar, une en face de Cayden qui est déjà installé, et deux autres, chacune devant les sièges vides que nous rejoignons alors. Aedlin se met volontairement au milieu et déjà, Cayden et moi saisissons qu'il va passer un interrogatoire. Il attrape sa fourchette et plonge la tête dans son assiette, comme pour indiquer à Aedlin d'abandonner d'avance l'idée de s'attaquer à lui.
Cependant, ce n'est pas suffisant pour démotiver celle-ci.
— Alors, Cayden. Tu es médecin.
Ce n'est pas tout à fait une question, Cayden la dévisage avant de détourner les yeux pour me fixer. Son regard crie à l'aide, mais je me jette sur mon pancake pour le laisser dans sa merde seul. J'y passerai aussi et il ne sera définitivement pas là pour me sauver, qu'il vive la même chose. Il a encore de la chance de n'avoir qu'à répondre à ce type de questions quand je vais avoir le droit à l'interrogatoire me privant de la moindre intimité.
— Oui, finit-il par répondre, comprenant que je ne lui serais d'aucun soutien.
— Mmh... Et tu es son client.
Elle continue avec ses questions qui sonnent plus comme des affirmations. Elle en connaît déjà la réponse.
— Oui.
— Alors pourquoi tu as passé près de vingt-quatre heures avec elle ? Tu te fiches des relations professionnelles ? Tu aimes franchir la limite ?
— On croirait une juge, Aedlin, lancé-je. Arrête de l'emmerder.
— Je ne saisis pas que tu aies pu accepter de sortir avec ton client. Toi.
— Tu m'as toi-même encouragée à aller plus loin. Tu t'y opposes, maintenant ?
— Non. Tant mieux si tu es heureuse. Mais je ne pensais pas te voir si vite dans ses bras.
— Je devrais y aller, annonce Cayden en descendant du tabouret haut.
La conversation l'a exclu, nous parlons de lui à la troisième personne. Je n'aurais pas aimé non plus, mais je ne peux pas le laisser partir. Je n'en ai pas envie.
— Attends. Reste.
Il hésite et jette un œil à Aedlin.
— Vous devez discuter, allez-y.
— S'il te plaît, l'imploré-je. Reste.
Il soupire, mais le regard que je lui offre le fait rapidement craquer. Peut-être que je ne suis pas la seule à être faible, lui aussi cède à son cœur.
— OK. Mais ne parlez pas comme si je n'étais pas là.
Aedlin bougonne, mais je lui lance une tape dans l'épaule et elle finit par accepter de ne pas parler comme s'il n'était pas là.
— Je disais donc, si vous vous êtes trouvés, c'est très bien. Mais j'ai l'impression que c'est trop rapide.
Cayden la fixe avec une grimace, peu satisfait de sa déclaration. Cependant, je ne peux être que d'accord avec elle. Je ne peux pas me précipiter, pas quand il y a autant en jeu. Mais il est difficile de garder la tête froide avec un homme aussi parfait que Cayden. On dit souvent que quand un homme est si exemplaire, c'est qu'il cache quelque chose de grave, mais que cela pourrait-il être ? S'il est considéré comme un criminel à cause de son vol, on peut dire qu'il n'est pas si estimable, mais pour être honnête, je me fiche de cette histoire. Il n'était même pas conscient de ses actions, il n'est pas responsable de sa neuro-divergence.
— Tu as raison. C'est pour ça que nous allons faire des dates. Je veux y aller doucement et apprendre à le connaître.
Mes yeux glissent jusqu'au concerné.
— Je te l'ai déjà dit. Ça tient toujours.
Il me sourit.
— Et ça tient toujours lorsque j'ai dis que je t'attendrai et que j'acceptais de prendre autant de temps que tu en as besoin. Rien n'est plus important pour moi que de te laisser aller à ton rythme.
Aedlin ne peut s'empêcher d'arborer une expression qui crie à quel point elle trouve la déclaration de Cayden mignonne, et je suis bien d'accord, même si je laisse transparaître moins d'émotions.
Nous réalisons que chacun a picoré dans son assiette jusqu'à ce qu'elles soient toutes vides si bien que Aedlin débarrasse et rejoint la cuisine pour les fourrer dans le lave-vaisselle.
— Bon, j'ai un footing à faire. Faites ce que vous voulez tant que ce n'est pas sur mon canapé.
Elle me souffle un baiser avant de quitter la pièce de vie et s'éclipse dans sa chambre.
— Je vais y aller, déclare Cayden.
Je hoche la tête même si mon cœur crève de lui demander de rester encore.
— On se revoit quand ? tenté-je tout de même pour calmer le fou qui bat dans ma poitrine.
Cayden s'approche de moi et dégage une mèche derrière mon oreille alors que ses lèvres s'étirent. Il est beau, vu de si près. J'ai tellement envie de me mettre sur la pointe des pieds pour effacer les quelques centimètres qui me séparent de lui.
Il réfléchit une seconde avant que ses yeux s'illuminent, signe qu'il vient d'avoir une idée.
— Tu es déjà allée au Hyde Park Winter Wonderland ?
— Ça ne me dit rien.
— Tu es disponible demain ?
Je détourne le regard pour fixer le vide une seconde afin de visualiser mon agenda. Finalement, je reporte mon attention vers Cayden.
— Je suis disponible.
— Très bien. Rendez-vous ici à deux heures de l'après-midi. Et cette fois-ci, évite le concert et fais attention à l'heure, ajoute-t-il avec un clin d'œil.
Je me marre et acquiesce, lui promettant de me mettre plusieurs alarmes pour être certaine de ne pas avoir la moindre minute de retard.
Il récupère ses quelques affaires dans ma chambre avant de se chausser et d'enfiler son manteau dans l'entrée.
— Alors à demain, me salue-t-il en ouvrant la porte.
— À demain, Cayden.
Il me fait un signe de la main avant de disparaître dans le couloir de l'immeuble, ne laissant que son parfum et le vide derrière lui. J'inspire un grand coup pour charger mes poumons de son odeur avant de rejoindre ma chambre. Je ferme la porte et me laisse glisser contre celle-ci. Déjà, mes pensées s'évadent vers le lendemain, m'interrogeant sur le déroulement de notre date. Cela ne peut que bien se passer, mais un rendez-vous est toujours stressant, on s'imagine toujours le pire. Ou n'est-ce que moi ? Suis-je la seule à me faire des scènes, le soir dans mon lit, imaginant le pire comme le meilleur ? Est-ce mon cerveau d'auteure qui parle ?
Soudain, une idée pour mon roman me vient et je me précipite sur mon ordinateur pour immédiatement la noter afin de l'incorporer si j'en trouve l'occasion. Je fais défiler les dizaines de pages qui constituent mon manuscrit et ne peut m'empêcher de relire mes passages favoris.
Est-ce que je suis, moi aussi, en train de vivre mon roman d'amour ?
VOUS LISEZ
The Tulips Between Us [EN PAUSE]
RomanceLors d'une soirée un peu trop arrosée, Cayden commet un vol à l'étalage... de guirlandes de noël ! Médecin de renom à londres, il ne peut pas se permettre d'avoir un casier judiciaire. Pour être certain de gagner cet affaire, il fait appel à Mary Be...