Chapitre 23.2 - Cayden

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— Au fait, j'espère que vous avez pris des gants, m'inquiété-je soudainement.

— Pourquoi ? Je n'ai pas froid aux mains.

Je feins l'étonnement.

— Je ne vous avais pas dit qu'on venait à la patinoire temporaire du Natural History Museum ?

Elle fronce les sourcils avant de les hausser. Elle ne semble pas tout à fait capable de savoir comment réagir. Nous apercevons déjà les premières personnes qui se précipitent sur la fausse glace devant le musée, leurs patins bleus aux pieds.

— Vous m'avez dit qu'on allait au Natural History Museum. Ce n'est pas tout à fait la même chose.

— Pardon. J'oublie que vous ne vivez pas à Londres, j'aurais dû préciser que je parlais de la patinoire.

— Quoi qu'il en soit, c'est impossible. Je ne monterai pas sur cette glace.

— Pourquoi ? m'étonné-je.

— Je ne sais pas patiner.

Choc. Comment ça, elle ne sait pas patiner ? Je n'en reviens pas. Cependant, je ne laisse rien paraître. Pas question de la troubler plus qu'elle ne l'est déjà.

— Je peux vous apprendre. C'est très facile. Je suis certain que vous vous y ferez très vite.

— Je n'en ai jamais fait.

— Il faut bien commencer un jour, rétorqué-je. Vous ne risquez rien sur de la glace en plastique, de toute façon. Vous avez des gants ?

Elle secoue la tête. Je tire alors de ma poche une paire que je lui tends.

— Ce sera sans doute trop grand, mais c'est mieux que rien. Vous serez heureuse de les avoir là-dedans.

— Et vous ?

— Ne vous en faites pas, ça ira.

Je tais le fait que je n'en mets jamais, j'ai trop patiné dans ma vie pour encore en ressentir le besoin. Nous arrivons au niveau de la patinoire et prenons place sur un banc attenant.

— Vous faites quelle pointure ?

— Du trente-huit.

— OK. Retirez vos chaussures et donnez-les moi.

Je rejoins la cabane où sont disponibles des patins et en demande une paire en quarante-deux et une en trente-huit que j'échange contre nos chaussures, qui viennent alors occuper la place des patins prêtés. Je paie et les apporte à Mary.

— Tenez, dis-je en lui présentant ses patins.

Elle ouvre grand les yeux.

— Comment on met ça ?

— Je vais le faire.

Je m'accroupis devant elle et la laisse glisser son premier pied dans le patin.

— Vos orteils ne sont pas écrasés ?

Elle secoue la tête. Je commence alors à les lacer, serrant fermement pour que sa cheville soit parfaitement tenue et qu'elle ne se fasse pas mal. Une fois les lacets noués jusqu'aux crochets, je laisse tomber son pied et saisit son second pour faire la même chose.

— Vous êtes bien dedans ? Ça serre pas ?

— Non, c'est parfait.

J'acquiesce et lui conseille de marcher un peu pour s'y habituer tandis que j'enfile les miens d'un geste habile. Je n'ai pas touché à des patins depuis des années, pourtant, c'est comme si je n'avais jamais arrêté. Mon corps a encore en mémoire les sensations que je ressentais quand j'étais sur la glace.

— Prête ?

— Prête.

Nous nous dirigeons jusqu'à l'entrée de la patinoire temporaire. J'y mets un premier pied, puis le deuxième. Aussitôt, mon corps se conditionne, conscient de là où je me trouve. Il sait.

J'attire Mary à moi qui tremble de peur. Ça me rend fou de la voir ainsi, si peu sûre d'elle.

— Ça va aller, vous allez voir, c'est simple.

— Je ne sais pas si c'est une bonne idée, dit-elle dès que son pied rencontre la glace.

Elle se tient à moi avec force et n'ose pas engager le deuxième pied.

— Allez, il faut y aller. Je vous promets que vous allez y arriver.

Elle soupire et prend une grande inspiration avant de se jeter dans la gueule du loup – c'est-à-dire, jeter tout son poids sur moi. Je la rattrape de justesse et me marre. C'est un peu bancal, mais au moins, elle a les deux pieds posés sur le plastique. C'est déjà ça.

— Il faut avancer, maintenant.

— Vraiment ? Je trouve qu'on est plutôt bien, ici.

Je secoue la tête et ris.

— Vous bloquez l'entrée pour les autres.

Je ponctue ma phrase d'un signe du menton qui désigne deux adolescents qui grognent de ne pas pouvoir entrer sur la glace.

— Oui, bah désolée ! Tout le monde n'est pas une pro du patin.

Je me retiens de réagir alors qu'une envie de rire me prend. Elle paraît plutôt être du genre à sourire et être joyeuse, mais elle est soudainement très anxieuse. Je le vois à ses doigts qui tremblent légèrement et à ses yeux qui ne savent pas où se poser. Son souffle, lui, s'est légèrement intensifié. Je me mords la lèvre inférieure et réfléchis.

Les adolescents se plaignent une nouvelle fois, si bien que je tire Mary à moi, la faisant glisser d'un bon mètre, ce qui permet d'enfin libérer l'entrée. Ses yeux se plantent dans les miens, grand ouverts. Elle est tellement proche que je sens son cœur battre contre mon torse.

— Tout va bien. Je suis là.

— Pourquoi vous avez fait ça ? Vous voulez ma mort ?

— Non, justement. Ces adolescents allaient finir par vous faire la peau.

— Putain de merde, râle-t-elle en glissant.

Je me retiens de rire. Je n'aurais jamais imaginé qu'elle puisse être si vulgaire.

— Regardez-moi. Je vous tiens. Vous n'allez pas tomber.

— N'en soyez pas si sûr. Je porte la poisse.

— Mais non !

Elle me lance un regard qui en dit bien plus que n'importe quel mot. Je pense qu'il vaut mieux que je la ferme et la laisse croire ce qu'elle veut. Mon but n'est pas de la faire me détester.

— D'accord. Vous portez la poisse.

— Sympa, marmonne-t-elle.

Ah, les femmes ! Un véritable casse-tête que je ne déchiffre pas. Je n'ai pas le droit de dire qu'elle ne porte pas la poisse, mais je n'ai pas non plus le droit de dire qu'elle la porte. Faudrait savoir. Je mets fin à cette discussion, ne voulant pas continuer ce débat qui semble sans fin.

— Tenez-vous à moi. Je vais vous apprendre à patiner.

Elle opine du chef et se concentre sur moi. Elle s'accroche alors d'une main à la rambarde tandis que je patine devant elle à reculons pour qu'elle me suive. Ses mouvements ne sont pas sereins, mais elle évolue vite. Je ne suis pas étonné de la voir doucement lâcher le rebord au bout de quelques minutes, à présent bien plus sûre d'elle.

Je lui montre comment freiner, et elle saisit rapidement.

— Tu veux apprendre à reculer ? lui proposé-je d'un ton humoristique bien qu'il y ait une part de vérité dans ma phrase.

Elle pourrait, je n'en ai pas le moindre doute. Elle secoue cependant la tête. Nous continuons alors et peu à peu, à mesure que nous évoluons, notre rythme accélère. Elle patine de plus en plus vite et je suis content de découvrir à quel point elle est douée sur la glace.

Pourtant, soudainement, elle tombe à terre.

Putain.

The Tulips Between Us [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant