The Tulips Between Us [EN PAUSE]

Chapitre 17.4 - Mary

— Alors fais-le. Vis ta vie. Tu es ta propre patronne, profites-en.

Je secoue la tête.

— C'est pas si simple.

— Ah ouais ? Et pourquoi ça ? Des arguments valables comme à la Cour, s'il te plaît.

Je lève les yeux au ciel tandis qu'elle se marre, fière de sa blague.

— Je suis peut-être ma patronne, mais ça n'autorise pas notre relation. C'est mon client. On ne parle pas simplement d'une histoire entre une gérante de magasin et un habitué. Il s'agit d'une avocate et de son client qu'elle doit défendre à la Cour. C'est de la corruption.

Je modèle légèrement la vérité. Officiellement, il n'y a aucune loi qui ne l'interdit. Cependant, ce n'est ni éthique ni professionnel. Cela entraîne un manque d'objectivité, sans parler des informations confidentielles parfois échangées entre les parties.

— Corruption de quoi ? Tu dois le défendre, c'est ton travail. Ce n'est pas comme si tu étais juge et que tu devais te prononcer de manière impartiale. Là, tu es de son côté, quoi qu'il arrive.

— T'as pas tort, mais ça ne fonctionne pas comme ça.

— Si. Tu te trouves juste des excuses. Si t'avais un patron, j'aurais compris parce que tu risques sûrement d'être virée, mais là ? Il n'y a pas le moindre risque.

— Et si la partie adverse nous voyait ensemble ?

— Londres c'est grand, ma chérie. Et puis, même si c'est le cas, faudrait être un sacré con pour ramener ça dans l'affaire. Je suis à peu près certaine que cette information ne vaut rien aux yeux d'un juge. Ce n'est pas lié à l'affaire, surtout que la partie adverse devrait prouver que ça a un impact sur ta collaboration avec lui. Il suffit de t'assurer que ça ne change rien à ton travail.

— Ça ne change rien à mon travail, je sais faire la part des choses, me défendé-je.

— Voilà. Alors pas de soucis. Fonce et vis ta meilleure vie. Qui sait, c'est peut-être ton âme-sœur. Imagine que c'est l'amour de ta vie, t'es prête à rater ça pour quelque chose qui ne présente aucun risque ?

Je soupire. Elle a raison. Je veux seulement fuir et choisir la simplicité. L'amour fait peur, surtout quand on a une amnésie. Comment faire si, un jour, il me raconte une anecdote d'enfance et que je suis incapable de faire de même parce que je ne m'en rappelle aucune ? J'ai encore quelques souvenirs, mais la plupart ont disparu, ceux qui restent sont joyeux, mais n'ont rien de très intéressants.

— Je ne sais pas. C'était juste un après-midi comme ça pour me remonter le moral après l'hôpital. Il n'y a rien entre nous.

— Même un aveugle n'y croirait pas, votre alchimie saute aux yeux. Au bar, t'as été incapable de ne pas lui sauter dessus, et t'as passé un après-midi complet seule avec lui. C'est ce qu'on appelle un date, ma chérie.

Mon sourire apparaît de lui-même sur mes lèvres alors que je me remémore ces quelques moments passés avec Cayden. Elle a raison, il y a quelque chose. Indéfinissable, mais définitivement quelque chose. Mais le déni est tellement plus simple à vivre, je n'ai pas envie d'avoir le cœur brisé par un homme. J'ai bien trop à gérer dans ma vie, l'amour n'a pas sa place.

— Tu crois que je devrais explorer ça ? m'inquiété-je cependant.

— Carrément. Au pire, ça ne conclura pas, mais tu te seras au moins laissé une chance d'être heureuse avec un homme qui mérite clairement que tu tentes.

— Tu ne le connais même pas.

— Pas besoin de le connaître, il te fait briller. Tu sais le nombre de fois où je t'ai surprise à contempler une fleur qu'il t'a offerte ? Tu ressembles à un passionné de timbres devant l'exemplaire le plus rare du monde.

J'éclate de rire à sa comparaison. Elle aurait pu choisir des dizaines d'autres exemples, mais c'est le passionné de timbres qui lui est venu à l'esprit en premier. Cela dit, je saisis ce qu'elle cherche à dire, et je ne peux pas démentir, je sais que j'ai passé du temps à regarder les différentes tulipes qu'il m'a offert alors que je devais travailler.

— Tu marques un point.

— Dix, même. Donc, quand tu reviens à Londres, on est d'accord que tu vas le contacter et lui dire que tu aimerais beaucoup le voir en dehors de l'affaire.

— Et s'il ne voit pas les choses comme ça ?

— Alors tu lui dis que c'est seulement pour le remercier de t'avoir aidé l'autre jour et qu'il n'y a aucune arrière-pensée parce que de toute façon, il reste ton client et que tu es une avocate qui se respecte.

— OK, ça tient la route.

— Parfait. Et je veux tous les détails.

— Tous ? m'étonné-je en pensant à la manière dont un date peut se conclure.

— Tous, dit-elle en hochant la tête, me faisant comprendre qu'elle parle bel et bien de ce à quoi je pense.

— J'ai le droit à de l'intimité ?

— Absolument pas, ce sera grâce à moi.

Je fronce le nez.

— Beurk. Tu veux pas aussi te joindre à nous ?

— Ne me tente pas, les plans à trois c'est mon péché-mignon.

J'ouvre grands les yeux tandis qu'elle éclate de rire. Je n'arrive même plus à savoir si c'était une blague ou si elle le pense vraiment. Sans doute un peu des deux. Elle est tellement ouverte d'esprit que je la vois bien être du genre à tenter voire apprécier le sexe à plusieurs.

— Je te donnerai tous les détails, affirmé-je finalement.

— J'ai hâte de voir ça.

Moi aussi, mais pour le moment, la réalité me rattrape. Le négatif reprend le dessus. Je savais que ce temps de joie que m'offre Aedlin ne serait que temporaire, que bientôt mon esprit se souviendrait des jumeaux et de leur enterrement. L'événement tragique qu'a vécu Aimee tourne de nouveau en boucle dans ma tête et même si je suis reconnaissante que Aedlin ait pu me faire oublier pendant un moment, j'aurais aimé que cela soit plus long.

— Je vais te laisser. Je crois que je vais aller dormir.

Aedlin fronce les sourcils et comprend. Elle acquiesce et me salue avant que je raccroche en lui offrant un dernier sourire loin d'être sincère. Dès que l'écran de mon téléphone s'éteint, des larmes coulent sur mes joues. Je n'ai plus la force de manger, si bien que je m'oblige à refermer la boîte et à la mettre au frigo.

Je me jette dans mon canapé et allume Netflix, lançant le premier programme qui se présente. Je n'y fais cependant pas attention, n'étant capable que de pleurer.

Demain sera encore plus difficile.