Chapitre 8.1 - Mary

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Je regrette. C'était prévisible et maintenant, je ne peux que remercier Cayden de m'avoir repoussée. Aedlin avait dit que cela arriverait, et tant mieux que ce soit le cas. Je ne peux pas croire que j'ai réellement embrassé mon client. On ne parle pas d'un simple inconnu dans un bar que je ne reverrai jamais, mais mon client, celui pour qui je suis venue à Londres. Je suis incapable de me regarder dans un miroir. Je ne ressemble probablement à rien, mais surtout, j'ai embrassé mon putain de client. C'était le seul homme auquel je ne devais pas toucher, le seul qui m'était interdit. Je suis vraiment conne. Pourquoi ai-je bu autant ? Je sais pourtant que j'ai l'alcool amoureux et que rien ne peut m'arrêter une fois avoir dépassé ma tolérance maximum.

Je grogne alors qu'un rayon de soleil se reflète sur les draps blancs qui me recouvrent. Il m'aveugle. Je grimace alors que mon ventre se tord soudain. Je n'hésite pas une seconde et me précipite jusqu'aux toilettes dans lesquelles mes intestins se vident. Je soupire avant d'entendre la porte de ma chambre s'ouvrir. Je relève la tête et aperçois Aedlin qui se dresse devant moi, un plateau-repas dans les mains. Il n'y a qu'à voir à sa peau qu'elle n'a pas fait la même erreur que moi.

— Ça va ? me questionne-t-elle alors que je fais une nouvelle moue, signe que la nausée revient.

— Rappelle-moi que je n'ai plus l'âge de boire autant.

— C'est pas une question d'âge, note-t-elle. On a tous nos limites et tu les as clairement dépassé hier. Fais attention à ta santé. On a qu'un corps, on doit en prendre soin si on veut que notre âme vive le plus longtemps possible.

J'acquiesce et note la beauté de sa phrase. Elle a raison. L'enveloppe corporelle n'est là que pour aider l'âme à évoluer et à se déplacer dans l'environnement. On ne devrait pas donner autant d'importance au physique qu'on le fait, le corps n'a jamais été fait pour ça. Seule l'âme d'une personne devrait être considérée comme belle. Pourquoi avons-nous évolué dans une optique où le corps humain est bien plus important que l'âme elle-même ? Aujourd'hui, le monde ne juge plus que par l'extérieur, décide si on peut parler à telle ou telle personne selon son image, alors qu'on continue à s'attacher aux autres pour leur âme. Lorsqu'il ne s'agit que de coucher avec quelqu'un, je me fiche de qui il est à l'intérieur, je ne juge que son corps, c'est tout ce qui m'intéresse lors d'une séance de plaisir charnel. Mais lorsque j'ai rencontré Aimee, lorsque Aedlin est revenue vers moi après des années, je n'ai jamais fait réellement attention à leur physique. J'ai aimé le caractère de chacune, leur intelligence, leur humour et toutes ces choses qui font d'elles qui elles sont. Un corps ne définit personne, et ne le fera jamais. À la fin, c'est toujours l'âme qui prime.

— Je ferais attention, je te le promets.

Je me relève et tire la chasse d'eau avant de me glisser devant l'évier pour me laver les dents afin de me débarrasser du goût ignoble présent dans ma bouche.

— Ne me le promets pas à moi, promets-le toi.

J'opine du chef. Je ne dois ma santé qu'à moi-même, elle a raison. Je termine de brosser mes dents et Aedlin me sert enfin le plateau qu'elle m'a préparé. Il contient des œufs brouillés, du lard, des tomates cerises, un café et un grand verre d'eau accompagné d'un cachet. Sans attendre, j'attrape ce dernier et l'avale grâce à une gorgée d'eau. Mon estomac gargouille, vide. Je me jette sur la nourriture et avale l'entièreté de mon assiette en une quinzaine de minutes sous le regard de Aedlin qui traîne sur les réseaux sociaux et me montrent quelques vidéos drôles ci et là.

— Merci pour ça, j'en avais besoin.

— Et ce n'est pas fini. Tu vas prendre un bon bain chaud devant une série et te reposer toute la journée.

Je secoue la tête.

— J'ai du boulot.

— Tss, tss, tss. Aujourd'hui, tu as besoin de te poser et de ne rien faire. Le boulot t'attendra, rien n'est urgent en plein week-end.

Je soupire.

— Je dois avancer sur l'affaire de Cayden si je veux retourner à Glasgow au plus vite.

— Cayden, hein ? relève-t-elle. Plus de "mon client" ou "Monsieur McCarthy".

Je hausse les épaules.

— J'utilise son prénom, et alors ? Ça ne veut rien dire. Je regrette ce qu'il s'est passé hier, de toute façon.

— Tu regrettes, vraiment ? se moque-t-elle. Je pense surtout que tu choisis la facilité de la fuite.

The Tulips Between Us [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant