Chapitre 27.2 - Mary

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— Tu es très belle, ce matin, commente-t-il, me faisant rougir.

Je suis certaine que sous mes taches de rousseur, il peut percevoir l'échauffement de mes joues. Je suis terriblement faible, surtout lorsqu'il s'agit de Cayden.

— Merci, me contenté-je de répondre en me retournant pour laisser mes pommettes reprendre leur couleur habituelle.

— Habille-toi, lui lancé-je en feintant de replier un linge dans mon armoire. Histoire qu'on déjeune sans que tu ne traumatises encore Aedlin.

Encore ? s'offusque-t-il. Je ne l'ai jamais traumatisée.

— Tu oublies qu'hier, elle a pensé qu'on avait couché ensemble sur son canapé ?

— Ce n'est pas ma faute.

— Si tu n'étais pas là, elle n'aurait pas pu s'imaginer ça.

Il ne répond pas si bien que je me tourne vers lui pour m'assurer que tout va bien. Maintenant que je réalise que ma phrase a un sens désagréable, je comprends pourquoi il paraît renfrogné.

— Pardon. Je ne voulais pas dire que tu déranges. Au contraire, j'ai passé une très belle soirée. Tu m'as comprise...

Il soupire.

— Tu sais, Mary, je fais tout ce que je peux pour que tu m'acceptes dans ta vie, mais j'ai parfois l'impression que tu fais tout pour me repousser.

Je ne peux pas faire semblant d'être étonnée. Ce n'est pas comme s'il avait complètement tort. J'essaie de lui faire une place, mais ce n'est pas aussi simple que ça. J'ai envie de le garder éloigné, de ne pas le laisser s'approcher de moi.

Je soupire et le rejoins sur le lit, m'asseyant à ses côtés. Je prends sa main dans la mienne et aussitôt, la chaleur qui émane de celle-ci me rassure. Il est là, il est bien réel, et il ne compte pas s'enfuir sans regarder en arrière. Je ne sais pas si c'est ce que je veux ou si c'est ce qui me fait peur.

— Tu as raison, mais je n'y peux rien. Cette situation est stressante.

— On n'avait pas dit qu'on avançait sans regarder le futur ? Qu'on profitait et qu'on verrait le moment venu ? Tu ne t'engages à rien. Je t'ai dis qu'on pouvait avancer doucement, aller en date sans s'embrasser, sans coucher ensemble. Ne te force pas, allons à ton rythme.

— C'est plus simple à dire qu'à faire. Tu n'as pas peur, toi ?

— Si, bien sûr. Mais j'essaie de mettre mon anxiété de côté pour profiter au maximum des moments avec toi.

Je hoche silencieusement la tête, m'imprégnant de ses paroles qui résonnent en moi. J'ai envie de faire pareil, pourquoi cela paraît-il si simple lorsqu'il en parle ?

— C'est difficile.

— Prends ton temps. Je ne compte pas partir si tu me fais attendre.

J'acquiesce et pose la tête sur son épaule. Il embrasse mon front avant d'y mettre son menton dans un mouvement rassurant. Je souris et profite de l'instant de calme à ses côtés, mais un bruit provenant de la cuisine me fait revenir à la réalité.

— T'es toujours pas habillé, noté-je alors en relevant la tête.

Cayden m'attire pour reprendre ma position initiale.

— Laisse-moi profiter de toi encore un peu.

— Tu sais qu'il va bien falloir bouger un jour ? On ne peut pas rester comme ça toute la matinée.

— Mmmh, marmonne-t-il, déçu.

Il dépose un baiser sur le haut de mon crâne tandis que ses bras viennent m'entourer chaleureusement. Il se laisse tomber sur le lit et m'entraîne avec lui. Ses pupilles se plantent alors dans les miennes et j'y lis beaucoup d'émotions. De la tristesse, de la joie, de l'espoir... de l'amour ? Elles brillent d'une émotion forte que je reconnais, celle que les acteurs dans les films arborent lorsqu'ils sont fous de quelqu'un – mais en bien plus réaliste, bien plus intense.

— Je... commence-t-il avant de se renfrogner et de tourner la tête.

D'une main, je le force à me regarder droit dans les yeux.

— Dis-moi.

Il semble pris de court, mais efface rapidement cet air de son visage.

— J'ai terriblement envie de t'embrasser.

Je me mords l'intérieur de la joue, perdue entre l'envie et la peur. L'arrivée de Cayden dans ma vie fait trembler mes murs, affaiblit mes fondations. Je n'ai aucune idée de comment réagir, j'ai envie de m'écouter, de vivre, mais j'ai tellement peur de souffrir comme tant de personnes avant moi dont j'ai assisté à la descente aux Enfers.

— Je sais, soupiré-je. Mais je veux prendre le temps. Si ça doit fonctionner, alors ça vaudra le coup d'avoir attendu.

— Et sinon ? ose-t-il.

— Et sinon, on aura vécu un moment qu'on oubliera pas. On sourira en pensant à l'autre, peut-être même qu'on restera amis, qu'on prendra régulièrement des nouvelles de l'autre.

Dans ses yeux, je vois à quel point mes mots le blessent, pourtant c'est ce que je pense sincèrement, c'est ce qui me semble le plus juste. Je ne veux pas me précipiter. L'expression "tout vient à point à qui sait attendre" prend tout son sens. Parfois, attendre est le mieux, prendre son temps pour réfléchir à tout ce qu'une telle relation entraîne est important. Je ne peux pas me risquer à foncer tête baissée dans une histoire avec mon client qui habite à des centaines de kilomètres de chez moi.

— D'accord.

— Habille-toi, il est temps que tu fasses un peu mieux connaissance avec Aedlin. Hier soir n'était pas le meilleur moment pour ça.

Pas besoin de préciser pourquoi. Entre le fait que nous venions à peine de coucher ensemble et que Aedlin était fatiguée de son retour de New York, il est évident qu'aucun de nous n'était dans une position correcte pour se présenter même si nous pouvions aligner deux mots sans nous mettre à bégayer.

Tout juste une minute plus tard, Cayden passe son bras autour de ma taille, me faisant frissonner.

— Je pense qu'il est mieux qu'on évite ce genre de choses. C'est trop tôt.

Immédiatement, Cayden dégage sa main, mais ses yeux en disent bien plus. Il a mal, il espérait au moins ça, il est déçu, je le vois à son sourire retombé. Je ne fais pas de commentaire pour ne pas mettre le feu aux poudres, et l'invite à me suivre jusqu'à la cuisine où nous retrouvons Aedlin en train de se préparer un bol d'avoine tandis que des pancakes cuisent sur la gazinière.

— Bonjour, ma chérie ! me lance-t-elle avec un grand sourire. Tu as bien dormi ?

Elle lance un regard entendu vers Cayden qui ne sait soudainement plus où se mettre. Je savais que Aedlin allait passer en mode attaque, c'est tout à fait son genre, surtout après une bonne nuit de sommeil. Elle est en pleine forme.

— Très bien, dis-je sans rien laisser paraître. Et toi ?

— Parfait.

Elle se tourne vers mon compagnon de nuit.

— Cayden, c'est ça ? Tu as bien dormi ?

— Oui, le lit est très confortable.

— Tu m'en diras tant... marmonne Aedin.

Cayden me jette un regard de détresse qui me fait rire.

— Aedlin, tu crois que tu peux partager tes pancakes ? lancé-je pour détourner son attention.

— Tu dois avoir faim, ajoute-t-elle.

J'acquiesce alors que je comprends sur quel terrain elle tente de m'emmener.

The Tulips Between Us [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant