Chapitre 3

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Le sang tambourine à mes tempes quand Ross surgit enfin devant moi, au terme d'une longue ascension. Il apparaît comme une ombre au-dessus du gouffre : des épaules, une tête, l'éclat agressif de sa lampe frontale. Puis sa main se referme sur mon bras-ferme, rassurante-et il me  hisse à ses côtés. 

     Nous nous trouvons dans un petit local technique, encombré par quelques machines de nettoyage et par l'imposant dérouleur qui a permis mon excursion dans la salle aux carnets. Face à moi, la porte ; dans mon dos, le vide. La paroi métallique qui le masquait auparavant gît sur le côté.

     Ross me prend par les épaules et m'écarte de lui pour mieux m'observer. Toujours aveuglée par sa lampe, je grimace. Il la fait pivoter, je l'imite, et enfin, on peut se regarder. Il me détaille de la tête au pieds, puis des pieds à la tête ; je lève les yeux au ciel.

     — C'est bon. Je suis pas blessée. 

     — Ça reste à prouver.

     — J'ai survécu dix-neuf ans sans toi, tu sais.

     — Et je m'en étonne tous les jours.

     Il saisit mes mains, les examine. Je voudrais continuer à protester, mais le contact délicat de ses doigts sur les miens m'empêche de penser. Il fronce les sourcils, l'air contrarié, en frottant une marque de brûlure sur mon pouce. 

     C'est adorable. 

     — On va finir par se faire arrêter, si tu continues, le rabroué-je pourtant. 

     Il sourit-un sourire en coin, les yeux brillants. Malicieux comme un chat qui s'apprête à pousser un verre d'une table. 

     — Je pensais que c'était le but.

     Son souffle est sur mon visage. Est-ce lui qui s'est rapproché ? Ou moi ? Peu importe : je ne vois plus rien d'autre que les mèches rebelles sur son front, ses yeux gris qui me happent et ses lèvres entrouvertes. Il fait encore un pas en avant : je suis plaquée contre le mur, et Ross est plaqué contre moi. La chaleur de son corps m'enveloppe, son odeur m'enivre, et...

     — La sécurité vous a localisés, indique Tyler dans notre oreillette. Les gardiens sont presque arrivés au local.

    On se regarde encore quelques secondes, chacun attendant que l'autre rompe le contact. Aucun de nous ne bouge. Son souffle est court, aussi court que le mien. 

     — Cass ? Ross ?

    Il déglutit et s'écarte. J'essaie de cacher ma déception.

     — Il est temps que t'y ailles, Ty, lancé-je au hacker. 

     — Bonne chance. Oh, et, Cass ?

    — Pas besoin d'adieux larmoyants. 

     — OK, mais qu'est-ce que je dis à Vywyan ?

    Mon ventre se noue. Je lui ai laissé un mot d'explication quand nous avons quitté le QG de l'Organisation sans prévenir, il y a une semaine. Depuis, j'ai pris soin de garder mon globophone éteint. 

     Je sais qu'elle va me détester et que j'agis comme une gamine, mais je préfère l'éviter plutôt que d'affronter ses reproches. De devoir lui expliquer pourquoi je l'ai abandonnée-encore.

     — Pas besoin de lui dire quoi que ce soit, réponds-je. Tout était dans ma lettre. 

     — Elle m'a appelée, Cass. Elle veut te parler.

Evasion (Cass-tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant