Ross Mozkowszki sait qu'il est en train de mourir.
Le sang s'échappe peu à peu de la plaie dans son cou, forme une flaque toujours plus large en-dessous de lui. Chaude, poisseuse, puante.
Il lui suffirait de lever la main, d'arracher le scalpel à sa chair, et il serait sauvé ; mais il n'y arrive pas. Ou plutôt, il n'arrive pas à trouver une raison de le faire.
J'ai cru que t'étais l'amour de ma vie. J'y ai vraiment cru. Mais t'étais juste une erreur, la plus grosse, plus idiote de toutes mes erreurs.
Cass le hante. Ses mots, sa voix, ses yeux, son corps. La manière dont elle l'a regardé tandis qu'il s'effondrait à ses pieds, sa violence, sa rage, et pire que tout, sa peine.
Ross l'a détruite. Il lui a fait plus mal encore que les tortures d'Akhilleús, plus mal que la trahison du Prof, et cette idée le rend dingue. Oh, comment a-t-il pu être assez stupide pour aller voir Thétis ?
Il n'avait rien planifié. Les révélations de Jane l'ont mis dans un tel état qu'il a fui sans réfléchir, puis il a trouvé le message de sa mère dans sa poche.
Je peux la sauver.
Quatre mots. Quatre petits mots vicieux et mensongers auxquels il n'aurait jamais dû croire, et dans lesquels il a fait l'erreur de voir sa dernière chance.
Il savait que Cass ne le pardonnerait jamais pour ça, et il s'est dit qu'il pourrait le supporter. Qu'il préférait la regarder vivre de loin, sans lui, que de la tenir mourante dans ses bras.
Mais voilà, il n'a pas sauvé Cass. Au contraire. Il lui a arraché tout espoir, il l'a poussée sur une route dont elle ne reviendra pas indemne-si elle en revient.
Il n'en doute pas, elle tuera Thétis. Mais à quel prix ?
Et à quoi bon se relever, à quoi bon vivre, si c'est pour la voir sombrer par sa faute ?
Il fixe le plafond. Sa vision se brouille. La douleur dans son cou lui semble de plus en plus lointaine, rien qu'une pulsation étouffée.
Et soudain, le visage de sa mère apparaît au-dessus de lui.
Ross essaie de rire, et un éclair de souffrance traverse tout son corps, le ramène à lui pour quelques secondes.
T'es fière de moi ? voudrait-il lui demander. T'es fière de ton travail ? Voilà ce que j'en fais, de la force que tu m'as donnée, de ce foutu corps robotique. Je me laisse crever sur le sol.
Elle fronce les sourcils, juste un peu. Tu as mis du sang partout, semble-t-elle lui répondre. Regarde ça. Je vais devoir nettoyer.
D'un coup sec, elle retire le scalpel.
Ross lâche un grognement. Pendant un instant, il n'y a plus que la douleur. Puis elle s'estompe, et il réalise que sa chair est en train de guérir, que sa vision s'éclaircit.
— Non, souffle-t-il, paniqué. Non...
Trop tard. Il est en vie, il est sauvé, la peau de sa gorge parfaitement lisse.
Il se redresse. Il a beau être guéri, au fond de lui il a toujours mal, tellement mal qu'il voudrait hurler.
Roma Grazziano...elle l'a appelé Roma Grazziano.
— C'est ta faute, crache-t-il en regardant sa mère. Depuis le début, tu nous regardes, tu surveilles chacun de nos gestes...tu nous as laissés monter nos petits plans comme des gosses qui s'amusent, et puis te voilà qui en a marre, qui renverse l'échiquier et laisse tous les pions se fracasser sur le sol, et ils ne souffrent pas encore assez, alors tu te lèves pour les écraser sous ta chaussure...
— Oh, Roma, mon pauvre garçon. Tu délires.
Il ne se souvient pas de l'avoir jamais autant haï. La rage fait trembler ses muscles et obscurcit sa vision.
— Pourquoi ? lui demande-t-il. Pourquoi tu fais tout ça ? Pourquoi tu ne peux pas nous laisser tranquilles, Cass et moi ?
La scientifique sourit, lui répond d'un ton bienveillant.
— Je crois que tu n'as pas bien suivi la situation. Il n'y a plus de Cass et toi. Elle te déteste.
— Et c'est ta faute. C'est entièrement, complètement ta faute...
— Non, Roma. C'est la tienne.
— Tu m'as manipulé...
— Allons, c'était bien trop facile. Tu t'es laissé faire.
— Je te déteste. Je te déteste tellement...
— Ce n'est pas important. Nous sommes dans le même camp, à présent. Cass m'a prêté allégeance, et tu ne vas pas la laisser seule, si ? Tu vas ramper à ses pieds encore quelques temps, avant de réaliser que c'est inutile.
— Pourquoi tu fais ça ? demande-t-il de nouveau.
— Parce que vous êtes mes créations les plus réussies. Mes chef-d'œuvre. Mes enfants. Je vous veux à mes côtés.
— Tu as Rémond. Rémond t'obéit, c'est le parfait soldat. C'est lui, ton chef-d'œuvre. C'est de lui que tu as besoin.
— Rémond n'est rien, réplique-t-elle avec mépris. Juste un enfant avec une force démesurée. Il est incapable de prendre des décisions par lui-même, il ne comprend même pas ce qui se passe dans sa propre tête. Je veux rendre l'espèce humaine plus forte, Roma, pas en faire une armée d'esclaves sans aucune raison de vivre.
— Mais quelle héroïne...
Elle secoue la tête, un demi-sourire aux lèvres.
— Ne dis pas n'importe quoi. Les héros sont des gens stupides, qui se font tuer pour des causes stupides en s'imaginant que ça sert à quelque chose. Moi ? Je suis celle qui les tue. Et certains disent que je suis un monstre, mais quelle importance ?
Elle se penche vers lui, et ajoute dans un murmure :
— A la fin de l'histoire, je suis la seule en vie.
![](https://img.wattpad.com/cover/372227574-288-k88432.jpg)
VOUS LISEZ
Evasion (Cass-tome 2)
Science Fiction⚠️ Si vous n'avez pas lu le tome 1, n'hésitez pas à aller le retrouver sur montre profil ! Attention, spoilers dans ce résumé... Thétis est morte. Akhilleús a été définitivement détruit. Cass Jackson ne souhaite qu'une chose : tourner la page, et v...