Chapitre 32

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Dis-moi que c'est notre lien qui déraille. Dis-moi que tu ne viens pas vraiment de faire ce que je crois que tu viens de faire...

Désolée, Ross. J'ai pas le temps d'expliquer, là, tout de suite.

Si tu me bloques encore, je te jure que...

Je le bloque.

Je suis censée garder mon sang froid, agir vite, mais mon esprit est en ébullition. Bon sang, mais c'était quoi, ça ?

Je sens encore les mains de Rémond sur ma peau, ses lèvres avides contre les miennes. La nausée m'envahit. Je me retiens de justesse de me précipiter à la recherche d'une brosse à dents.

Ç'aurait dû être une simple diversion ! Je voulais le déstabiliser. Il n'était pas censé m'embrasser comme s'il en rêvait depuis des mois.

Réfléchis, Cass, réfléchis.

Et soudain, je comprends. Je revois Ross s'énerver contre moi cette nuit, avec une violence qui ne lui ressemble pas. Je revois Rémond dans le gymnase, me tenant contre lui pour m'empêcher de m'effondrer, et moi...moi qui le confond avec mon coéquipier, chose que notre lien mental est censé rendre impossible.

La connexion entre Ross et son clone n'est pas seulement physique, mais aussi émotionnelle. L'amour de Ross pour moi, la froideur brutale de Rémond...tout passe de l'un à l'autre. Si pendant quelques secondes, j'ai été incapable de faire la différence entre eux, c'est tout simplement parce que la frontière entre leurs esprits est brouillée.

Ce qui signifie que Ross avait raison. Rémond est bien en train de changer, déstabilisé par des émotions qu'il ne comprend pas. A ceci près que contrairement à ce que pensait mon coéquipier, ces émotions ne sont pas les siennes.

Du moins, pas seulement.

Mon cœur sombre dans ma poitrine. Soudain, je réalise à quel point je me suis montrée injuste envers Ross. Pas seulement immature, mais cruelle. Après avoir tout fait pour qu'il accepte son humanité, j'ai refusé de l'écouter quand il s'est ouvert à moi. Bien sûr, il a sa part de responsabilité dans notre dispute, mais si j'avais fait un effort pour garder mon calme, si j'avais pris en compte ses impressions, nous n'en serions pas arrivés là. Au lieu de ça, je me suis comportée comme une gamine capricieuse, je n'en ai fait qu'à ma tête, et j'ai couronné le tout en embrassant son clone dans un placard.

Une part de moi voudrait courir le retrouver immédiatement. Tant pis pour ma fierté stupide : je m'agenouillerais devant lui si c'est ce qu'il faut pour qu'il me pardonne. Mais au point où j'en suis, autant aller au bout de mon plan. Je refuse d'avoir fait tout ça pour rien. J'ignore combien de temps le trichloréthylène va faire effet sur l'organisme robotisé du clone ; il faut que je me dépêche. Même si j'ai appris à utiliser ma télépathie sans contact physique, je pose une main sur son front pour plus de facilité. Puis je me glisse dans sa tête.

Comme il est inconscient, je m'attends à tomber sur une espèce de rêve, ou bien à être aspirée directement par ses souvenirs comme cela arrive parfois. Je suis déjà entrée dans l'esprit de Rémond, même si je n'ai jamais cherché à m'y attarder, et il ne m'a pas semblé différent de celui des autres.

Hors le décors qui m'entoure n'appartient ni à un souvenir, ni à un rêve. On ne peut d'ailleurs pas vraiment parler d'un décors.

Je me trouve au milieu du vide. Un vide blanc, lumineux, comme si je regardais une ampoule en gros plan. Je ne perçois ni pensées, ni sensations, ni même l'ombre d'un moment passé. C'est comme si le cerveau de Rémond avait tout bonnement cessé de fonctionner.

Evasion (Cass-tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant