Evasion (Cass-tome 2)

Chapitre 48

J'ai imaginé mes retrouvailles avec Thétis d'un millier de manières différentes. Chaque fois, elle finissait à mes pieds, et elle me suppliait et je riais et j'avais le contrôle, j'avais le pouvoir, j'avais ma vengeance.

Mais je me trouve là, face à elle, et je n'ai rien de tout ça. Je n'arrive pas à parler. Je n'arrive pas à bouger.

Je réalise à cet instant que je ne pensais pas vraiment qu'elle avait survécu. J'ai été incapable de croire à sa résurrection comme, paradoxalement, j'avais été incapable de croire à sa mort. Parce que si une part de moi l'a toujours vu comme un être immortel, invincible...

Je l'ai regardé brûler vive.

J'ai senti sur ma peau la chaleur des flammes qui dévoraient son corps, j'ai toussé en respirant ses cendres, étouffée par la fumée et l'odeur de sa chair carbonisée.

Et à présent, elle se lève et s'avance vers moi, sa peau blanche et lisse, ses cheveux brillants. En pleine forme. Tout droit sortie d'un magazine.

Je sens Ross dans mon dos. Paralysé, comme moi. Les autres...les autres sont là aussi, mais ils n'existent pas.

Mon ennemie lève la main vers mon visage, et je voudrais hurler mais je ne peux que frissonner tandis que délicatement, si délicatement, ses doigts fins se glissent autour du cadre de l'holomasque et me l'ôtent. Aussi peu qu'arborer son visage m'ait plus, je me sens nue à présent. Encore plus vulnérable que je ne l'étais déjà, comme une gamine déguisée dans mon tailleur rembourré.

Le sourire de Thétis s'élargit.

— C'est mieux, tu ne trouves pas ?

Je sors enfin de ma torpeur. Fais de mon mieux pour empêcher ma voix de trembler.

— Ce serait encore mieux si tu t'étais pas pointée.

Son expression se fait indulgente. Elle me tapote l'épaule.

— L'agressivité ne te mènera nulle part, Cass. Tu l'apprendras en grandissant.

Oh, mais qu'est ce que j'ai envie de l'étrangler...

Je me retiens de justesse d'utiliser ma télépathie. Je ne reconnais que trop bien le cercle métallique qui lui ceint le front. Pour la première fois, je me demande comment elle l'a conçu.

Je me demande si elle l'a testé sur mon clone.

J'échange un regard avec Ross. Je sais qu'on pense à la même chose. Certes, mon pouvoir n'est pas une option, mais qu'importe. Thétis est seule ; sans compter Rémond-dont l'allégeance est pour le moins douteuse-nous sommes quatre. La prison est remplie d'hommes armés qu'elle pourrait appeler en renforts, mais nous aurions le temps de la tuer avant qu'ils arrivent.

Bien sûr, nous ne nous en tirerions pas vivants.

Tout revient toujours à cette question, au final : qu'est-on prêt à sacrifier pour atteindre son objectif ? Une vie, deux, dix ? La sienne ? Celle de ses amis, de sa famille, de tous ceux auxquels on tient ?

Autrefois, j'aurais brûlé tout l'univers rien que pour voir Thétis brûler avec. Plus maintenant. Parce que l'idée de faire du mal à mes proches m'est insupportable. Parce que je veux me réveiller chaque matin à côté de Ross, et l'embrasser et lui dire que je l'aime et lui hurler dessus jusqu'à ce qu'on soit tous les deux vieux, mourants, morts.

Je suis sûr que tu trouveras un moyen de me hurler dessus même depuis ta tombe.

Evidemment.

Je me force à réfléchir. Soit, la vengeance peut attendre, mais cela laisse un problème de taille : il faut qu'on se débarrasse de Thétis, et qu'on sorte d'ici.