Chapitre 41

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Mon index tambourine sur mon genou. 

Vywyan et moi sommes assises par terre dans un coin du gymnase. Madlyn est quelque part sur ma gauche ; je fais de mon mieux pour ne pas me tourner dans sa direction. 

— Il faut que je cours, lâché-je brusquement.

Je bondis sur mes pieds, mais Vywyan me retient par le bras.

— Hors de question. Garde tes forces.

Je lâche un soupir exaspéré. Pourquoi refuse-t-elle de comprendre ?

L'une de mes mères me déteste, l'autre est peut-être morte, Ross doit toujours être inconscient parce que je n'arrive pas à le contacter, et Thétis...

Je me force à ne pas aller au bout de ma pensée. Si je le fais, si je laisse mon esprit tourner et tourner sans limites et ressasser les mêmes angoisses, je vais devenir dingue. 

J'ai besoin de bouger, besoin de faire quelque chose.

— Arrête, Wy. T'es pas ma baby-sitter.

— Il t'en faudrait une, pourtant.

Je lève les yeux au ciel. 

— Me suis pas, si t'as la flemme, lui lancé-je.

Puis je me libère de sa prise et commence à trottiner. Elle reste en arrière ; les jurons que je l'entends marmonner m'arrachent un sourire.

Seulement, mon cerveau refuse de se taire. Il passe de mes mères à mon coéquipier, d'un début de plan à un autre, et ne cesse de revenir à Thétis. 

Vivante. Toujours vivante.

J'accélère, encore et encore, jusqu'à ce que mes poumons me brûlent et que mes muscles peinent à me porter. Ça arrive plus vite que ça ne le devrait. Vywyan n'a pas tord : je ne suis pas très en forme. 

Je me force à continuer, savoure cette douleur qui efface tout le reste. Enfin, quand je n'arrive plus à respirer et que je me sens sur le point de vomir, je m'arrête. Des tâches envahissent ma vision. Je chancelle et me laisse glisser au sol, le dos contre le mur, les cheveux plaqués sur le front par la sueur. 

Lentement, ma respiration se fait plus régulière, plus calme. Le gymnase réapparaît autour de moi. 

Je perçois alors, au coin de mon esprit, un tiraillement familier. Le soulagement déferle sur moi, et je me jette dans l'esprit de Ross.

Enfin réveillé ?

Ils m'ont emmené en isolement. C'est toi qui m'a assommé ?

Les gardiens allaient te tirer dessus. Pas la peine de me remercier.

Cass...

Je perçois tout ce qu'il n'arrive pas à me dire, cette peur et cette colère que je ne comprends que trop bien.

Je sais.

Rémond, je...j'y ai vraiment cru. Je...

Oui, il y a vraiment cru, malgré mes avertissements : cru qu'on pouvait le sauver, qu'il pouvait changer, qu'ils étaient pareils, tous les deux. Et maintenant, il se sent stupide, déçu, et trahi-affreusement trahi. 

Je pourrais lui dire qu'il n'est peut-être pas trop tard, que son clone ne savait peut-être pas que Thétis était derrière tout ça, mais ce serait un mensonge. 

Je sais, répété-je simplement. Votre lien...on doit s'en débarrasser. A tout prix.

On n'a qu'à demander à Thétis de le faire.

Evasion (Cass-tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant