Evasion (Cass-tome 2)

Chapitre 37

 Madlyn Aebby est assise à dix mètres de moi.

J'avance dans la queue derrière Vywyan, sans cesser de l'observer. Un mélange de soulagement et d'appréhension me noue l'estomac. Ainsi, elle a seulement été emmenée en isolement, et à présent elle est de retour. Elle ne mourra pas en servant de rat de laboratoire aux tordus qui dirigent cette prison.

Jane, en revanche, est toujours prisonnière.

Ou peut-être pas. Peut-être est-elle déjà morte. Peut-être se trouve-t-elle en ce moment même dans l'assiette de sa femme. Oui, peut-être est-ce la chair et le sang et les os broyés de celle qu'elle aime que Madlyn avale inconsciemment, qui s'écrasent sous ses dents et descendent dans sa gorge.

— Je vais aller lui parler, soufflé-je à Vywyan.

— Seule ?

Je hoche la tête. Elle me regarde d'une manière que je n'arrive pas à interpréter.

— Si t'as besoin d'aide...

Je lève les yeux au ciel.

— Je suis une criminelle indépendante.

— Mais bien sûr...

— Dis à Ross...et Rémond...que j'arrive.

Mon amie crispe la mâchoire.

— Je n'ai pas encore décidé si je laissais Rémond en vie, répond-elle.

Je lui ai tout raconté hier soir, quand j'ai regagné notre cellule. Elle ne l'a pas très bien pris.

— Si tu le tues, Ross mourra aussi.

— Tu trouveras quelqu'un d'autre. Il est grincheux, de toute façon. Et arrogant.

— Parce que Merlyn n'est pas arrogant, peut-être ?

La voyante me fusille du regard.

— Une erreur de jeunesse, réplique-t-elle.

J'esquisse un sourire, mais reprend vite mon sérieux.

— Je n'aime pas ça plus que toi, Wy, mais Rémond a besoin de notre aide. Et la seule solution qu'on a est de la lui apporter.

— Très bien. Mais ne compte pas sur moi pour lui servir de psy. Je vous laisse le rôle.

Nous continuons de bavarder ; puis je récupère mon plateau, échange brièvement avec Tyler. Enfin, le moment est venu. Je prends une grande inspiration, et m'avance vers Madlyn.

Elle mange seule, les yeux rivés sur son assiette. Il faut que je lui dise ce qu'il y a vraiment dedans. Il faut que je lui dise qui je suis et qu'on sauve Jane ensemble. Il faut que j'arrête de me soucier autant de ce qu'elle pense de moi.

Je laisse tomber mon plateau face à elle. Elle lève la tête vers moi. Ses doigts se crispent sur sa cuillère.

— J'ai besoin que tu me dises tout ce que tu sais, lui lancé-je. Comment Jane a-t-elle disparu ?

— Il n'y a rien à dire. Elle a disparu, c'est tout. Tu es censé m'apporter des réponses, et pas l'inverse. Tout ça, c'est ta faute.

Je manque de hurler de frustration. Qu'est-ce que je lui ai fait, sérieusement ? La colère me monte à la tête. Ma langue se délie.

— Ou peut-être que c'est la tienne, répliqué-je sèchement. Je connais à peine Jane. Mais toi, tu es mariée avec elle. Tu es sensée veiller sur elle, la protéger. Sauf que tu n'as pas l'air de très bien t'en sortir, hein ? D'abord, elle se retrouve en prison, puis à l'infirmerie, et maintenant...et bien, qui sait où elle est ? C'est tout le problème.