Chapitre 17

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La vie à Baklang est rythmée à la seconde près-une routine que je ne mets pas longtemps à connaître par cœur.

Chaque soir, je m'allonge sur le sol ; je parle avec Ross jusqu'à plonger dans un sommeil agité, auquel je renonce en général vers 05h00 ou 06h00. J'attends anxieusement 07h45, moment où une sonnerie assourdissante retentit dans toutes les cellules. Nous disposons alors d'un quart d'heure pour nous habiller et mettre de l'ordre. A 08h00 pile, les gardiennes arrivent. Elles fouillent chaque cellule pendant un autre quart d'heure. Si le moindre objet interdit est découvert, la détenue qui a réussi à se le procurer est emmenée sans attendre en isolement.

De 08h15 à 09h15, nous prenons notre petit-déjeuner. La moitié d'entre nous utilise le gymnase de 9h30 à 10h30, tandis que l'autre-dont Vywyan et moi-est en cellule. Les rôles s'inversent de 10h30 à 11h30. Puis nous avons quinze minutes pour nous doucher-dans une intimité très relative. Enfin, le déjeuner est servi.

De 12h30 à 13h30, tous les détenus doivent réaliser des corvées. Ménage, tri du linge, réparation d'uniformes, transport de matériel...mais rien qui concerne les cuisines. De 13h30 à 16h30, nous pouvons utiliser du matériel informatique au contenu limité : quelques films, livres et jeux. Pas d'accès aux informations, et une censure massive frappe tout ce qui se rapporte de près ou de loin au crime. Mes tentatives pour consulter deux ouvrages au titre prometteur-Comment s'évader de prison et 101 manières d'étrangler son prochain-me valent une réprimande d'un gardien.

Nous sommes ensuite forcés à regarder une vidéo éducative, visiblement faite sur-mesure pour Baklang. Tous les jours, c'est le même refrain : la loi doit être respectée, le meurtre est une chose condamnable et autres beaux principes. Je n'en vois pas bien l'utilité, étant donné que nous sommes tous là à perpétuité-théoriquement, bien sûr.

Ensuite, retour en en cellule jusqu'au dîner, de 18h30 à 19h30. Les lumières sont éteintes à 20h00.

En dehors des cellules, hommes et femmes sont toujours mélangés, ce qui nous permet de communiquer avec Ross et Rémond. Tyler, lui, n'est visible qu'au petit-déjeuner et dîner, parfois aussi au déjeuner. Au bout d'une semaine, il n'a toujours pas réussi à se procurer les informations que je lui ai demandées. Ce n'est pas de sa faute, mais l'inaction est en train de me rendre folle. J'ai beaucoup trop de temps pour réfléchir. Plutôt que de le passer à mettre au point un plan d'évasion, mon cerveau semble déterminé à ressasser encore et encore les mêmes angoisses. J'ai réussi à me forger une vague idée de la disposition des lieux, mais elle est clairement incomplète, et on ne peut se lancer dans rien sans un plan précis.

Comme si le stress et le manque de sommeil ne suffisaient pas, il y a la question de l'alimentation. A part des fruits, nous ne disposons de rien d'autre que de cette affreuse bouillie. Si je peux supporter la sensation de faim, la perte de force et d'énergie va vite devenir un problème, je le sais.

Tyler n'est au courant de rien. Il a laissé échapper que le personnel de la prison avait accès à des plats très différents de ceux des détenus, à l'aspect bien plus appétissant, et je me suis dit qu'il était inutile de l'inquiéter sans raison. Le pauvre n'a d'autre choix que de servir cette purée à tous les prisonniers un par un ; il n'a vraiment pas besoin de savoir qu'elle est faite à partir de chair humaine.

Nous mourrons peut-être tous de faim, mais lui sera toujours là-avec Rémond, bien sûr, qui s'est mis à vider nos assiettes en plus de la sienne.

Ce matin-là, quand la sonnerie retentit, je me demande si je vais réussir à me lever. Je me redresse sur les coudes ; aussitôt, ma vision s'obscurcit, et mes bras se mettent à trembler.

Reprends-toi, Cass Jackson, m'exhorté-je.

Je ne sais pas trop comment, mais je finis par me retrouver sur mes pieds. Je m'avance vers le placard, prête à récupérer ma chemise, quand je croise le regard horrifié de Vywyan

Evasion (Cass-tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant