Evasion (Cass-tome 2)

Chapitre 49

Il ne faut que quelques secondes pour que la situation dégénère complétement. 

Des alarmes et des voyants en tout genre s'allument et se superposent les uns aux autres, Vywyan pianote sur le tableau de bord avec un air de panique que personne n'a envie de voir sur le visage d'un pilote. On ne s'entend plus, Madlyn beugle je ne sais quoi, Tyler a les yeux fermés et se cramponne au dossier d'un siège, livide, et Rémond rit tout seul dans un coin. 

Je me tourne vers lui, furieuse. 

— Contente de voir que notre mort imminente te rend heureux à ce point, lui jeté-je. 

— C'est pas le moment, Cass, intervient Ross. S'il te plaît. 

— Mais tu vas quand même pas te remettre à le défendre ? 

— Par pitié, nous crie Vywyan, ne recommencez pas maintenant !

— C'est pas moi, c'est...

— Cass Jackson, assieds-toi, mets ta ceinture et tais-toi ! me coupe la zoonite.

Je fusille du regard le dossier de son siège, et m'exécute en trébuchant tandis que le vaisseau se met à tanguer et à vrombir comme un manège particulièrement vicieux. 

— Alors elle, tu l'écoutes ? remarque mon coéquipier, incrédule. 

— Ross, toi aussi, reprend la voyante. Assis, ceinture, silence ! 

On échange une grimace tandis qu'il lui obéit à son tour, imité par un Rémond toujours aussi joyeux.

— Tu vas nous sortir de là, hein ? intervient Ty en s'attachant lui aussi. 

— Je peux savoir ce qu'il se passe ? 

Oh, c'est pas vrai. 

Merlyn vient de débarquer, furieux, et une nouvelle alarme s'allume et quelque chose explose sur notre gauche, le vaisseau se met à pencher inexplicablement...

— C'est ce que je demande depuis une demi-heure, renchérit Madlyn, mais ces gosses sont trop occupés à se hurler dessus pour m'expliquer quoi que ce soit.

Mais le zoonite n'est pas d'humeur à former une alliance. Il a l'air parfaitement remis de mon intervention-je dirais même qu'il se déplace au milieu du chaos avec une agilité stupéfiante et, dans mon cas, un peu inquiétante.

— Tu m'as assommé, espèce de psychopathe ! me crie-t-il, de bien trop près à mon goût.

— Pas exactement...le corrigé-je. 

— Je vais te faire payer, sale petite...

— T'approche pas d'elle, tranche Ross. 

— T'as un chien de garde, Jackson ? ricane l'autre.

— Pourquoi, répliqué-je, tu voulais le poste ? 

— Fermez-la et accrochez-vous ! hurle Wy. Tous !

Et Madlyn s'apprête à répliquer mais d'un coup toutes les lumières s'éteignent. Merlyn et elle n'ont que le temps de se jeter dans les deux sièges restants  et de boucler leur ceinture : d'un coup, nous tombons. Les sangles s'enfoncent dans mes épaules tandis que la gravité nous entraîne plus bas, toujours plus bas.

Le sang qui hurle à mes tempes, l'adrénaline qui décuple mes sens...Soudain, je ne pense plus du tout à Thétis, rien qu'au sol qui se rapproche. Je ferme les yeux, un sourire aux lèvres, je profite du moment, de la sensation de chute et de la peur qui m'électrise. 

On n'apprécie jamais autant les battements de son cœur que quand on sait que n'importe lequel d'entre eux, à n'importe quel instant, pourrait être le dernier.

— Cass ! me lance le hacker. Tu connais une prière ?!

— Quoi ?! Bien sûr que non !

— S'il te plaît, m'implore-t-il, des larmes derrière ses lunettes.

— T'es même pas croyant...

— Astres des cieux, veillez sur moi en cette nuit agitée et pour toutes celles qui suivront, éclairez mon chemin de votre lumière pure...

Je me tourne vers Merlyn, incrédule. 

— Astre des cieux, répète Tyler. Veillez sur moi...

— Vous ne comptez vraiment pas me laisser me concentrer, hein ? gémit Vywyan en tirant une manette. 

— Que mes griffes soient tranchantes et mes crocs sans pitié, reprend le zoonite.

— Que mes griffes soient tranchantes et mes crocs sans pitié...

— T'as pas de griffes, Ty !

— Tais-toi, Cass...aaaaaahhhh !!!

Le vaisseau bascule brusquement à la verticale, ma ceinture m'écrase la poitrine et me coupe le souffle ; pendant quelques instants, ma vision se brouille. 

J'espère que quelqu'un a pensé à attacher Jane et mon clone à leur couchette.

— Puisqu'apparemment vous avez pas de problèmes pour parler, vous allez enfin pouvoir me répondre ! jette Madlyn. Qu'est-ce que vous m'avez pas dit ? C'était qui, cette femme ?

— C'était ma mère, lui crie Ross. 

— Quoi ?

— Ma mère !

— Et ça t'arrive souvent, de te balader avec ta petite amie déguisée en ta mère ?!

— Que mon hurlement, à travers la nuit qui vous appartient, résonne dans le cœur de mes frères et fasse trembler mes ennemis, ô lunes toutes puissantes...

— Je pensais vraiment pas que je mourrais comme ça, remarque Rémond. 

— On va pas mourir ! le contredit Tyler. Oh, s'il vous plaît, je veux pas mourir...s'il vous plaît, astres étincelants...

— Astres des cieux, idiot ! le corrige le loup.

— Si vous n'arrêtez pas de me distraire, si, on va mourir ! nous hurle Wy. 

— Avec toutes les alarmes qu'il y a, c'est nous qui te distray...oh, non...

Je m'interrompts en réalisant que le sol n'est plus qu'à une dizaine de mètres. Du béton, un peu d'herbe, une série de bâtiments bas, le tout qui se rapproche et se rapproche à toute vitesse.

Wy écrase un levier, tire sur une poignée, une nouvelle sirène se met en marche. 

— Heureusement que t'es pas vraiment ma fille et qu'il ne nous reste plus longtemps à vivre, me lance Madlyn, parce que sinon, il faudrait qu'on discute de tes choix amoureux. Déguisée en sa mère, non mais sérieux...

— Je t'aime, Vywyan ! hurle Merlyn. Même si ta meilleure amie est une...

La voyante redresse le levier et soudain le monde pivote, repasse à l'horizontal. 

Puis on heurte le sol. 

Le choc se répercute jusque dans mes os. Quelque chose cogne contre mon crâne, un voile blanc obscurcit ma vision, l'air est expulsé d'un coup de mes poumons. Tout mon corps me fait mal.

La dernière chose que j'entends avant que quelque chose n'explose et que mes oreilles ne se mettent à siffler, c'est Ross, tourné vers Madlyn : 

— Il y avait un contexte...