J'ai les larmes aux yeux. Je voudrais le serrer contre moi jusqu'à l'étouffer. Je donnerais tout pour trouver les bons mots, ceux qui lui ferait comprendre tout ce que j'éprouve pour lui. Mais je ne sais parler que pour railler et manipuler, que pour attaquer ou me défendre.
— Oh, finis-je par lâcher.
— Oh ?
— Je...ne sais vraiment pas quoi répondre.
Son sourire s'élargit encore. Il me serre contre lui.
Ne t'inquiète pas, me glisse-t-il mentalement. Je ressens tout ce que tu ressens, tu te souviens ?
Je m'effondre sur son épaule, le corps secoué de sanglots incontrôlables. Sans un mot, il me presse plus fort contre son torse.
Bon sang, mais qu'est-ce qui m'arrive ? Il faut vraiment que je me reprenne.
— Parce que tu es une grande criminelle qui ne pleure jamais, hein ? se moque Ross.
— Tais-toi.
— Mais tu recommences déjà à me donner des ordres...Où est passé la Cass Jackson qui s'excusait et me disait que j'avais raison ?
Je me redresse et le fusille du regard.
— J'ai jamais dit que t'avais raison !
— Si, il y a à peine une minute.
— J'ai dit que j'aurais dû t'écouter. C'est complètement différent.
— Donc je n'avais pas raison ?
— Disons que t'avais moins tord que ce que je croyais. Un peu moins tord.
Il sourit de nouveau, puis son sourire disparaît.
— Cass...qu'est-ce qui s'est passé ? Vywyan m'a dit que tu avais saigné du nez, puis que tu t'étais évanouie sans prévenir.
— Je sais pas exactement. Je crois que c'est ma télépathie. Je pensais qu'elle s'était rétablie, mais elle devait encore être...fragilisée. Je l'ai poussée trop loin. Et toi, comment tu t'es retrouvé ici ? Ça m'étonnerait qu'on t'ait autorisé à me rendre visite.
Je jette un coup d'œil au gardien à l'entrée, qui fait semblant de ne pas nous voir. A part lui, la pièce est déserte. J'ai dû mal à croire à notre chance.
— Je t'ai imité et j'ai fait semblant de perdre connaissance. Je ne pense pas que l'infirmier y ait cru, mais il m'a quand même fait rester en observation. Quand tu dis que tu as poussé ta télépathie trop loin, c'est parce que tu t'en es servi sur Rémond ? Qu'est-ce que tu as découvert ?
Il me suffit d'y repenser pour que mon ventre se noue.
— Je...ne sais vraiment pas par quoi commencer.
Ross me regarde en silence. Pas besoin de mots, je sais où il veut en venir.
Ça ne va pas être agréable, l'avertis-je.
Je ne m'attendais pas à ce que ça le soit. Mais si tu préfères patienter...ce n'est peut-être pas prudent d'exploiter à nouveau ton pouvoir. Tu pourrais faire un autre malaise.
Ça ira. Avec toi, ça ne me demande presque aucun effort.
Allons-y, dans ce cas.
Je déglutis, puis, ne trouvant pas d'autre excuse pour retarder le moment plus longtemps, je l'entraîne dans mon esprit.
Images et sensations défilent. La bouteille d'Extermicrasse® subtilisée sur le chariot. L'obscurité du placard. Rémond qui me presse contre lui...
Le choc et le dégoût de Ross se mêlent à ma propre horreur. Je le sens s'agiter, chercher à s'extraire de ma tête sans savoir comment faire.
Ça va ? Tu veux que j'arrête ?
Non. Mais...tu peux m'épargner ce passage ?
Je suis désolée. Je voulais seulement le surprendre...
Je ne t'en veux pas, Cass. Mais embrasser mon clone par procuration ne fait vraiment pas partie des choses que j'ai envie de faire aujourd'hui.
Je repense à la manière dont je perds mon identité quand j'entre dans les souvenirs de quelqu'un d'autre, ses émotions et perceptions devenant entièrement les miennes. Oui, je suppose que dans ce contexte, ça doit être particulièrement perturbant.
Je tire Ross en avant, jusqu'au moment où je m'introduis dans l'esprit de son clone. Je lui montre le vide aveuglant, le petit garçon sur son coffre. Puis, ensemble, nous nous glissons dans la peau de Rémond ; nous nous enfonçons cette fourchette dans la joue, encore et encore.
Quand enfin nous revenons au présent, dans nos propres corps, nous sommes tous les deux haletants. Mes mains tremblent de manière incontrôlable. Je savais que ce ne serait pas plaisant de revivre ces instants, mais ça m'a encore plus déstabilisée que ce à quoi je m'attendais. Toutes les émotions que j'ai ressenties la première fois-choc, peur, culpabilité, dégoût-m'ont de nouveau assaillie, avec une violence décuplée.
Ross lève la main, la passe sur les bleus qui me marquent la gorge. Ça fait longtemps que je ne me suis pas regardée dans un miroir, mais entre la faim et les divers agressions que j'ai subies, je dois avoir l'air d'une loque.
Les yeux de mon coéquipier sont en feu. Je perçois sa rage-croissante, étouffante. Il déteste me voir ainsi : l'idée qu'on m'ait fait du mal, et qu'il n'était pas là pour l'empêcher...ça le ronge.
— C'était pas ta faute, Ross, lui soufflé-je.
— Non, c'est celle de Rémond. Et je vais le tuer.
Sa voix, froide et résolue, m'arrache un frisson. Parfois, j'oublie à quel point il peut se montrer brutal quand il n'est pas avec moi.
— T'as pas suivi ? rétorqué-je. Si tu le tues, tu meurs aussi.
Il s'apprête à protester, mais se ravise. Il pousse un profond soupir.
— C'est vrai, admet-il. On ne peut pas le tuer. Alors on va devoir le sauver.
— Je n'aurais pas été jusque là...
— Alors qu'est-ce que tu suggères ? Qu'on le maintienne enfermé quelque part ?
Je voudrais hurler de frustration. Nous voilà de retour au sujet de notre dispute, et je me sens encore plus perdue que la première fois.
Dans le souvenir que m'a montré Rémond, tout était si froid...comme s'il n'éprouvait rien. J'ai pourtant bien compris que ce n'était pas vrai. Il nie sa propre sensibilité, il se la cache à lui-même. Sa tentative de me tuer est bien la preuve qu'il y a quelque chose d'enfoui en lui-une rage qu'il ne comprend pas, et qui n'a rien de rationnel.
Seulement, qu'est-ce que cela signifie ? Que nous devons l'aider ? Ou au contraire, que c'est sans espoir ?
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Evasion (Cass-tome 2)
Science Fiction⚠️ Si vous n'avez pas lu le tome 1, n'hésitez pas à aller le retrouver sur montre profil ! Attention, spoilers dans ce résumé... Thétis est morte. Akhilleús a été définitivement détruit. Cass Jackson ne souhaite qu'une chose : tourner la page, et v...