Evasion (Cass-tome 2)

Chapitre 9

 Je lève les yeux pour la regarder en face. Les mots s'échappent de mes lèvres, hors de contrôle.

— Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Je t'aime, Vywyan ! Tu es ma meilleure amie, et je t'aime, et je sais que je suis invivable et égoïste, et que je ne te mérite pas, mais...si tu ne me pardonnes pas, je ne suis pas sûre d'y survivre.

Pendant quelques secondes, elle me fixe sans rien dire. Je lui rends son regard, haletante. J'ai oublié les murs trop proches, et mes mères, et Ross. Il n'y a plus que Vywyan.

Enfin, elle me prend dans ses bras. Je la sers contre moi de toutes mes forces. J'ai encore du mal à croire qu'elle est là, bien réelle.

— Je suis tellement contente de te voir, chuchoté-je dans ses cheveux.

Ses boucles sont douces contre ma joue ; le parfum de son shampoing à la noix de coco emplit mes narines. Peu à peu, mon souffle s'apaise.

Je voudrais qu'on reste comme ça pour toujours.

Mais je finis par m'écarter pour lui demander :

— Comment tu t'es retrouvée ici ? Je ne m'attendais pas à te croiser...

Elle lève les yeux au ciel.

— Tu me sous-estimes.

— Ou peut-être que tu t'es surpassée.

— N'essaie pas de me flatter. Je suis toujours en colère.

— Vraiment ?

— Un peu. Pour répondre à ta question, si je suis ici, c'est en grande partie grâce à Ty.

Je serre les dents. J'aurais dû m'en douter.

— Le traître...

— Si par là tu veux dire que lui, c'est un vrai ami, alors oui. Comme tu m'ignorais et que ton mail ne donnait pas d'autres détails que "je vais me faire arrêter pour rejoindre mes mères miraculeusement retrouvées, désolée de t'abandonner..."

— Je n'ai pas écrit ça !

— ...je l'ai appelé. Il n'a pas mis longtemps à m'avouer tout votre plan...

— Évidemment.

— ...et j'ai demandé l'aide de Junon.

Celle-là, je ne m'y attendais pas.

— Et elle a accepté ? m'exclamé-je. Ça n'a pas de sens. Notre fuite s'apparente à une désertion, peu importe notre but. Nous ne sommes plus agents de l'Organisation...

De nouveau, la zoonite lève les yeux au ciel.

— Réfléchis deux minutes, Cass.

— Oh...Ross.

Vywyan a raison, au fond. Ce n'est pas surprenant que Junon se soit laissé convaincre : j'ai entraîné dans ma mission suicide le jeune homme qu'elle considère comme son fils...

— Exactement. Ross. Il m'a suffit de mentionner son nom pour qu'elle se décide à agir dans le dos de ses supérieurs. Avec son aide, me faire incarcérer ici, et dans la même cellule que toi, n'était pas un problème. L'Organisation fournit une grande partie des détenus de Baklang. On a suivi vos aventures aux infos, et à la nouvelle de votre arrestation, Junon a inventé un motif et m'a fait enfermer.

Elle tapote le numéro cousu sur sa poitrine. Malgré l'obscurité, je réussi à le déchiffrer : 9243. Deux chiffres après moi. Je me demande qui a eu 9242. Ross ?