Chapitre 54

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Nos respirations résonnent lourdement dans la pièce inachevée. 

Le regard de Tyler saute d'une personne à l'autre, aussi vif et nerveux que son propriétaire. Vywyan. Merlyn. Mon clone, toujours inconsciente. Moi. 

Mes yeux, eux, restent fixés sur le vide. J'ignore la tension dans l'air, les questions silencieuses. 

Que s'est-il passé ? 

Pourquoi Jane est partie ? 

Où est Rémond ?

Où est Ross ? 

Je ne peux pas répondre. J'ai besoin de toute ma concentration pour maintenir en un seul morceau ce qui reste de ma santé mentale. 

Madlyn est toujours dans la pièce où elle s'était réfugiée avec Jane. En état de choc, mourante ou morte, je n'arrive pas à m'en soucier. Je fais de mon mieux pour ne pas bouger, pour ne pas penser, mes émotions s'engourdissent avec mon corps et tout me semble de plus en plus insignifiant-délicieusement insignifiant. 

Puis un bruit résonne dans le couloir. 

C'est lui, je le sens. Ça me ramène à moi, je bondis sur mes pieds, me précipite hors de la pièce en ignorant le cri de Vywyan. 

Dès que je le vois, je m'arrête brusquement. Il paraît aussi ébranlé que tout à l'heure, le t-shirt froissé et les cheveux plus ébouriffés que jamais, ses yeux gris brillants d'une émotion inhabituelle. Il me fixe en silence, les bras ballants, et je voudrais lui hurler dessus mais je suis si soulagée de le voir que je me jette à son cou. 

Ses lèvres avides se posent sur les miennes, il me plaque contre le mur. Je prie pour que personne ne débarque-puis ses mains glissent sous mon sweat, et je me dis que ce n'est pas si important que ça. 

Il s'écarte rien, qu'un instant, son visage à tout juste quelques millimètres du mien et nos souffles rauques qui se mêlent. 

— Désolé de t'avoir laissée, me souffle-t-il. 

Je devrais peut-être lui demander de meilleures excuses. J'essaie de me rappeler qu'il y a quelques minutes à peine, je le détestais pour m'avoir abandonnée. 

Mais j'en ai marre de lutter et de me battre contre tout le monde. Je ne veux penser qu'à lui, ses yeux plongés dans les miens, sa peau contre la mienne, ses lèvres...

Cette fois, c'est moi qui clôt la distance entre nous. Je me hisse à sa hauteur, mes bras autour de son cou et mes jambes autour de sa taille, je colle ma bouche à la sienne brusquement et maladroitement et nos dents s'entrechoquent mais je m'en fiche, il m'embrasse de nouveau et c'est tout ce qui compte. 

Puis il s'écarte encore. 

— Je ne suis pas censé te perdre comme ça, balbutie-t-il. Tu n'est pas censée mourir comme ça. 

— Et comment je suis censée mourir ? 

— Je ne sais pas. Une course poursuite, une explosion, une fusillade. Un truc incroyable. Un truc qui te ressemble. Un truc quand moi, je serai déjà mort. 

Je sais que je ne peux pas le laisser dire ça sans répondre, je sais que si on ne parle pas de ce qui vient de nous tomber dessus, ça ne peut pas bien finir. 

Sauf que je ne veux pas en parler. J'y ai déjà beaucoup trop pensé et à présent, je veux juste oublier. 

Alors je l'embrasse à nouveau, et cette fois il ne s'écarte pas, il n'a pas du tout l'air d'en avoir l'intention. Il me rend mon baiser plus sauvagement qu'il ne l'a jamais fait. On s'agrippe l'un à l'autre, ses ongles s'enfoncent dans mes hanches et les miens dans son dos, et la douleur me rassure-c'est réel, me promet-elle, il est réel. 

Pourtant il y a quelque chose de désespéré dans la manière dont il me touche-comme si je pouvais disparaître à n'importe quel instant. 

Comme si c'était la dernière fois. 

Parle-lui, Cass, m'exhorté-je. Rassure-le.

Mais je repousse aussitôt cette pensée. Je force ma conscience à se taire, je m'abandonne à l'instant, l'embrasse encore plus intensément. Sans que je m'en rende compte, nos esprits se fondent l'un d'en l'autre. 

Quelque chose ne va pas, et je ne peux pas l'ignorer plus longtemps. Je m'écarte. 

Mon cœur tambourine comme jamais dans ma poitrine, j'ai les jambes qui flageolent et la tête qui tourne. Même notre crash-atterrissage de tout à l'heure ne m'a pas fait un tel effet, mais malgré cela, je me force à me concentrer. 

Je le regarde, le regarde vraiment. Je mémorise chaque trait de son visage, chaque nuance dans ses yeux, chaque boucle rebelle dans sa tignasse noire. Je pourrais passer ma vie à l'observer. Plus que ma vie, même. L'éternité.

 — Tu ne vas pas me perdre, lui assuré-je même si c'est peut-être faux. Je te le jure. 

Il ferme les yeux et appuie son front contre le mien, son souffle saccadé me caresse le visage. 

— Cass, murmure-t-il. Oh, Cass

Il met tellement de choses dans mon nom-tellement de souffrance et de peur et d'amour-que soudain je ne peux plus respirer. 

Puis il me plonge une aiguille dans le cou. 

Je suis trop surprise, trop choquée pour réagir. Et quand enfin je reprends mes esprits, quand je réalise ce qu'il vient de faire, il est trop tard. Le produit s'est déjà répandu en moi, mes muscles me lâchent, mes pensées ralentissent. 

Je m'affale contre Ross, il me soulève dans ses bras, délicatement-comme si je ne pesais rien. 

— Je t'aime, me promet-il avec force. Je t'aime et je t'aimerai toujours. Peu importe à quel point tu me détestes. 

Pourquoi ? J'essaie de forcer le mot à sortir de mes lèvres, mais elles ne me répondent plus. Au-dessus de moi, le visage de mon coéquipier devient flou, le monde oscille. 

— Parce que je ne peux pas te laisser mourir, répond-il. Peu importe le prix. 

J'ai besoin que tu me promettes que si je perds le contrôle, que ce soit à cause de mon lien avec Rémond ou juste par ma faute, tu ne me laisseras pas te faire souffrir.

Si je le pouvais, j'éclaterais de rire. C'est mignon, de me faire jurer ce genre de choses. Tellement mignon. 

Sauf que voilà, nous y sommes : il a décidé de me faire souffrir. Il a trouvé la pire manière possible. Et il s'est assuré que je ne puisse pas respecter ma promesse. 

Que je ne puisse pas me défendre. 


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Evasion (Cass-tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant