Chapitre 13

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Je ne sens plus la douleur.

Je ne sens plus la peur.

Je m'ennuie.

Mes poignets sont poissés de sang.

Une salle. Un écran. Quatre murs blancs, un carrelage, un fauteuil médical, des liens qui m'immobilisent.

Des liens mouvants, vivants, mordants.

J'observe leurs écailles noires et luisantes, leurs yeux jaunes comme ceux de Vywyan, mais plus cruels. Ils sont beaux. Ils sont mortels.

L'un d'eux remonte, remonte le long de mon bras gauche. Il rampe jusqu'à mon cou, et le contact me fait frissonner. J'ai l'impression de le sentir jusque dans mes os-comme si le serpent s'était glissé en moi, sous ma peau et dans ma chair.

Tu me chatouilles, lui dis-je.

Excuse-moi, siffle Thétis.

Sa voix retentit tout contre mon oreille. Douce et proche comme celle d'un amant.

Je veux me débattre. Je dois me débattre. Le deuxième reptile a disparu ; plus rien ne me retient ; mais je ne peux pas bouger, piégée dans mon propre corps. J'essaie d'hurler ; ça non plus, je n'y arrive pas.

Tu as survécu, m'entends-je dire à la place.

Je le savais. Je dois lui faire comprendre que je le savais, je dois lui montrer que je ne suis pas aussi naïve qu'elle le croit, que je suis une fille intelligente.

Bien sûr que tu es une fille intelligente, me susurre-t-elle. Tu es ma fille intelligente. Ross et toi, vous êtes tous les deux mes enfants, et Rémond aussi. Nous allons aller vivre à la campagne tous ensemble. Nous serons une vraie famille.

Je ne suis pas de ta famille. Tu n'es pas ma mère.

Je t'ai vue grandir, Cass. Je t'ai élevée jusqu'à ce que le Prof t'enlève à moi. Si je ne suis pas ta mère, alors qui est-ce ?

L'écran devant moi s'anime, et une femme y apparaît.

Réveille-toi, m'ordonne Jane Aebby.

Elle, affirmé-je au serpent. C'est elle, ma mère.

Mais Thétis n'est plus là. Il n'y a plus de fauteuil en dessous de moi ; je me tiens debout, seule face à Jane.

Je t'aime, lui dis-je.

Elle se contente d'un sourire.

Tu te trompes de personne, je crois.

Non. Non, je t'aime.

— Réveille-toi.

Des tâches s'agitent devant moi-du jaune, du blanc, du orange. Elles dansent et dansent puis se stabilisent.

Je mets quelques secondes à réaliser que c'est la vraie Jane Aebby qui est penchée sur moi.

— Et voilà, s'exclame-t-elle. C'était pas si compliqué, tu vois ?

Elle s'écarte. 

Ma vie a toujours été chaotique, mais là, je suis définitivement perdue.

Comme si ça ne suffisait pas, la voix de Ross fait soudain irruption dans ma tête. 

Cass ? Tu es réveillée ? Tu vas bien ?

Pas maintenant.

Je l'ai blessé, je le sens. Il se retire pourtant sans protester ; son esprit n'est plus qu'une ombre à la lisière du mien, d'où me parvient un mélange de soulagement et d'inquiétude.

Evasion (Cass-tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant