Chapitre 23

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Je ne perds pas mon temps à réfléchir. Si le lien qui m'attachait à Tyler et Vywyan semble pour l'instant rompu, je me glisse sans problèmes dans la tête de Ross. 

Parle-moi, le précipité-je.

Pas le moment.

Il n'a pas peur, pourtant l'adrénaline pulse dans ses veines et la douleur dans son ventre. Je plonge plus profondément dans sa conscience, laisse sa vue devenir la mienne.

Je me retrouve alors face à la pointe aiguisée d'un poignard, à seulement quelques centimètres de son œil droit. Les muscles contractés au maximum, mon coéquipier maintient la lame à distance d'une main serrée sur le poignet de son adversaire ; de l'autre, il s'efforce de se débarrasser du second poignard qui s'enfonce dans son abdomen et l'épingle au mur.

L'homme qu'il affronte fait preuve d'une force stupéfiante. Il est vêtu comme un gardien, a les cheveux coupés à ras. Impassible, les yeux froids, il semble n'avoir à fournir presque aucun effort. 

Je repousse la panique qui menace de me submerger. Je sais que mon coéquipier peut la sentir, et il n'a vraiment pas besoin de ça. 

Je t'avais dit de ne pas mourir, plaisanté-je. 

Je fais ce que je peux, merci.

Eh bien débrouille toi pour faire mieux, parce qu'il faut qu'on parle, toi et moi.

Il finit par repousser son adversaire avec un grognement. L'homme trébuche en arrière ; la lame quitte la chair de Ross avec un bruit de succion. Déjà, la douleur s'estompe, la plaie cicatrise.

Je suppose que c'est aussi le cas de celle de Rémond.

Qu'est-ce que Rémond vient faire là-dedans ?

Comme je te l'ai dit, il faut qu'on parle.

Sans un bruit, l'homme repart à l'attaque. Cette fois, mon coéquipier ne lui laisse pas le temps de l'atteindre. Il évite le coup, passe derrière le gardien et referme ses doigts sur son poignet. D'un seul mouvement souple, il retourne son arme contre lui et lui tranche la gorge.

L'homme tombe à genoux avec un râle. Le sang coule à flots de son cou entaillé, imbibe son uniforme gris. Il tente de compresser la plaie avec ses mains, en vain : une flaque écarlate se forme à ses pieds, de plus en plus large. Il finit par s'y écraser, tête la première. 

Ross recule. La pointe de ses pantoufles est tâchée de rouge.

Il y a quelque chose qui cloche avec ce type, m'annonce-t-il. 

Tu veux dire, à part la mare de sang en dessous de lui ?

Mais quel sens de l'observation...Regarde ses mains.

Je mets quelques secondes à accepter ce que me montrent les yeux de mon coéquipier.

J'ai cru que le gardien tenait des poignards : je me suis trompée. Les lames jaillissent directement de ses paumes, incrustées dans sa chair comme si elles faisaient partie de lui. Exactement comme les pistolets laser que mon coéquipier refuse d'utiliser.

Malgré moi, mon esprit revient vers Thétis Grazziano. Vers ma conversation avec Ross, il y a quelques jours.

— Ce souvenir que tu as aperçu...cet homme attaché face à un écran...ce n'était pas une scène de torture ordinaire. C'était une expérience, peut-être à grande échelle.

— Exactement comme Akhilleús.

Non. Je ne peux pas me laisser aller sur ce terrain là. Elle est morte. Personne, pas même la reine des savants fous, ne peut survivre avec un corps réduit en cendres.

Evasion (Cass-tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant