Isekai : Éveil sur Genoë

Chapitre 2 : Urío

Urìo

La ville était calme après le tumulte et la clameur qui avait agité le quartier du Pihla. J'étais un des rares au courant qu'une attaque préventive avait été ordonnée par notre souverain dans cette zone. En tant que membre des Premiers Assassins qui œuvraient sous l'égide secrète de notre monarque, j'avais été informé quelques heures auparavant, au coucher du second Astre de jour.

Je n'étais pas d'astreinte aujourd'hui, et je rongeai mon frein de ne pas avoir été choisi comme exécuteur. J'avais pourtant travaillé en amont pour préparer cette offensive. Après avoir réussi à obtenir la preuve que la famille Shebboleh complotait contre les intérêts de notre Prince suprême en s'enrichissant et obtenant une influence immense, j'aurai aimé avoir le privilège de contribuer à cette expédition punitive. Mais mon supérieur avait été clair : du fait de ma haute lignée, je devais me montrer à la réunion à laquelle participait mon père, puissant commerçant de la ville, à laquelle concouraient tous les autres affiliés au Conseil des bourgeois de la Capitale et leur fils héritier. Le fils du dirigeant de la maison traîtresse, Shebboleh Kàhlar, y représentait sa famille. Je devais garder un œil sur lui en toute légalité, avant son interception par les forces spéciales de notre Haut-Prince Kyrdar.

Le père de Kàhlar, Ingo, avait annoncé ne pas pouvoir venir, pleinement pris par la fin de l'Éclosion de ses futurs esclaves. Ce butin rare, composés d'hommes uniquement, était rapporté de la belle planète bleue, troisième planète du système de l'étoile Soleil. Ils étaient la source de son enrichissement exponentiel, dépassant de beaucoup les revenus de notre souverain. Du fait de son occupation, il avait envoyé son fils comme représentant de leurs desiderata annuels du plus important des Conseils Commerciaux de la Ville. Il était pleinement impliqué dans la surveillance de la récente Éclosion qui pour lui signifiait de futurs profits. Il la considérait donc plus importante que ses devoirs de représentation à la réunion, ce qui avait fini de déclencher l'ire Princière. Kyrdar était un homme jaloux, et il supportait encore moins l'insolence de ce marchand aux pouvoirs magiques uniques qui bravait les coutumes. Assister au Conseil était une tradition séculaire, et devait se faire avec son fils le cas échéant, ainé s'il y en avait plusieurs. Un manquement était considéré comme une offense. Le Haut-Prince avait donné l'ordre du massacre de cette famille immensément riche et puissante, en me faisant rassembler des preuves de son enrichissement sur le dos de la couronne.

Il fallait dire que personne ne pouvait contester son ascension et sa richesse. Shebolleh Ingo capturait des humains mâles dans le monde des Terriens, les faisait passer un portail magique invoqué par des prêtres, et les transformaient en hybrides capables de respirer et se nourrir sur Genoë grâce son ingéniosité technique et sa magie héréditaire de Chair. La vente de ces biens rares avait en moins de deux cent cycles propulsé le patrimoine Shebolleh vers les sommets, atteignant le palmarès du revenu le plus rentable de la Principauté. Héritier de cette magie de sang qui était mise à profit pour ce commerce, Kàhlar devait survivre pour transmettre son don magique en le léguant à ses futurs enfants. Notre société avait évolué autour de ces nouveaux venus, leur assignant les plus ingrates tâches, et il était impensable de perdre les capacités de Kàhlar. Il avait été décidé qu'il serait le seul à survivre, et je devais m'en assurer.
Je marchai dans la rue au sortir de la réunion, songeant à l'arrestation de Kàhlar par la Garde Princière un peu auparavant, se débattant et jurant, son fier regard bleu translucide transperçant ceux qu'il toisait. Il s'était bien battu pour un quelqu'un d'aussi jeune. Il était à peine passé à l'âge adulte, mais il était infiniment plus doué que son père, nécessitant plusieurs combattants pour le vaincre. Il me faisait presque de la peine une fois maîtrisé, ses tresses laiteuses défaites et son regard baigné de larmes qu'il tentait de contenir sans réellement y arriver. Lui si coutumier des attitudes froides et arrogantes paraissait bouleversé.
Oui, notre peuple avait désormais besoin de ces humains tranformés en hybrides pour être compatibles avec les arcaísils, et avait donc besoin de ce jeune héritier, qui participait pleinement à la réussite de sa famille du fait de sa précocité. Je savais que l'ordre avait été donné de tuer tout être respirant dans l'immense propriété Shebboleh. Le coeur lourd, je connaissais déjà le destin de ses parents, alors que lui n'avait pas encore été avisé de leur mort. Finalement, c'était peut-être mieux que je n'y sois pas allé : je pense que je me serai tenu contre le massacre des innocents de cette maison, main-d'œuvre inclue. l'Éclosion avait eu lieu au mauvais moment, et les Hybrides n'étaient ni complice de Shebolleh ni à blâmer. Nés de l'Eclosion il y a un cycle à peine étaient les nouveaux enfants de Genoë et n'avaient commis aucune faute. De plus, ces hommes auraient pu servir à notre peuple, et ils ne méritaient peut-être pas de mourir juste après avoir été enlevés contre leur gré.