Nous sortîmes du temple alors que leur premier soleil commençait à se coucher. C'était perturbant de voir un immense soleil à l'horizon se couchant dans des nuances rouges et violines, alors qu'un plus petit rayonnait plus haut dans des reflets platines. J'observais un moment ce phénomène en marchant, soutenu par Absalón. puis je pris le temps de lui raconter tout ce qu'il s'était passé, sans pour autant insister, ayant vu qu'il semblait de mauvaise humeur. Il m'écouta sans rien dire, hochant seulement la tête en signe d'assentiment. Il s'intéressa tout de même à mon récit quand je lui parlai de l'insecte luminescent qui s'était posé sur ma tête.Après un carrefour bordé de maisons à un étage aux toits en pagode, il entreprit de me faire asseoir sur un banc public, ou plutôt un tronc d'arbre creusé vu sa forme, et déclara devoir faire une course avant la fermeture du magasin qui se situait en face de nous. C'était une petite boutique à la devanture discrète et à la double porte ouvragée, sans étal à l'extérieur. Il me laissa seul. J'étais interloqué par son attitude. Soit je ne saisissais pas bien la fonction des esclaves ici, soit il me testait clairement ! Il m'avait laissé tellement d'opportunités de partir que s'en était affolant.
Je n'étais pas assez irréfléchi pour tenter quoi que ce soit dans cet état de faiblesse physique, et surtout pour aller où ? Par contre, j'aurais pu faire plein de bêtises si j'avais voulu l'enquiquiner... mais j'avais la tête pleine de récits de dieux mystérieux, d'images du gigantesque Arbre Sacré et ses cocons, de l'infrastructure ouvragée de la serre du temple, de la lumière rasante de leurs Astres de Jour. Je rêvassais en regardant la porte où était passé Absalón, avec ses petits panneaux de cotons suspendus qui me faisaient penser à une échoppe japonaise. J'étais passablement assoiffé et affamé, et espérai qu'il ne tarderait pas.
Ce fut à peine si je sentis quelqu'un s'asseoir à mes côtés. Je sursautai alors qu'il était déjà installé et sortait une gourde souple en forme de haricot de sa manche ample. Bon sang d'où sortait-il ? Mon coeur battait à cent à l'heure, certainement pour battre un record. L'homme n'avait pas un genre de vêtement que j'avais pu voir jusque là... en tout cas il ne me semblait pas. La nuance était subtile, mais si je devais exprimer cette différence, c'était un peu comme si on était de l'autre côté de la Force, si on faisait référence à Star Wars. Sauf que la personne à côté de moi ne devait pas être Darth Maul et moi j'avais sûrement trop d'imagination.
Il baissa le voile de Ninja qui couvrait sa bouche et bu quelques gorgées. Il tourna légèrement la tête vers moi et me fixa de son regard d'ambre orange et de nuit mêlées. Il avait les cheveux très longs, d'un blanc laiteux, et des yeux vairons. A côté David Bowie faisait pâle figure, bien que tous deux étaient androgynes. La différence était que mon voisin semblait vraiment musclé, mais tout en longueur. Pour ce que j'en voyais, cet inconnu était franchement beau et il me fascinait comme les flammes d'un feu de camp.
« Tu en veux? » susurra-il en me tendant sa gourde, sa voix grave me filant la chair de poule.
Je me rendis alors compte que je le dévisageai complètement et que j'étais franchement impoli. Je lui présentai des excuses en bafouillant, qu'il accepta dans un gloussement tout en me souriant. Il insista pour me passer à boire et je ne sus pas pourquoi je ne pu refuser. J'étais assoiffé, mais surtout je n'avais pas envie de refuser et couper le peu de communication qu'il y avait entre nous.
Il remonta son voile sur sa bouche charnue et son nez droit pendant que je prenais quelques gorgées d'un liquide au goût étrange. Ce qui était sûr, c'est que ce n'était pas de l'eau. La gorge me chauffa un peu. Avant que j'ai pu la lui rendre, j'entendis le bruit de la porte coulissante qui s'ouvrait sur Absalón tenant un paquet long emballé.
Je tentais de repasser la gourde à l'inconnu, mais il n'y avait plus personne. Je ne pouvais pas avoir rêvé, la preuve tangible était dans ma main. Alors qu'Absalón proférait quelques mondanités au marchand sur le parvis de la boutique, me montrant son dos, je cachai la calebasse molle dans le plis de mon kimono sur mon torse. J'avais l'impression d'avoir commis une faute et qu'il fallait la camoufler.
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Isekai : Éveil sur Genoë
RomansaEnlevé sans explication et transporté sur Genoë, une terre étrange baignée par deux soleils et deux lunes, un jeune homme survit de justesse à un massacre. Sauvé par un natif de ce lieu, un homme aux intentions ambiguës, il découvre un univers peupl...