Chapitre 51: Mihē

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Urío

J'étais au pied du mur, on y était. Toutes les mauvaises décisions que j'avais pu prendre, tout ce que je pensais pouvoir chasser de mon esprit pour pouvoir vivre comme je le voulais et être libre de vivre la vie que je souhaitais, tout me revenait en pleine figure. La nuit où j'avais été tué, j'avais été techniquement mort. Ma conscience vagabondait dans un flot d'images floues après que j'ai revu toute ma vie défiler. J'avais fait la somme de toutes mes erreurs, me lamentant sur ma stupidité. Quand le dieu que je honnissais était apparu inopinément dans les bribes restantes de mon esprit, j'avais crû à une illusion créée par mon ressentiment. Mais Bàlan était là, retenant mon âme pour l'empêcher de quitter ce monde en l'attachant à son ombre serpentine. Pourtant, ce n'était pas une vaste blague, à mon grand désarroi.

Tuhtuhtuhtuh petite créature veule, tu ne vas nulle part. Mon mignon m'a supplié de te laisser une chance, et j'aime faire plaisir à mes petits préférés. Cette chose dans ta tête qui te sert à penser, je dirais même, que tu utilises pour réfléchir même si c'est de travers, elle t'est nécessaire pour vivre. Je vais donc te la réparer. Mais comme j'adore les épreuves, je te laisse faire le reste. Profite de cette seconde vie, brûle-là pour te repentir. Je t'attends. Tu n'échapperas plus à mon jugement désormais.

J'avais hurlé de terreur en mon fort intérieur, essayant de chasser cette vision cauchemardesque. Rien n'y faisait. Lorsque je je m'étais réveillé, il fallait se rendre à l'évidence : tout avait été réel : j'étais en vie. Tout mon corps souffrait le martyr et mon oeil pulsait douloureusement. Il m'avait dit de brûler ma vie pour me repentir, et çà allait être le cas m'avait-il semblé. Je n'avais pas été plus lucide que ce jour, car tout s'était avéré exact, et encore plus actuellement.

Quand l'homme, que j'avais identifié comme étant Riguel, le premier fils du Haut-Prince d'Oggon, était entré avec fracas dans la maison où nous résidions, l'intensité de sa présence m'avait presque fait suffoquer sous l'oppression, me donnant l'impression que chacun de mes organes était écrasé un à un. Ce prince était un monstre de puissance. Il s'était approché de moi à pas de drīngk et ses yeux dardaient une telle haine à mon encontre que je n'avais pu que m'agenouiller, lever les mains en soumission et attendre ma sentence. J'avais capitulé immédiatement, incapable de soutenir l'intensité de sa rage.

Le prince Astríon était libre, Arslàn était entre de bonnes mains. J'avais espéré la clémence de Shahíndar, mais à vrai dire, les jours passants, cela n'avait plus tellement d'importance. Le magnifique prince Righel aurait pu me transpercer de sa dague, et j'aurais vu cela comme un honneur. Mourir entre les mains d'un si bel homme, promis à devenir le futur Haut-Prince d'Oggon, ne me semblait pas une fin si terrible. Leur pays avait des lois si justes que j'en rêvais pour ma propre patrie. Dans d'autres circonstances, je l'aurais laissé me transpercer avec autre chose. Je m'avouai cela comme une honte, moi qui refusais pourtant habituellement de me laisser pénétrer lors de mes ébats. J'étais un dominant, une tête brûlée, et je n'obéissais que quand c'était dans mon intérêt. Et là, s'il m'avait ordonné de baisser la tête pour la séparer de mon corps, j'aurais dit oui. Si possible après le coït, comme une mante. Je ne me reconnaissais plus, mais rien de tout cela n'avait plus d'importance en cet instant.

J'avais été surpris de voir Kàhlar tenter de prendre ma défense, alors que moi-même je n'avais pas bougé lorsqu'il était dans le désarroi, tandis que sa famille se faisait massacrer à l'autre bout de la ville, chez lui. Si c'était à refaire, je l'aurais au moins pris dans mes bras pour le consoler de la mort de ses parents. J'étais vraiment un connard, et je méritais ce qui m'arrivait. Solgar l'avait éloigné pour son bien, et Arslàn avait pris le relais et s'était jeté dans la bataille à son tour. Ne sentait-il pas qu'il n'arriverait à rien, même avec ses lames magiques ? Pourquoi me défendre ? Et pourtant, malgré sa faiblesse, le petit avait eu gain de cause. Righel avait cédé tel un dragon s'inclinant devant un wyrm tout juste né. C'était inimaginable il y a encore un instant mais j'étais encore en vie. Mais pour combien de temps ? En tout cas, voilà encore une vérité que j'avais apprise du jeune homme : ne jamais abandonner, même quand tout semblait perdu. Entendu mon petit, je déposais les armes face à ta leçon de vie. Tant que je n'étais pas mort, je brûlerais ma vie pour me racheter, comme disait ce dieu auquel je n'aurais jamais voulu devoir quoi que ce soit.

Isekai : Éveil sur GenoëOù les histoires vivent. Découvrez maintenant