Chapitre 33 : cap sur Adairmena

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Arslàn

Il fut difficile à Solgar d'attendre d'aller mieux pour voyager. Il nous avait raconté succinctement la raison de sa présence ici et tenté de parlementer pour que je me rende au lieu de rendez-vous seul avec Zrìeg, vu que lui ne pouvait pas encore  monter sur le dos d'un saurien. Mais quelle chance avais-je, même si j'étais accompagné d'un dragon, si on nous y attendait armé jusqu'aux dents et nous tendait un guet-apens ? De plus, je refusais que nous nous séparions à nouveau. Si Sorèn allait bien, il nous y attendrait, tentais-je de me convaincre.Peut-être même qu'Astríon serait là ! J'avais proposé d'envoyer un messager, mais Solgar avait insisté pour que nous nous y rendions discrètement. Il n'avait pas tort, et je me sentais mal à l'idée d'envoyer quelqu'un dans un possible piège. J'avais aussi demandé s'il n'était pas judicieux de prévenir le Haut-Prince que son fils avait disparu. Solgar insinua que cela voulait dire qu'il fallait lui dire que la mission avait échoué, et avouer que nous n'avions aucune idée où était son second fils... sans compter que s'il avait perdu deux fils désormais, la guerre risquait d'éclater.

Je n'avais pas pris en compte l'aspect politique de cette disparition. Mais peut-être Quæri n'oserait pas lui non plus déclencher une guerre sans l'accord de son souverain, s'il apprenait qui était Astríon. Cela faisait beaucoup de si et nous n'avions aucune certitude. Il savait plus que certainement qui il était.

Il fallait déjà retrouver notre compagnon, en espérant qu'il ait plus d'idées que nous. Solgar m'avait assuré qu'il était bon stratège et partageait régulièrement les mêmes idées à ce propos que le prince... nous avions donc une chance que ce dernier ait réagi comme le supposait Sorèn.

Zrìeg, au milieu de nous, prodiguait des soins, mais ne se mêlait pas de nos conversations. J'avais espéré lui soutirer des conseils, mais il me regardait avec un regard énigmatique sans me répondre. Je supposais que de sa longue existence, la survie d'un homme, fut-il Prince, n'était pas quelque chose d'important. Je m'étais emporté à ce sujet lors d'un tête à tête dans la cuisine alors que je tentais de cuire de la viande sans la carboniser, et il avait alors brisé son silence habituel pour me répondre :

« Si notre dieu te teste, tu ne voudrais tout de même pas que je réponde à ta place ? Tu échouerais immédiatement. »

J'en étais resté coi, et Solgar et moi avions mangé une semelle noire en guise de repas. Je m'interrogeais sur ce que mangeait un dragon, vu qu'il ne se nourrissait pas avec nous. Je n'osais pas interroger mon compagnon sur ce sujet, ajoutant à mon ignorance qu'il constatait chaque jour. Il avait beaucoup de patience avec moi, et me parlait avec franchise et intérêt, riant généreusement de mes maladresses sans trop se moquer. Je n'avais jamais eu jusque là de vrai ami, me contentant de camaraderie et de copinage. Pour la première fois, j'espérais avoir un jour un ami comme Solgar.

Cinq jours passèrent, et je fus pleinement occupé par l'intendance de cette maison étonnamment vide, faisant les courses dans les dédales de Ballymena, ville aérienne et mystérieuse aux échoppes bien achalandées. La population que j'y croisais était polie et accueillante. J'arrivais presque à me détendre en demandant mon chemin, car leurs réponses étaient toujours bienveillantes. J'étais une catastrophe en cuisine et je transformais les aliments gourmands que j'achetais en désastres culinaires. Solgar n'en prenait pas ombrage et me promis qu'une fois cette histoire derrière nous, il m'apprendrait à cuisiner. Il mangeait tout ce que je lui présentais, l'avalant en faisant des grimaces tout en promettant de me faire un classement des pires plats que je réaliserais d'ici là.

Le temps s'était nettement amélioré, et le quatrième matin sonna notre départ. Nous empruntâmes les vêtements chauds trouvés dans les armoires, vêtements de laine et soie aux couleurs assorties à la ville et à la manière dont les habitants de Ballymena aimaient se vêtir. Je n'avais pas réellement l'habitude de mettre des vêtements clairs, mais la chaleur qui s'enveloppa après les avoir mis me décida résolument à les garder sur moi. Solgar, avec ses cheveux blancs qu'il avait rattaché en catogan haut comme à son habitude, était majestueux ainsi. Je lui fis un compliment en espérant ne pas dépasser la bienséance, et à mon grand étonnement il m'en fit à son tour. Je comprenais aisément pourquoi Astríon aimait l'avoir avec lui. Tout était simple à ses côtés, sans ambiguïté.

Isekai : Éveil sur GenoëOù les histoires vivent. Découvrez maintenant