Kàhlar
Je regardai Urío s'éloigner sous la pression de la main du Prince héritier qui l'avait pris par la nuque. J'avais fait ce que j'avais pu pour lui et n'aurais pas pu obtenir plus. Sa grâce avait été providentielle, et j'avais oeuvré au maximum pour lui. Peut-être ne comprenait-il pas pourquoi j'avais fait cela pour lui. Un jour, je lui expliquerai à quel point nos destins de fils sacrifiés pour le bien de l'héritage se ressemblaient.. J'espérais lui avoir offert assez de temps pour que cela arrive désormais. J'aurais dû considérer logiquement que Righel était plus un mal qu'un bien pour lui. Mais j'avais décidé d'écouter mon instinct qui me disait qu'au contraire, il était dans les meilleures mains possibles pour son propre salut... tout comme moi je venais de remettre le mien dans les mains de Solgar.
L'intéressé était en train de plaisanter avec ses amis tout en me tripotant comme à son habitude, inconscient de mes tourments intérieurs. Je me souvins avec vividité le moment où, dans ce couloir aux lumières vacillantes, il m'avait demandé s'il me plaisait. Je lui avais répondu avec aplomb qu'il était exactement mon type d'homme, mais que je n'avais jamais voulu céder à mes pulsions jusque là, me sachant difficile dans mes attentes. Malgré l'ultimatum que j'avais reçu, j'avais escompté le repousser avec ces mots. Il ne s'était pas démonté et m'avait demandé ce que j'attendais d'une nuit avec quelqu'un, me promettant que si c'était dans ses possibilités, il m'offrirait tout ce qui me ferait plaisir. Je lui avait indiqué mes préférences, qui l'avaient surpris... agréablement. Il n'avait pas détaché son regard du mien, me demandant où je désirais le faire, et que je n'avais qu'un mot à dire pour que cela se réalise. Au cœur de la nuit, j'avais fini par être attaché, mon corps offert à toutes sortes de supplices, pour mon plus grand plaisir. Nous avions savouré ces instants jusqu'à l'aube, renouvelant nos jeux sans cesse. Il était la personne que j'avais attendue toutes ces années, m'offrant la sécurité de ses bras, la possessivité dont je rêvais. Il possédait une imagination au service de tous mes désirs charnels, et il n'en manquait pas...
J'eus un frisson qui ne lui échappa pas, et il me fit un clin d'oeil taquin, m'indiquant qu'il repérait tout et que j'étais sa priorité, quoi qu'il arrive. Il finit rapidement sa conversation puis s'empressa de me demander si j'allais bien, inquiet. Je détournai sa question et m'enquerrai de savoir s'il y avait un endroit où je pouvais me reposer, le voyage m'ayant fatigué. Je ne l'étais pas vraiment, encore sous le coup de l'adrénaline de ma discussion avec le prince consort Ōona. Cependant j'avais besoin de discuter avec mon nouveau fiancé, en privé. Je devais me rassurer, la panique et l'angoisse venant empoisonner un peu plus mon esprit à chaque minute qui passait. J'allais me marier dans trois jours, et j'avais embarqué Solgar dans mes négociations sans lui demander son avis préalable. Ce dernier fit en sorte d'obtenir la permission de nous retirer et me tira vers une pièce qui nous fut attribuée exceptionnellement pour les prochains jours, non loin du quartier du prince Astríon. D'un geste de la main, je fis mes adieux et le suivis, non sans appréhension. Nous traversâmes les couloirs, le plancher tintant légèrement sous nos pas, et je ne pensais qu'à ce que j'allais lui dire une fois seuls. Il faisait bonne figure, mais allait-il crier ? Et s'il s'emportait, comment allais-je le calmer ? Je tournais en boucle, incapable de trouver une solution aux problèmes que soulevaient mes pensées.
Il nous fit entrer dans la chambre dont la fenêtre donnait sur une vaste cour intérieure, puis referma la porte derrière nous. Le silence régnait. Il s'approcha pour m'embrasser, mais, voyant ma mine déconfite, il réitéra ses craintes et déclara :
— Quelque chose ne va pas. Allez, crève l'abcès.
Ce n'était plus le moment d'hésiter, il fallait poser les choses à plat.
— Solgar, veux-tu vraiment m'épouser ? Devant ton consort, je sais que tu voulais certainement que je garde la face, mais ... j'ai l'impression de t'avoir forcé la main, je ne me sens pas bien...
Solgar me caressa la joue et prit ma main pour m'inviter à m'asseoir sur son lit. Il passa son pouce sur mes lèvres avec une gourmandise qui lui ressemblait bien. Tout en réfléchissant, il passa lentement la langue sur sa lippe, fronçant les yeux, sa cicatrice sous l'œil se plissant légèrement.
— Shebolleh Kàhlar, tu te souviens le soir après que nous nous soyons rencontrés ? Je t'avais dit de m'utiliser à ta guise, n'est-ce pas ? Je ne fais pas ce genre de proposition pour me retirer à mi-course. N'as-tu donc pas remarqué à quel point je serais prêt à tout pour toi ? Je n'ai jamais ressenti cela de ma vie, et je crois que toi non plus, je me trompe ?
Je lui fis non de la tête. Non, je n'avais jamais ressenti ça non plus. Ce géant aux mains si larges qu'il pouvait se saisir de mon visage dans sa paume était tout ce que j'avais désiré. Il était l'amant qui me faisait hurler de douleur et de plaisir, l'homme capable de me faire rire à tout moment et le compagnon qui me montrait à quel point la vie valait le coup d'être vécue. Alors que j'étais certain d'être abandonné aux mains du neveu du Haut-Prince Kyrdar, lui et ses compagnons étaient revenus me chercher, ne faillissant pas à sa promesse. Même le Prince Astríon avait été là, soutenant l'initiative de son propre amant et s'alliant avec son ennemi pour venir me chercher. Cependant, le doute rongeait mon esprit tel la rouille sur le fer.
— Justement, je t'ai utilisé pour me sauver d'un retour probable vers Scellæon mais aussi pour épargner la vie d'Urío que tu détestes. Je suis désolé...
Il éclata d'un rire sonore, celui-là même qui faisait battre mon coeur plus fort et affirma :
— Shebolleh Kàhlar, si tu me dis qu'il a quelque chose à sauver chez cet homme pourri par l'égoïsme, je suis prêt à te croire. Même si c'est un putain d'assassin et qu'il a égorgé mon brave petit Oríon et que je lui ferais bien sauter la tête. On ne se connait pas beaucoup, mais je crois que tu as prouvé que tu savais traiter tes amis avec respect et envers et contre tout, et ça, ça me plaît plus que tout.
Il reprit un air sérieux avant de continuer.
— Par contre, ne me fait jamais choisir entre mon coeur et mon fanthúr, nórë nor. Tu me le promets ?
Bien sûr que je te le promets. Je suis prêt à te promettre tout ce que tu veux, après que tu aies accepté de m'épouser pour me sauver, alors qu'on se connaît depuis quelques jours seulement.
Solgar me contempla longuement comme s'il essayait de sonder mon âme. Ses yeux brillaient, et j'étais désormais certain de ne pas trouver mieux que lui pour moi dans ce monde. Mais un doute persistait quand même, et je pris le temps de le lui exposer :
— Mais... tu sais que mes pouvoirs magiques ont toutes les chances d'être plus puissants que les tiens ? Si nous avons un enfant, tu risques de perdre ton héritage familial au profit du mien ...
Pour toute réponse, il m'embrassa avec passion, ses doigts jouant dans mes nattes. Je lui répondis avec un grognement de plaisir non dissimulé : par les dieux comme j'aimais quand il me décoiffait ! C'était le signe qu'il ne voulait plus que je sorte jusqu'au lendemain et et que je n'échapperai pas à ses désirs. Demain, je sortirai sûrement avec un col haut cachant des suçons et des bleus. Je le connaissais finalement assez pour savoir cela. Il relâcha soudain mes lèvres capturées par les siennes et se pencha vers mon oreille :
— Mon frère ainé s'est marié l'année dernière avec un joli petit hybride prénommé Tylestre. Comme il maîtrise le pouvoir de l'eau mais à un faible niveau, je suis convaincu qu'ils auront un ou plusieurs jolis petits héritiers qui, une fois à l'âge requis, posséderont sans faille les pouvoirs de la famille Tebbath ... mais moi, je prendrai ton nom. Dans trois jours, nous serons les premiers membres de la famille Shebolleh renaissant de ses cendres. Et j'insiste : tu ne me refuseras pas ça en retour. Toi et moi, nous allons nous marier, et je prends tout de toi. Tout, tu entends ? Ton passé, ton présent, ton futur, ton corps et ton nom au passage. Pigé ? Fais oui de la tête si tu as compris, je t'observe et je ne laisserai rien passer !
Son visage jusque là sévère s'attendrit soudain face à mon étonnement :
— Par contre ô mon adorable Kàhlar, si tu souhaites absolument avoir quelque chose à te faire pardonner, on peut décider d'une punition pour ce soir...
Il grogna et j'oscillai de la tête en signe d'agrément comme il m'avait appris à le faire à chaque fois qu'il me donnait un ordre. Il me repoussa et m'allongea sous lui, soulevant mes vêtements pour emprisonner mes bras en en resserrant les pans. Une fois que je fus immobilisé, il me mordit un téton, jouant avec ses dents avec ferveur ce qui me fit couiner. Ha ! ... cet homme était ma perdition et mon sauveur !
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Isekai : Éveil sur Genoë
Roman d'amourEnlevé sans explication et transporté sur Genoë, une terre étrange baignée par deux soleils et deux lunes, un jeune homme survit de justesse à un massacre. Sauvé par un natif de ce lieu, un homme aux intentions ambiguës, il découvre un univers peupl...