Chapitre 52 : châtiment

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Righel

J'avais été certain que l'attention était ailleurs, mais les compagnons d'Astríon se turent soudain, voyant Shahíndar emmener l'assassin d'Oríon, suivi de prêt par Ōona. Ils avaient voulu éviter un esclandre de la part du jeune Kàhlar en agissant discrètement, mais c'était tout bonnement raté. Pourtant, Õona avait tout fait pour que cela soit possible, mais tous devaient le surveiller comme le lait sur le feu. Ce n'était pas leur genre de faire quelque chose dans notre dos, alors je me demandais si je n'avais pas mal interprété leur raison de partir en catimini. Étrangement, Kàhlar ne dit rien. Arslàn serra les dents, mais voyant l'air calme de Shebolleh, il n'intervint pas. Que se passait-il ? Je décidai de les suivre, ouvrant la porte à mon tour et me postant contre elle une fois celle-ci fermée. Mes pères eurent un regard neutre vers moi, et me demandèrent de m'asseoir et de garder le silence. Shahindàr relâcha sa prise sur la boucle du collier du prisonnier, et avant qu'il ne puisse s'agenouiller comme il semblait le souhaiter, il le gifla avec violence. Urío fut projeté sur le sol, sonné. Ah ! J'aurais aimé être à sa place !

– « Espèce de connard sans cervelle, assassin d'enfant ! Savais-tu quel âge avait Oríon quand tu l'as froidement assassiné ? Quarante-deux ans ! Aux yeux des dieux, c'était encore un nouveau-né ! Il n'avait pas eu son éveil, ses pouvoirs dormaient encore ! Il ne pouvait même pas se défendre ! Il utilisait seulement son intelligence, sa pureté, pour servir le bien de cette nation ! Pourquoi crois-tu que je le faisais accompagner d'hommes ? Toi et tes hommes les avez tous tués ! Tous ! »

Shahíndar rugissait, ses yeux lançant des dagues sur cette ordure d'épine de chardon. Partout où il était passé, ce salaud avait lacéré les cœurs, infligeant des blessures qui saigneraient éternellement.

« Comment peux-tu justifier tes actes, sale vermine ?! » rugit Shahíndar, son regard consumé par une colère noire.

L'air vibrait, chargé de la fureur de mes parents et certainement de la mienne aussi. Il était impossible que personne n'ait entendu ses hurlements de l'autre côté de la cloison. L'assassin se releva doucement, s'agenouillant dans une posture humble. La nuque inclinée, le visage tourné vers le sol, il attendit de longues secondes avant de déclarer d'une voix neutre :

« Je n'ai aucune excuse ni circonstances atténuantes. J'ai pris la vie de votre fils, et cela ne mérite ni clémence ni pardon. JMes excuses n'ont probablement aucun poids, mais je vous les offre malgré tout. J'espère même que ne les acceptez pas, car elles ne vous rendront jamais ce que je vous ai pris. Je ... Ma vie est désormais entre vos mains, elle vous appartient. Faites ce que vous devez. »

Õona s'approcha de lui, le saisit sous le menton et lui cracha au visage. Urío ferma les yeux par réflexe, mais ne broncha pas autrement. Une envie de le punir me traversa également. Mon corps, ce traitre, me criait de l'allonger à nouveau au sol pour frapper voire même le violer, et je dus me faire violence pour contenir mes pensées déplacées et ne pas me jeter sur lui. Je me refusai à devenir pire que lui. Moi vivant, jamais ! Ōona aboya à son tour contre lui :

« Tu as froidement tué le plus innocent de mes fils, lui qui n'avait jamais tué, et tu oses te présenter comme un sauveur pour son jumeau ? Pour qui te prends-tu ? Tu as dévasté nos vies, et rien de ce que tu diras ne pourra jamais apaiser notre douleur ! Sans compter qu'Astríon, né juste avant son cadet Oríon, avait un lien gémellique avec son frère ! Il a dû le sentir mourir ! Ta prétendue compassion n'est qu'une insulte à la mémoire d'Oríon ! Tu n'es qu'un vermisseau égoïste, un manipulateur sans scrupules, et je me retiens à peine de te faire subir la même souffrance que tu as infligée à ma famille !»

Ōona était un de mes deux pères et j'avais passé mon enfance à ses côtés. D'innombrables jours et nuits en sa présence, à discuter, à apprendre, à refaire le monde. Ōona était l'ombre, le calme, la face cachée de l'explosif Shahíndar. Rien de ce qu'il montrait en ce moment même ne correspondait à sa personnalité. L'Ōona que je connaissais avait beaucoup pleuré, et il aurait retenu les membres de cette sève de ciguë pendant que son époux lui arrachait la trachée de ses crocs. Urío aurait déjà dû être sur le carrelage, exsangue. Il était hors de lui, mais les phrases qu'il prononçait semblaient être un texte apprit par coeur ou un trait forcé. A quel jeu jouait-il ? Ou plutôt devrais-je dire, que faisaient-ils tous les deux ? Quelle était cette mascarade ? Cette comédie semblait être une ruse, une manoeuvre pour obtenir ce qu'ils désiraient. Leur longue complicité rendait la coordination superflue. Se fréquentant depuis si longtemps, ils n'avaient pas besoin de se consulter. Ils avaient un plan et de ma vie je n'avais jamais remis en question leurs choix, espérant que cela resterait vrai cette fois-ci. Urío gardait la tête froide malgré le fait qu'il se faisait incendier. Ses yeux étaient humides mais il se refusait à verser la moindre larme.

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