Chapitre 37 : flocons mouillés et vents hurlants

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Sorèn

Je préparai des armes stockées dans le sous-sol, et confiai une dague à Arslàn. Il ne savait peut-être pas s'en servir, mais le laisser désarmé me paraissait incongru.

Je lui donnais l'adresse de notre planque à Abyssia, au cas où nous devions nous séparer. Il ne connaissait pas bien la ville mais je lui dessinais succinctement l'endroit où notre repaire se situait, en lui demandant d'être prudent le cas échéant. C'était une précaution que nous avions entre nous depuis longtemps, il était normal de toujours imaginer le pire... ça nous avait servi les jours précédents d'ailleurs, puisque malgré nos déboires nous avions réussi à nous retrouver.

Nous partîmes au plus vite après avoir pris quelques vivres supplémentaires, Zrìeg pouvant désormais décoller de la tour des gardiens d'Adairmena: comme aucun ennemi ne nous attendait ici, les précautions n'étaient plus de mise. Il prit un peu d'avance et s'envola avec Arslàn sur son dos le temps que nous louions des wyrms. Nous étions connus des locaux, et il ne fut pas difficile de trouver deux bêtes rapides aux ailes solides. Je leur cédai celui qui m'avait amené ici à faible prix, il était vraiment trop lent et trop veule pour notre expédition.

Après avoir décollé, nous interceptâmes le dragon qui volait devant nous et nous le laissâmes nous guider. Arslàn aurait bien aimé que l'un d'entre nous vienne derrière lui pour ce voyage, mais tactiquement, c'était impossible. Zríeg devait atterrir loin pour ne pas se faire repérer, alors que nous pourrions nous approcher facilement, notre signature magique étant quasi inexistante. De plus, s'il fallait prendre la fuite précipitamment, deux bêtes proches ne seraient pas de trop pour nous quatre, en espérant avoir récupéré le prince. Sans compter que notre compagnon à écailles devait rester tout du long en dehors d'Abyssia à une distance raisonnable. Les vols dans les grandes villes étaient strictement réglementés, et un dragon non déclaré dans la ville allait soulever d'énormes problèmes,,, surtout que nous n'étions pas les bienvenus.

Nous nous élevâmes en quelques coups d'ailes puissants, et nous éloignâmes de la ville direction sud-ouest. Le vent sifflait à mes oreilles froid et mordant, alors que nous filions à toute vitesse à travers le ciel qui s'assombrissait. Arslan monté sur son immense dragon aux écailles noires semblait mieux maîtriser la situation que je ne l'aurais pensé, l'ombre imposante de sa monture se détachant contre le ciel tumultueux. Solgar et moi, chacun sur nos wyrms, suivions de près, tentant de garder le rythme malgré les conditions difficiles: le vent se levait. Usuellement nos montures étaient plus rapides malgré la différence de taille, mais elles luttaient contre les courants adverses. Elles n'avaient pas la robustesse du dragon, et nous économisions leurs forces en suivant le rythme d'Arslàn. Les rafales naissantes de vent froid nous fouettaient le visage, et je sentais chaque vibration du corps musclé de mon wyrm sous moi qui se battait contre la tempête qui approchait. Le ciel derrière nous était un mélange chaotique de nuages noirs et gris, annonçant la tempête de neige qui nous poursuivait sans relâche.

La pression atmosphérique changeait constamment, rendant notre vol encore plus périlleux. Nous devions rejoindre la ville d'Abyssia avant que la tourmente ne nous rattrape, mais le trajet était encore long, plusieurs heures de vol nous séparaient de notre destination. L'urgence nous poussait à avancer plus vite, mais chaque minute semblait un défi supplémentaire. Nous nous rapprochâmes de Zrìeg qui créait un couloir de vol plus stable pour nous. Peut-être avait-il eut raison de s'opposer à moi lorsque j'avais déclaré vouloir prendre des wyrms. J'avais pris ce coup de gueule comme une simple querelle entre les deux espèces, les dragons détestant leurs cousins éloignés. Mais j'avais sûrement pris en compte l'attitude de ses semblables plus jeunes, ceux que je connaissaient, et avait omis de prendre en compte son âge et donc sa sagesse. Je notais cela dans un recoin de mon cerveau et apprendrai de mes erreurs. Peu importait maintenant, il fallait tenir bon et atteindre Abyssia.

Soudain, une rafale de vent particulièrement violente nous frappa. Mon wyrm vacilla, perdant de l'altitude, et je serrai les rênes, luttant pour reprendre le contrôle. Je contractais les cuisses et m'encordai avec les sangles disponibles sur la selle, juste à temps : un trou d'air apparut sous nous, et Solgar et moi fûmes projetés dans des directions opposées à Arslàn. Je criai, mais ma voix se perdit dans le hurlement du vent. En un instant, l'hybride et sa monture furent hors de vue, sa silhouette massive engloutie par les nuages sombres.

Je tentai de stabiliser mon wyrm, les muscles de mes bras tendus par l'effort. Solgar était quelque part derrière moi, également en difficulté. Le cœur battant, je me tournai, essayant de discerner sa forme dans la pénombre. Une lueur d'espoir : je l'aperçus, luttant lui aussi pour maintenir sa monture en vol stable.

La tempête de neige semblait nous rattraper plus rapidement que prévu, et le froid intense commençait à engourdir mes doigts, heureusement couverts de gants en cuir. Malgré la situation, je ne pouvais m'empêcher de penser à Arslan, seul en avant. Était-il en sécurité ? Savait-il que nous avions été séparés, vu qu'il était devant ?

Chaque instant était une lutte contre les éléments. Les flocons de neige commençaient à tomber, de plus en plus épais, réduisant notre visibilité à presque rien. Mon saurien se battait vaillamment, ses ailes battant furieusement contre les rafales de vent. Nous devions tenir bon, rattraper Zrìeg avant que la tempête ne nous engloutisse.

Cependant, les vents devenaient trop violents pour nos créatures ailées. Je sentais ma monture faiblir sous moi, ses forces diminuant à chaque battement d'ailes. Nous ne pouvions plus lutter contre les éléments. Solgar et moi échangeâmes un regard désespéré. Il était évident que nous ne pouvions pas continuer jusqu'à Abyssia.

Je pris une décision rapide. « Nous devons nous éloigner de notre itinéraire ! Les wyrms ne tiendront pas ! » fis-je en signant d'une de mes mains dans sa direction, utilisant le code que nous avions mis en place.

Solgar fut d'accord avec moi, et nous changeâmes de cap, cherchant un endroit où nous pourrions nous poser à l'abri des bourrasques. Tandis que nous nous éloignions, je jetai un dernier regard en direction de là où j'avais vu disparaître Arslàn, espérant qu'il atteindrait la capitale de Scellæon en toute sécurité.

La tempête grondait derrière nous, mais nous continuâmes à voler, nos créatures ailées donnant tout ce qu'elles avaient. L'océan disparu peu à peu de notre vue dans cette semi-obscurité, remplacée par les montagnes sombres et menaçantes d'une petite île flottante inhabitée. Le vent hurlait frénétiquement autour de nous. Nous devions trouver un refuge, quelque part où nous pourrions attendre que ce fracas s'estompe.

Après un bon moment qui parut aussi interminable qu'une nuit de guet, l'ombre de la tourmente qui nous talonnait finit par nous rattraper dans un tumulte de rafales brutales. Je finis par apercevoir une grotte en contrebas, nichée dans la roche sombre au dessus d'une falaise. Une bouffée de soulagement m'envahit, mais je savais que le plus dur restait à venir : retrouver Arslan plus tard et nous assurer qu'il était sain et sauf. Zrìeg avait mentionné que la dépression neigeuse serait longue, et j'espérais que cette fois-ci il aurait tort, ne serait-ce qu'un peu.

Nous entrâmes dans le trou, et celui-ci était fort heureusement inhabité. Ils était profond et pouvait accueillir les wyrms. Solgar pesta, et je ne lui en voulais pas. C'était vraiment une très mauvaise situation. Pourvu qu'Arslàn arrive à se débrouiller... je n'avais plus qu'à prier, en espérant que mon dieu m'entende cette fois.

Isekai : Éveil sur GenoëOù les histoires vivent. Découvrez maintenant