Chapitre 16 : introspection

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Urío

J'entrais dans ma chambre après avoir fait un détour pour me laver. En passant le seuil de la porte, l'air saturé de phéromones et de l'odeur suave du coït me fit sourire. Mon petit esclave dormait nu sur le lit, inconscient de ma présence. Il avait enfin cédé au plaisir et cela me soulagea. S'il avait continué à résister à ses pulsions, cela aurait fini par l'atteindre nerveusement et il serait devenu instable. Notre peuple n'était pas fait pour résister aux pulsions hormonales, et les nouveaux venus n'étaient pas indemnes à ce besoin impérieux.Comment y résisterait-il ? Aucun d'entre nous ne le pouvait. Il avait même forgé les bases de notre civilisation.

Il était difficile de lui décrire la construction de notre société, qui avait évolué autour de la sensualité et des conflits politiques entre les Haut-Princes. Je faisais de mon mieux pour diriger sa pensée dans ce sens, afin qu'il comprenne que c'était naturel. Mon but n'était pas de le brusquer, mais d'entretenir sa curiosité et sa soif d'apprentissage. J'y réussissais sans trop de heurts, et je le sentais s'épanouir doucement. J'imaginais qu'il me faudrait passer par l'autoritarisme pour arriver à le faire obéir, mais c'était tout le contraire. Ce gamin s'adaptait à une vitesse folle, comme si tout son être était attiré par la nouveauté et que l'obéissance n 'était qu'une étape nécessaire à ce qu'il désirait, c'est à dire me voir répondre à ses questions incessantes.

J'ouvrai la fenêtre et inspirai l'air enfin sec qui s'engouffrait dans la pièce. Il avait plu chaque après midi et chaque nuit depuis des jours et des jours, saturant les rues d'eau et le ciel de nuages. L'eau était nécessaire à notre peuple et à notre mode de vie, mais je préférais les journées sèches où les rayons des Astres balayaient la peau.

J'observais le bel endormi, sa poitrine se soulevant à un rythme régulier, et me demandais ce que je ferais de lui à ma prochaine mission. Si je devais m'éloigner sur ordre du Haut-Prince, il me faudrait trouver une fausse excuse pour partir. Mon père ne comprendrait pas que je n'emmène pas mon seul esclave.

Je parvins à me convaincre que chaque chose viendrait en son temps. Il n'était pas prévu que je parte avant son baptême, et sûrement pas avant les noces presque forcées du survivant Shebolleh avec le neveu de notre Haut-Prince.. Les mariages arrangés ne posaient ordinairement pas de problème dans notre royaume, et ne semblaient pas affecter notre taux de natalité. Il en avait été déduit que cela ne contrariait pas les dieux, et que cette pratique pouvait continuer, si le besoin se sentait. Cela n'empêchait pas Kyrdar de rester sans héritier, lui qui avait contraint l'homme dont il désirait le patrimoine génétique à convoler avec lui. Il était rare de voir son époux lors des manifestations officielles, et lorsque c'était le cas, il semblait porter un masque impassible et sans émotion. Était-ce ce qui allait arriver à Kàhlar, tout ça pour que sa Magitek devienne un bien officiel de la principauté ?

J'espérais de tout coeur ne pas avoir à subir moi même cette coutume désagréable, et j'enviais presque les us et coutumes des terres dirigées par l'ennemi de Scellæon ,le Haut-Prince Shahíndar. Les rumeurs disaient que ce dernier s'était uni avec un homme magnifique par amour, et qu'ils écoutaient par principe toujours le coeur avant les raisons politiques. Était-ce vrai ? Vu que leur Panthéon était complet et qu'ils priaient aussi le septième dieu Bàlan, cela me semblait plausible. La divinité du désir n'appréciait que peu les destins forcés. Mon père décédé me racontait en secret des histoires le soir. Il me narrait des récits de la Principauté de Loeryon, dont un de ses propres parents était originaire, où le dieu était aussi vénéré comme étant le dieu des âmes soeurs. Alors que nous ne devions même pas prononcer son nom, j'avais l'impression de porter le plus haut secret, et j'avais une énorme complicité avec mon père. Je n'avais pas compris à l'époque qu'il m'entrainait à savoir garder un secret, mais je lui en était encore maintenant reconnaissant. En tout cas, les préceptes de cette divinité étaient très antinomiques avec les desiderata de notre Haut-Prince, d'où le conflit.

Je priais à la fin de ma rêverie et je me demandais si l'ancien humain allait vraiment être nommé par les dieux. Les hybrides étaient rarement choisis par le panthéon, et s'était alors un prêtre qui choisissait et le notait dans le livre des éclosions. Je n'avais jusque là pas eu de doute sur l'infériorité des esclaves, mais le souvenir du récit de l'insecte divin qui avait touché sa tête, signe de bénédiction, me faisait désormais émettre plus de réserve.Il était différent de ses congénères présents sur notre sol.

Il me faisait un peu penser aux anciens terriens capable de magie que j'avais croisé dans le palais de feu le troisième fils de Shahíndar, Orion. Ces hommes tenaient les mêmes rôles que mes semblables, portant les armes avec fierté, avec le même feu dans leurs yeux que dans ceux de mon esclave. J'avais appris à m'en méfier tout le long de notre mission car ils étaient doués, et nous avions eu beaucoup de mal à nous défaire du compagnon de notre cible. Orion avait un amant hybride, une personne les plus douées que j'eu rencontré à l'épée. Il aurait, selon moi, battu Quæri à plates coutures. Mes camarades et moi même nous étions mis à plusieurs pour le combattre. J 'étais parti sur leur demande une fois l'ennemi suffisamment blessé. Je sus plus tard qu'ils l'avaient égorgé, triste fin pour une personne avec autant de talent.

Je soupirai :quel dommage que je sois né de ce côté de la frontière. Il était certain que nous ne réussirions pas à nous entendre dans les siècles à venir, et que j'aurais adoré vivre une vie comme la leur, en harmonie.

Je me reprenais : après tout peu importait. Je me contenterais de ce que j'avais comme je l'avais toujours fait. J'aimais la place au sein du cercle d'assassins que j'avais hérité de mon père décédé, et je ferais ce qu'il faut pour la conserver. Tuer n 'était pas un problème. Obéir n'était pas un souci. Batailler, sentir mon coeur battre d'appréhension et d'excitation, c'était ce que j'aimais. Quitte à trahir mes idéaux. J'étais prêt à mettre ma vie en jeu pour ça, ce sentiment de plénitude, cet abime sanglant. J'étais capable de mettre tout en oeuvre pour échapper à mon avenir tout tracé de fils de commerçant. La route que Luocha voulait que je prenne, à sa suite, était mon calvaire. Je rêvais de me libérer des chaines de cet héritage, et je ferais tout pour.

Je baillai et décidai de me coucher à côté de mon esclave, profitant de la quiétude pour prendre un peu de repos. Mes muscles, fourbus de l'entrainement, ne me demandaient que de m'allonger. De même que mes yeux aux paupières lourdes.

Isekai : Éveil sur GenoëOù les histoires vivent. Découvrez maintenant