Chapitre 44 : que ma force soit tienne

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Astríon

Ce Maudit Quæri ! Si un jour je me libérai de l'étreinte dans laquelle j'étais enfermé, je lui ferai bouffer son manque de sens de l'honneur ! Je l'avais poursuivi après qu'il m'ait attaqué, espérant le réduire au silence et l'éloigner d'Arslàn. Qu'Absalón soit vivant était déjà une abomination, mais cet homme me débectait encore plus, et je n'avais pas su dire pourquoi jusqu'à sa traitrise. Et maintenant je savais, et je lui ferai payer au centuple. Je devais plus souvent faire confiance à mon instinct. Les combats étaient codifiés et les Princes d'Oggon suivaient le code de l'honneur lors de leurs affrontements contre leurs ennemis. Mais pas lui. Il m'avait emmené dans une pièce qu'il avait piégée auparavant et avait minutieusement préparé son coup au cas où il n'avait pas le dessus. Il m'avait capturé comme on le fait avec un animal, à l'aide d'une cage et de cordes, dans mon dos, profitant d'une faiblesse. Il avait donc prémédité mon enlèvement, et m'avait fait croire que nous nous battions à la loyale, ce qui n'était pas le cas. Il savait ce qu'il voulait, et me capturer comme faire-valoir pour se faire mousser auprès de son Haut-Prince avait été son objectif premier. Il savait que celui-ci adorerait avoir l'ascendant sur mon père en m'ayant comme otage, encore plus que s'il avait ramené ma tête au bout d'un pic. J'avais été ligoté, ramené de force à Abyssia puis offert en trophée par ce fourbe à son souverain. Je ne doutais pas qu'il avait reçu en échange une position importante ou plus de soutien de la part du régnant.

J'étais donc là, retenu par des sangles noires enchantées à une table dans cette pièce immense et vide, et sous bonne garde de deux jeunes dragons ayant pris leur forme d'arcaísils. Ils arboraient les couleurs de Scellæon sur leurs vêtements et semblaient être liés au dirigeant de cette Principauté. La fenêtre qui donnait sur l'extérieur était munie de barreaux et fermée hermétiquement par du verre épais. J'avais été intubé sous la contrainte, certainement pour me nourrir et m'hydrater sans avoir à me détacher. Mes pouvoirs étaient scellés par les capacités magiques des dragons. Cela faisait des jours que j'étais ainsi et tous mes muscles tétanisés me faisaient mal jusqu'à avoir envie de pleurer.

Une fois par jour, le tyran de Scellæon venait me voir et déblatérait des insanités que je me refusais d'écouter. Je me concentrais sur mes centres d'intérêt et voyageais dans mon imaginaire pour échapper autant que possible à son laïus. Est-ce qu'Arslàn allait bien ? Solgar et Sorèn avaient-ils bien pu le récupérer à l'auberge et le mettre à l'abri avant de venir ici pour tenter de me sauver ? J'avais confiance en mes hommes, mais je culpabilisais de ne pas pouvoir avoir pu tenir ma promesse auprès de mon bel hybride. Je m'étais promis de le protéger et je n'avais même pas su me protéger moi même. J'avais même honte de devenir une faiblesse pour mes pères, eux qui se remettaient mal du décès de mon précieux frère cadet.

Au travers de la vitre, j'avais vu la tempête faire rage, empêchant indéniablement mes alliés de venir à moi. Je rageais d'être aussi impuissant. Je me remémorais alors le visage de mon magnifique et audacieux nouveau compagnon, rejouait nos conversations et ses yeux plein de rage pour penser à autre chose qu'à ces pensées inutiles. Et à ses lèvres sur les miennes... ses yeux verts qui se fermaient, sa peau temporairement taupe clair qui s'approchait de la mienne, sa respiration lente et sa poitrine qui se soulevait ... et son nez droit touchant le mien alors qu'il écrasait ses lèvres sur les miennes. Aucun baiser échangé avec mes amants ne m'avait jamais embrasé comme celui ci. Ses cheveux couleur écorce et argile qui n'avaient pas encore atteint sa mâchoire avaient chatouillé mes joues et ma peau s'était couverte de frissons. Je pouvais rejouer cette scène en boucle sans m'en lasser, et me promettais que si je m'en sortais, je le courtiserai plus officiellement. Lors des moments de désespoir, quand mon corps était trop douloureux d'inactivité, je priais mon dieu Bàlan, récitant les prières usuelles et en inventant de nouvelles. Je lui parlais comme à un camarade imaginaire, invoquant son aide et l'implorant de protéger mes compagnons et Arslàn.

Isekai : Éveil sur GenoëOù les histoires vivent. Découvrez maintenant