La violence qui couve sous la surface de cet homme qui est aujourd’hui mon mari jaillit dans la colère qui déforme son visage. Par opposition, sa voix est calme quand il tend à nouveau la main vers moi.
_ Alors, explique-moi.
_ Ne me touche pas, m’écrié-je en tentant de fuir.
Mais la salle de bain est trop petite.
Il m’attrape sans peine entre ses bras, murmurant doucement ces mots entêtants au creux de mon cou :_ Explique-moi.
Je me débats entre ses bras pour échapper à son soutien. Je ne veux pas qu’il soit gentil avec moi. Parce que cette facette de lui ? Elle ne m’inspire pas confiance.
Je ne la comprends pas.
Je ne comprends pas qu’il puisse être si cruel un moment et si gentil l’instant d’après.
Il me parle doucement à nouveau.
_ Raconte-moi, cara, m’ordonne-t-il cruellement.
Les émotions qui s’accumulent depuis qu’on m'a obligé à l'épouser sont sur le point d’exploser.
Tout jaillit en une colère pathétique alors que je me bats de toutes mes forces en agitant les bras et en gigotant pour essayer d’échapper à sa poigne. Car j’ai trop honte d’admettre ce que je ressens.
___ Raconte-moi, insiste-t-il en plaquant mes bras le long de mon corps pour me soulever.
Mon impuissance ne fait que décupler ma colère. Elle s’échappe de mes lèvres en une confession sincère que je ne comptais jamais lui offrir.
_ Tu te sens sale, hurlé-je. Comme si on m’avait violé.
Il se fige.
Un autre souffle me caresse la tempe, faisant voler des mèches de cheveux. Le seul bruit dans la pièce est celui de l’eau de la douche. Ma honte est à nu et gît aux pieds de mon ennemi.
Doucement, il me pose par terre, mais il ne me lâche pas quand mes orteils touchent le sol. Il me tient contre lui, me serre pendant que le chaos en moi se déchaîne, jusqu’à ce que je ne tremble plus et que mon corps se fige.
_ Jacky ! Dit-il d’une voix ressemblant à un grognement. Bordel, je vais les tuer.
_ Arrête de répéter ça, m’exclamé-je avant de m’affaisser. S’il te plaît.
L’agitation en moi a tout ravagé. Il ne reste qu’un paysage désolé et totalement dévasté. Je ne sais pas si je pourrais en supporter davantage. Pas en une journée. Même une vie entière n’y suffirait pas.
Martin est un homme plein de contradictions. Fidèle à sa nature, il exauce un de mes vœux et m’en refuse un autre. Il ne parle plus de tuer quelqu’un. Au lieu de cela, il me déshabille sans me laisser le luxe d’être seule.
Il retire ses vêtements et me porte sous la douche. Il me lave, faisant disparaître le contact de mains étrangères.
L’humiliation.
Il efface mes pensées et les remplace par des sensations physiques, me forçant à me concentrer sur rien d’autre que le plaisir tandis qu’il se glisse en moi sous une cascade d’eau purificatrice. Ses va-et-vient sont tendres.
Mais il empoigne violemment mes cheveux. Son regard est féroce quand il me maintient en place, ses yeux fixés sur mon visage pendant qu’il me fait l’amour.
Ses doigts se referment sur mes poignets comme de l’acier pendant qu’il glisse une main entre mes jambes. Il la laisse là, imposant un rythme en frottant mon clitoris avec mes propres doigts. Je pose la paume de ma main libre sur le tatouage noir de son torse. Son cœur est de la même couleur, et pourtant, il bat fermement sous sa peau chaude. Parfois, quand je touche ce motif, je m’attends à éprouver une sensation différente de froid et de mort.
Quand je jouis, il me lâche le bras et referme une main autour de mon cou pour me plaquer contre le mur tout en m’embrassant. Ses lèvres sont douces et chaudes contre les miennes, humides à cause de l’eau. Son baiser est à la fois tendre et avide, réclamant mon attention. Il gémit en m’embrassant et presse son bas-ventre contre le mien comme il le fait quand il atteint l’orgasme.
Il continue d’aller et venir en moi tout en emmêlant nos langues, les yeux grands ouverts, bien après que les spasmes se sont calmés.
Notre relation sexuelle et l’après sont différents des autres fois. Étrangement, sa gentillesse me submerge. Ce n’est pas une punition qui nécessite que je résiste ou que je barricade mon cœur. Elle me permet de lâcher prise. Dans son sillage, je ressens l’évidence accablante que jamais je ne pourrai connaître d’autres hommes.
Le fait que je l’admette est nouveau. Seulement, ça ne m’avait jamais paru aussi évident.
Je m’appuie contre le mur pour ne pas tomber quand il se retire. Je le laisse me nettoyer entre les jambes. Les sensations d’avant ont disparu, le contact clinique d’étrangers a été effacé par son regard intense et sa passion attentive.
Il coupe l’eau et m’enroule dans une serviette avant d’en nouer une autour de ses reins. Je connais la routine. Il commence par me sécher avant de s’occuper de lui. Nous restons silencieux, absorbés par nos propres pensées, pendant qu’il me sèche les cheveux et les brosse juste après.
De retour dans la chambre, j’apprécie le pyjama confortable et chaud qu’il sort d’un des sacs.
Il y a toujours l’étiquette.
_ Où as-tu eu tout ceci ? demandé-je en faisant un geste vers les vêtements de femmes dans le sac.
Il laisse tomber sa serviette et prend un pantalon de pyjama de l’autre sac.