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𝕬𝖗𝖊𝖐Les vestiaires sont illuminés par une lumière blafarde qui filtre à travers les ampoules poussiéreuses. Une odeur de transpiration et d'abrogations traîne dans l'air, laissant peu de place à l'imaginaire. Je m'assois lourdement sur un banc de bois usé, face à un miroir crasseux. Les reflets distordus des autres artistes affolent mes sens. D'un geste mécanique et résigné, je commence à enfiler mon costume pour le spectacle.
Broen, assis juste en face, noue lentement ses lacets de chaussures, jetant de temps à autre des regards inquiets vers moi. Je tente de paraître calme, mes mains tremblantes trahissent pourtant ma fragilité. Chaque mouvement, chaque geste est un effort conscient pour ignorer les piètres clowns qui surgissent de mon esprit torturé.
- Boucle-la, Broen. Moi aussi, je ne dors plus, mais au moins je rigole encore.
Il rit doucement, un rire rauque qui sonne plus faux qu'une note discordante au piano. Les autres artistes s'affairent autour de nous, plongeant dans leurs routines préparatoires. Le claquement des matériaux contre le sol, le froissement des costumes, tout ça s'imbrique dans cette symphonie cacophonique du derrière des rideaux du cirque.
Mon reflet dans le miroir me renvoie une image douloureuse. Avec mes cheveux coiffés en arrière et mon costume brillant, j'ai l'air d'un personnage échappé d'un film noir, un privé dur à cuire prêt à résoudre un mystère. Mais la vraie énigme est ici, enfouie dans les recoins ténébreux de mon esprit.
Je marmonne pour moi-même, essayant de me donner du courage :
- Allez, Arek. Tu peux leur montrer. Encore un tour dans la boule de la mort et prouver que tu es plus fort que cela.
Je sais que Broen m'observe sans rien dire. Ses yeux sont lourds de sous-entendus, et ça me tape sur les nerfs. J'esquisse un sourire forcé, agrippe mon casque et l'inspecte soigneusement. Chaque détail compte, chaque petite vérification est un geste contre mes démons.
- Tu es sûr que ça ira ? Broen ose enfin lâcher.
J'ignore sa question. Les clowns qui hantent mes pensées dansent désormais en rond, ricanant d'une manière macabre. Je ferme les yeux et m'efforce de me concentrer sur ma respiration, comme mon ami excentrique me l'a appris. J'inspire profondément, comptant jusqu'à quatre avant d'expirer.
- J'y arriverai, Broen. Pas le choix.
Il hoche la tête, bien que son visage trahisse un scepticisme mal dissimulé. Il connaît mes luttes, il sait que mes hallucinations ne sont pas qu'un simple mauvais rêve.
Le vacarme du cirque filtre à travers les murs minces du vestiaire. Les acrobates répètent encore leurs pirouettes, les lionnes rugissent avec une fureur contrôlée, et la musique discordante des hauts-parleurs pénètrent l'air, semblant même amadouer les clowns ricanants dans ma tête.
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L'ÉCHO DU CRÉPUSCULE
عاطفيةDans l'univers captivant et périlleux du cirque, Arek, un cascadeur intrépide à moto, brave la mort à chaque spectacle de voltige. Sous le chapiteau, ses prouesses suscitent admiration et frisson, mais une fois les projecteurs éteints, l'exubérance...