Chapitre 4-1

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— Que se passe-t-il ?

— Qui a crié ?

— Ça va, demandèrent quasi-simultanément trois voix inquiètes.

— Oui, oui ça va...c'était juste une araignée ! Pouah, qu'est-ce-que je déteste ces bestioles, répondit-elle spontanément et le plus naturellement du monde.

Sa voix était calme et posée sans le moindre signe d'essoufflement, malgré les mouvements saccadés de sa cage thoracique qui me démontraient le contraire. Cette fille était une menteuse redoutable, qualité que je ne lui aurais pas prêtée spontanément ! Mais il faut dire qu'avant cette nuit, hormis bonjour et bonsoir, nous ne nous côtoyions pas vraiment. Les petits rires moqueurs ainsi que la reprise progressive des conversations, nous appris que le mensonge avait été efficace et nous nous détendîmes imperceptiblement. Elana s'empressa de sortir de la douche et de s'enrouler à son tour dans sa serviette, avant de me faire face.

— Désolée mais tu m'as fait peur, chuchota-t-elle. Que se passe-t-il ? Qu'est-ce-qu'ils...

— Nous n'avons pas beaucoup de temps, l'interrompis-je. Je ne sais pas exactement ce qu'il se passe...mais il faut que tu sois discrète. Tu n'es sensée avoir aucun souvenir de ce qu'il s'est passé cette nuit et comme tous les bâtiments et même les dortoirs sont truffés de caméras et peut-être même de micros...il fallait absolument que je te prévienne et le seul endroit sûr c'était ici.

— Que...quoi...tu plaisantes, finit-elle par me répondre dans un murmure horrifié.

— Crois-moi j'aimerais bien... mais non !                                       

— Non ce n'est possible...pourquoi feraient-ils...nous avons certainement rêvé, ânonna-t-elle en me dévisageant, essayant vraisemblablement de se convaincre elle-même de ce qu'elle disait.

Trois petits bips l'interrompirent, signifiant qu'il ne restait plus que trois minutes avant que l'eau ne s'arrête.

— Écoute, pour l'instant je n'y comprends rien moi-même...et je n'ai plus le temps de t'en dire plus...mais il fallait que je te prévienne pour les caméras, m'empressais-je de lui dire une main déjà sur la poignée de la porte.

— Mais ces hommes...

— Ils étaient là pour moi pas pour toi, lui lançais-je précipitamment avant de sortir le plus rapidement possible sans avoir le temps de m'expliquer d'avantage, la laissant abasourdie et bouche-bée.

Je m'en voulais un peu de l'abandonner dans un tel état de confusion et aurais bien aimé pouvoir être un peu plus clair, mais je n'avais pas eu assez de temps. Soyons honnête, même si cela avait été le cas  encore aurait-il fallu que j'en sois capable ! Et en l'état actuel des choses...

Je cessais de ruminer et m'empressais de m'habiller. J'étais retournée dans ma cabine juste au moment où le jet d'eau s'interrompait, n'ayant du coup même pas eu le temps de me laver, ne serait-ce que sommairement. Dans le souci du détail, je jetais ma serviette dans le bac encore humide afin qu'elle s'imprègne légèrement d'eau, inutile d'attirer l'attention des autres plus que nécessaire. Le risque était déjà assez grand que mes cheveux non mouillés suscitent toute une flopée de questions, pas la peine d'en rajouter ! Je sortis donc, en prenant bien soin de ne pas croiser le regard d'Elana que je sentais peser sur moi.

— Je ne te savais pas si trouillarde, la taquina gentiment Amber en rigolant.

— Tu l'as écrasée j'espère, demanda une autre en frissonnant. Je n'ai pas envie de la retrouver dans mon lit cette nuit...Beurk ! En plus vu ma chance légendaire elle va me mordre, continua-t-elle sur un ton exagérément horrifié dans le but évident de faire rire son auditoire.

J'aurais bien voulu participer à leur insouciante conversation, bien que l'insouciance, a vrai dire, n'ait jamais été l'un de mes traits de caractère dominant. J'avais toujours été, et ce dès mon plus jeune âge, taciturne et solitaire ne me faisant peu ou pas d'amies et ne recherchant pas vraiment le contact des autres. Comportement limite asocial qui m'avait très rapidement valu l'étrange surnom de Whisper. Étrange car je n'avais aucun problème de voix et savais très bien me faire entendre quand il le fallait, c'est juste que je n'en avais pas envie. Bien que cela m'ait ennuyé au début, j'avais fini par m'y faire et même par l'adopter finalement, je n'étais pas une bavarde et il m'allait plutôt bien...Alors cela n'étonnerait personne si je ne prenais pas part à leur babillage. Ce qui m'étonnait moi en revanche, c'était que pour la première fois je le regrettais presque, ce qui était idiot ! D'une part je ne saurais pas comment faire et d'autre part je n'avais vraiment pas la tête à ça.

C'est donc relativement perplexe et perturbée que je m'approchais d'un des lavabos et constatais, sans surprise, qu'Elana s'arrangeait pour se placer à côté de moi. Je m'empressais donc de commencer à me brosser les dents pour l'encourager à se taire et pour faire bonne mesure, lui jetais un regard d'avertissement par le biais du miroir. Nous n'avions peut-être pas à nous soucier des caméras, mais nous étions dans une pièce entièrement carrelée où les sons portaient et je n'avais pas particulièrement envie que l'on surprenne notre conversation.

— Tout ce que tu dis n'a aucun sens ! Pourquoi nous surveillerait-on, me chuchota-t-elle à l'oreille tout en se penchant pour saisir sa brosse à dent.

De deux choses l'une, soit mon message avait été trop subtil pour elle, soit j'avais surestimé son intelligence, me dis-je tout en la fusillant du regard dans le miroir...ce qui n'eut pas l'air de la décourager me rendis-je compte, en la voyant de nouveau sur le point d'ouvrir la bouche pour me parler.

— Laisse tomber Elana, elle ne te répondra pas, lui dit Amber la coupant dans son élan. Si tu nous expliquais plutôt pourquoi tu es avec nous ce matin, lui demanda-t-elle d'un ton inquisiteur.

Le sujet devait être de la première importance à leurs yeux, car dès qu'elle eut posé la question, toutes les autres conversations cessèrent et Elana devint immédiatement le centre d'intérêt principal de la pièce. Inquiète, je baissais immédiatement la tête tout en retenant ma respiration. Qu'allait-elle bien pouvoir leur répondre ?

— Eh bien, parce que...s'interrompit-t-elle en me regardant discrètement d'un air interrogatif et suspicieux à la foi, qui ne me donna pas beaucoup d'espoir quant à sa réponse. 

— Parce qu'elle s'est occupée de moi lorsque j'ai faillis faire un malaise tout à l'heure et que ça l'a mise en retard, lançais-je rapidement pour désamorcer la situation.

Isolated SystemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant