C'est avec effroi que je sentis instantanément mon cœur me remonter dans la gorge au moment où je commençais à tomber dans le vide. Je tentais instinctivement de me raccrocher à quelque chose en griffant inutilement l'air de mes doigts avec un sentiment d'horreur grandissant...qui heureusement ne dura pas longtemps...et s'acheva lorsque j'atterris brutalement à plat dos sur le sol. Le choc me coupa le souffle pour la deuxième fois de la journée et je parvins encore à retenir ma tête de justesse évitant ainsi qu'elle ne vienne se fracasser sur le béton. Sonnée et groggy, je ne pus que rester là impuissante, mon corps paralysé par le choc refusant de m'obéir.
La trappe se découpait à environ deux mètres de moi et commençait à être auréolée de lueurs orangées ne signifiant rien de bon. Il fallait que je bouge de là avant que des braises enflammées ne me tombent dessus...ou pire. Je n'eus que quelques secondes pour rouler sur le côté et me mettre à genoux, avant que le professeur Lynch n'atterrisse comme un chat, pile à l'endroit où je me trouvais quelques instants plus tôt. Il ne me jeta même pas un regard et se dirigea immédiatement vers le mur du fond, où il ouvrit un boitier qui se confondait avec le mur. Aussitôt des grincements inquiétants se firent entendre, bientôt suivit d'un bruit sourd de pierres frottant sur de la pierre. Tout en me redressant, je levais machinalement la tête pour comprendre d'où venait ce son et c'est avec effarement que je vis une plaque de béton venir s'encastrer dans l'ouverture, la condamnant parfaitement.
J'étais tellement ahurie que je mis du temps à me rendre compte que je me tenais à quelque chose que j'avais instinctivement attrapé pour me relever. Je sentis une saine colère monter en moi lorsque je me rendis compte que c'était les barreaux d'une échelle.
— Non mais vous êtes malade ?! Hurlais-je d'une voix stupéfaite au professeur Lynch.
— Vous êtes entière non ? Alors où est le problème ? Se contenta-t-il de me répondre laconiquement tout en me tournant toujours le dos.
— Le problème ?! Mais j'aurais pu me tuer ! Il y avait une échelle, pourquoi...
— Pas le temps. Avec votre manie de toujours discuter et contester mes ordres, nous y serions encore...et je pense que même vous comprenez que ce n'aurait pas été une bonne idée.
— Vous voyez ! M'interrompit-il en se retournant, alors que j'ouvrais la bouche pour lui exprimer clairement ce que je pensais de ses méthodes pour le moins expéditive.
— Alors, si vous ne voulez plus que je me comporte de la sorte...apprenez à me faire confiance, me dit-il d'une voix aussi dure que ses yeux, qui maintenant ne se trouvaient plus qu'à quelques centimètres des miens. Je crois vous avoir assez prouvé que j'étais de votre côté, acheva-t-il d'un ton aussi menaçant qu'exaspéré avant de se retourner brusquement et de s'engager dans l'étroit couloir de béton qui s'ouvrait derrière lui.
Pour une fois je le suivi sans faire d'histoire. De toute manière c'était ça ou...quoi ? Mais il fallait bien reconnaître que sa petite tirade m'avait piqué au vif. Je me sentais...déconcertée, mais surtout vexée et en colère. Même si je devais bien admettre, qu'au fond, il n'avait pas tout à fait tort, ruminais-je tandis que je m'engageais à sa suite, me demandant où cela allait bien pouvoir nous mener. Le couloir était lisse et rectiligne, d'un gris aussi terne et déprimant que ceux du complexe, à la différence près qu'il semblait abandonné depuis des années. Une fine couche de poussière recouvrait tout, du sol aux épaisses toiles d'araignées tombant du plafond où la plupart des éclairages étaient cassés, ajoutant ainsi à l'atmosphère triste et inquiétante de l'endroit. J'avançais doucement, essayant de marcher dans les traces du professeur, ne voulant pas déplacer plus de poussière qu'il ne l'avait déjà fait. Car le peu qui saturait l'air, me piquait suffisamment les yeux et la gorge comme ça, sans que j'aie besoin d'en rajouter. Mais où étions-nous, me demandais-je lorsque nous eûmes dépassés un deuxième couloir fantomatique s'enfonçant dans les ténèbres.
— Nous sommes dans une ancienne aile du bâtiment, me dit soudain le professeur Lynch comme si il venait de lire dans mes pensées.
À peine les mots avaient-ils quitté ses lèvres, qu'ils se répercutèrent dans les couloirs vides en un écho inquiétant, qui me fit frissonner. Heureusement qu'il avait juste chuchoté... !
— C'est effrayant ici, arrivais-je à murmurer sans créer trop de résonnance.
— Sans doute...mais nous n'avons rien à craindre. C'est totalement vide depuis de nombreuses années, et, sur ce dernier chuchotement explicatif il reprit son cheminement prudent entre les toiles d'araignées.
Ce trajet pénible pour les nerfs et éprouvant pour mes poumons, ne dura heureusement pas très longtemps. Nous parvînmes finalement au bout du couloir, qui se terminait abruptement, sur une grossière porte en bois mal équarri, qui ne cadrait pas du tout avec le reste du décor. Le béton, quant à lui, laissait brusquement la place à de la roche brute, comme si pour une raison obscure, on avait brutalement arrêté les travaux. Le professeur ne fit aucun commentaire et se contenta d'ouvrir la porte d'un geste vif. Trop vif puisqu'il souleva un tourbillon de poussière qui m'arriva droit dessus, me faisant cracher mes poumons. Je m'empressais d'en franchir le seuil, de peur que l'écho ne s'empare de mes crachotements pathétiques...et me sentis tout de suite mieux. L'air humide et frais apaisa presque instantanément mes poumons en feu, me permettant de respirer plus librement.
En revanche la luminosité, qui était déjà très faible, s'approcha dangereusement du néant dès que la porte fut refermée. Gênée par le manque de clarté, je m'arrêtais presque immédiatement de peur de tomber ou de me cogner dans quelque chose. De plus cette obscurité humide était oppressante et finalement me mettait mal à l'aise. Ce qui n'avait pas l'air d'être le cas de Lynch, qui lui semblait se déplacer sans problème particulier...à croire qu'il voyait dans le noir ! Bien évidemment non, il connaissait simplement très bien les lieux, compris-je lorsqu'il sortit un objet long et fin d'un petit renfoncement. Je m'apprêtais à lui demander ce qu'il fabriquait, quand une vive et chaude lumière envahit soudain le couloir...qui en fait n'en était plus un. Nous nous trouvions dans une sorte de grotte grossièrement taillée, d'où partaient plusieurs galeries étayées par des planches. Du moins pour ce que j'en voyais, car la lueur de la torche ne suffisait pas à l'éclairer entièrement.
— Surtout ne me quittez pas d'une semelle. Cet endroit est un vrai labyrinthe, se contenta-t-il de me dire avant de s'engager dans le boyau du milieu sans même, comme à son habitude, vérifier si je le suivais ou non.
VOUS LISEZ
Isolated System
Science Fiction*Vainqueur du concours Award Rentrée 2016 dans la catégorie science-fiction* Hayden fait partie des survivants. Descendante des quelques centaines de chanceux, rescapés du grand cataclysme ayant ravagé la terre, une centaine d'années auparavant...