Chapitre 17-2

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Je n'eus pas besoin de me retourner pour savoir à qui appartenait cette voix agressive et ce pas rageur. Je les aurais reconnus entre mille...et franchement à cet instant, Lynch était la dernière personne que j'avais envie de voir ou d'entendre.

— Merci pour le babysitting Connors. Je vais prendre le relais, dit-il d'une voix autoritaire et condescendante en se plantant devant moi dans un grand bruit de bottes, aussi désagréable qu'inutile.

Connors ferma brièvement les yeux d'un air exaspéré, avant de commencer à se lever en prenant ostensiblement appui de ses deux mains sur la table. En fait, nous nous levâmes en même temps. Mais là où le mouvement de Connors était lent et calculé, surement pour calmer ses nerfs. Le miens au contraire, fut rapide et spontané, tellement j'étais en colère. Je n'avais qu'une envie...lui mettre ma main dans la figure...et c'est ce que j'aurais fait, si Connors ne m'en avait pas empêché à temps en retenant mon bras du sien, in extrémis.

— Nous nous en sortions très bien avant que tu n'arrives. Lui rétorqua Connors d'un ton acide, tout en me gratifiant d'un regard signifiant clairement que m'énerver ne servirait à rien.

Comme si je ne le savais pas ! Lui rétorquais-je avec mes yeux. Mais là, Lynch était allé trop loin, ou j'avais encaissé trop de choses aujourd'hui, ou j'étais crevée, ou vraisemblablement tout ça en même temps ! Toujours est-t-il, qu'il était hors de question que je laisse passer une remarque assassine de plus, quitte à l'envoyer une nouvelle fois valser à travers la pièce. Cette dernière réflexion me fit prendre conscience que je n'avais toujours pas relâché mon bras et que Connors devait à présent utiliser ses deux mains pour me retenir.

— Eh oui...surprise ! Susurra Lynch entre ses dents tout en provocant Connors du regard. Tu comptais peut-être te l'accaparer en lui faisant ton petit numéro de charme habituel...mais comme tu viens de le constater à l'instant, ses talents dépendent de mon domaine de compétence et non du tiens.

— Et depuis quand l'un empêcherait-il l'autre, lui demanda-t-il d'une voix aimable d'où sourdait quand-même une pointe d'hostilité.

— Entre les tests et les entrainements, elle n'aura pas vraiment de temps pour autre chose...

— Eh oh ! Les interpellais-je en faisant volontairement de grands signes avec mes bras. Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, je suis là et bien assez grande pour décider toute seule, il me semble...Et il est hors de question que je vous suive, dis-je à Lynch d'une voix rageuse en me postant devant lui.

— Tu n'auras pas trop le choix de toute façon. C'est moi qui suis responsable de la formation et de l'entraînement des changeants ici.

— Formation, entrainement...Je ne suis pas un soldat, lui rétorquais-je. Je ne veux pas prendre part à votre...guerre ! Je...je ne comprends rien à tout ça, terminais-je en me détournant subitement et en m'éloignant d'un pas rageur.

Je ne savais pas vraiment où aller, mais je ne voulais pas qu'ils puissent lire la détresse sur mon visage, ni entendre les sanglots qui commençaient à s'échapper de ma bouche sans que je ne puisse les contrôler.

— Décidément Gabriel, le tact n'a jamais été ton fort. Elle est bouleversée...laisse-lui un peu le temps de digérer tout ça, lui dit Connors en se précipitant derrière moi.

Il me rejoignit en trois pas et m'arrêta d'une main sur l'épaule. Comprenant sans doute que je cherchais à m'isoler, il n'essaya pas de me parler ou de me forcer à le regarder. Il se contenta de rester là, dans mon dos, à attendre que je me calme. Même si cette petite attention me touchait, j'étais trop perturbée et en colère pour que cela change quoi que ce soit à mon état de nerf actuel. Pour cela, il aurait fallu que je puisse cogner sur quelque chose...ou quelqu'un, me dis-je au moment où la voix de Lynch retentit à nouveau dans la pièce.

— Je ne compte pas faire de vous un soldat, mais seulement vous apprendre à contrôler vos capacités pour éviter...les accidents, termina-t-il sur un ton sarcastique.

Je serrai les poings à m'en faire mal aux doigts, pour tenter d'endiguer la colère qui ne cessait de monter en moi, sans que je parvienne à la réprimer...en vain.

— Vous jouez avec moi depuis le début, explosais-je soudain en me retournant brutalement pour lui faire face.

Intelligemment, Connors recula d'un pas et n'essaya pas de me retenir lorsqu'il me vit me diriger vers Lynch d'un pas décidé. Ce dernier qui, quant à lui, devait avoir laissé son cerveau au vestiaire, resta planté là à me narguer ostensiblement.

— Vous croyez vraiment que maintenant, je vais vous faire confiance aveuglement ?! Continuais-je sans me laisser démonter par son air suffisant. Soit vous êtes plus bête que je ne le pensais, soit vous croyez encore au père Noël !

Je ne sais ce qu'il aurait répondu, car à l'instant où il ouvrait la bouche pour me répondre, un homme que je ne connaissais pas entra, le coupant dans son élan. Il avait un certain âge, mais il se dégageait de lui une aura de calme et d'autorité difficile à décrire.

— Cela fait au moins deux heures que j'attends que vous l'ameniez jusqu'à mon bureau, dit-il à Connors d'une voix accusatrice, tout en me désignant d'un signe de tête dédaigneux. Ma patience à des limites Connors. C'était une tâche trop compliqué pour vous ?

Ce dernier ne répliqua pas, se contentant de soutenir le regard de l'homme sans broncher. Cela m'agaça prodigieusement de le voir accepter la réprimande sans se défendre, alors qu'il n'y était pour rien.

— Ce n'est pas de sa faute...essayais-je d'expliquer à l'homme. Avant qu'il ne me fasse taire d'un simple regard, particulièrement froid et autoritaire.

— Alors comme ça c'est vous. Constata-t-il d'une voix condescendante, en me détaillant d'un air sceptique que je trouvais particulièrement dégradant. Vous, qui avez réussi l'exploit de détourner de leurs devoirs deux de mes meilleurs hommes...étonnant.

— Pardon...lui rétorquais-je interloquée ne voyant pas du tout de quoi il parlait.

Dans ma confusion, je cherchais instinctivement de l'aide vers Connors, l'interrogeant du regard. Il n'avait pas bougé d'un pouce et semblait avoir très envie de répliquer. Néanmoins il ne dit rien et d'un signe de tête, m'incita à faire de même.

— Bon suivez-moi, que nous tirions tout cela au clair, me dit-il en se retournant d'un mouvement vif et en commençant à se diriger vers la porte sans attendre de voir si je le suivais ou non.

— Quand à vous deux, réglez vos différents et rejoignez-nous ensuite, leur intima-t-il d'une voix qui n'appelait pas à la discussion, ce qu'aucun des deux ne tenta d'ailleurs.

Il me fit alors signe de le précéder, tout en m'indiquant la porte d'un geste de la main. Instinctivement, je réinterrogeais Connors du regard, mal à l'aise. Je n'avais aucune envie de suivre cet homme désagréable et intimidant qui me faisait peur. Malheureusement quelque chose me disait que je n'allais pas vraiment avoir le choix. Ce que me confirma très vite le regard impatient et agacé qu'il me lança depuis la porte où il m'attendait déjà en discutant vivement avec Lynch. Je commençais à avancer d'un pas incertain, avant de m'arrêter de nouveau, me demandant pourquoi j'obéissais à cet homme. Le petit sourire d'encouragement rassurant que me lança Connors me calma et apaisa un peu mes angoisses. Je ne le connaissais pas vraiment, mais une raison inconnue me poussait à lui faire confiance. Je me remis donc en mouvement, un petit peu rassurée. Me voyant arriver à sa hauteur, il ouvrit la porte et s'écarta pour me laisser passer, avant de la claquer derrière moi avec fracas, me laissant seule dans le couloir désert.

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