Chapitre 2-2

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*Chapitre réécrit et corrigé*


           

Je m'arrêtai, stoppée dans mon élan, la main à un centimètre de la poignée. Je me tournai machinalement vers le mur pour vérifier que je me trouvais bien dans le bon couloir. Après tout dans ma précipitation je m'étais peut-être trompée ? Non, c'était bien le bon endroit et la bonne porte. Mais depuis quand avions-nous besoin d'un poste de sécurité à l'intérieur du bâtiment ? À l'extérieur, c'était compréhensible, mais à l'intérieur...nous n'étions quand même pas dans une prison ! Quoique, par moment, c'était un peu le sentiment que j'avais.

D'ailleurs maintenant que j'y pensais, comment ces hommes étaient-ils parvenus à entrer sans déclencher l'alarme ? Les portes menant vers l'extérieur étaient fermées pour la nuit et de toute manière, chaque ouverture du bâtiment était munie d'une alarme sensée se déclencher à la moindre tentative d'ouverture, que ce soit de l'extérieur ou de l'intérieur.  C'était soi-disant pour notre sécurité, mais cela m'avait toujours dérangée. Un bruit métallique raisonna dans le silence du couloir, me faisant violemment sursauter. La poignée de la porte commença alors à tourner, signe que quelqu'un s'apprêtait à sortir de la pièce devant laquelle je me trouvais. J'aurais dû être contente et soulagée, mais au lieu de cela je n'éprouvais qu'un besoin urgent et viscéral de fuir d'ici au plus vite.

Sans réfléchir et n'écoutant que mon instinct, je me précipitai vers la seule autre porte du couloir, qui heureusement était ouverte et s'avéra être un débarras. A l'instant où je me glissais par la porte entrouverte, je me rendis compte du ridicule de ma réaction et faillis ressortir de la pièce. Je n'en eus heureusement pas le temps, car à la même seconde la porte s'ouvrit, pile au moment où des bruits de course se mirent à raisonner dans le couloir. Un homme que je ne connaissais pas et ressemblant beaucoup à un militaire, sorti de la pièce un fusil dans les mains.

Je fus tellement soulagée de constater qu'ils s'étaient rendu compte de l'intrusion et avait appelé la garde civile, que je ne m'étonnais même pas du fait qu'il soit seul. J'étais juste heureuse qu'ils agissent. Me traitant mentalement d'idiote pour avoir suivi mes intuitions plutôt que mon bon sens, je m'apprêtais à sortir de ma cachette pour expliquer exactement au garde ce qu'il se passait, quand l'un des deux hommes encapuchonnés tourna brusquement le bout du couloir.

— C'est bon, nous avons récupéré la deuxième fille. Comme elle avait inhalé du gaz, nous l'avons remise dans son lit, de toute façon à son réveil elle ne se rappellera de rien.

L'homme avait une voix grave et bien qu'elle soit assourdie par le masque qui lui couvrait toujours le visage, elle ne me sembla pas totalement inconnue. Pourtant j'eus beau solliciter mon cerveau paniqué, impossible de me souvenir où je l'avais déjà entendue.

— La question est, comment avez-vous fait pour vous faire berner par deux gamines écervelées ! lui assena le garde d'un ton mordant.

— Si vous nous aviez prévenus qu'elle n'était plus dans son lit...commença à rétorquer agressivement l'autre homme en commençant à avancer d'un pas.

— Assez discuté ! le coupa un troisième homme d'un ton abrupte en sortant du bureau.

Il était grand, brun et âgé d'une bonne quarantaine d'années. J'étais tellement choquée par tout ce qui était en train de se passer, que je mis plus de temps que nécessaire à le reconnaitre. C'était Monsieur Wilson, le directeur !

— Quint, l'avez-vous retrouvée ?

— Ils l'on perdue à l'atrium et depuis plus aucune trace d'elle sur les caméras. Elle doit donc, contre toute vraisemblance, se trouver dans cette aile du bâtiment, répondit le garde dénommé Quint.

— Pourquoi serait-elle venue ici ? La seule raison qui aurait pu l'y pousser, aurait été de venir chercher de l'aide, ce qu'à l'évidence, elle n'a pas fait ! répondit sarcastiquement l'homme encapuchonné. Encore une fois j'avais raison, cette fille est spéciale...

— Forcément qu'elle est spéciale ! C'est une de ces saloperies de changeants, l'interrompit le fameux Quint d'un ton agressif et vulgaire.

— Encore plus spéciale que les autres, alors. Le simple fait que l'on n'arrive pas à la retrouver me donne raison.

— Eh bien spéciale ou non, les ordres sont les ordres. Dès que l'amorce du changement a été détectée, nous devons le stopper avant que cela ne devienne irréversible. Dois-je te rappeler même les règles fondamentales ! lui asséna-t-il d'une voix moqueuse et condescendante.  Quoi qu'il en soit, elle ne peut pas sortir de ce bâtiment. Elle n'aura donc pas d'autre choix que de réintégrer son dortoir à un moment ou à un autre, nous n'avons plus qu'à être patients et à attendre qu'elle se montre...

— Et depuis quand est-ce toi qui prend les décisions, Quint ? Aux dernières nouvelles tu n'étais que le chef d'un service de sécurité qui n'est même pas sensé exister. Tu t'es fait greffer un cerveau depuis la dernière fois que je t'ai vu ?

— ça suffit tous les deux ! Intervint le directeur Wilson d'une voix dure et ferme.

Quint, qui s'apprêtait de toute évidence à se jeter sur son adversaire, arrêta son mouvement de mauvaise grâce en lui jetant un regard mauvais, disant sans l'ombre d'un doute, qu'il ne perdait rien pour attendre.

— Le rapport n'a pas encore était envoyé. Nous pouvons donc attendre un peu. J'aimerais voir et étudier sa réaction. De plus nous devons tenir cette autre fille à l'œil. Elle n'était pourtant pas dans la catégorie à risque ?

— Non, pas à notre connaissance, répondit Quint d'un ton pincé. C'est surement juste une coïncidence.

— Oui, probablement...mais surveillez-la de près à partir de maintenant. Bien ! Quint, retournez à votre poste. Quant à nous, allons nous coucher si nous ne voulons pas que nos collègues se posent trop de questions demain matin, dit-il à l'homme toujours dissimulé sous son masque et que je soupçonnais de plus en plus d'être l'un de nos professeurs.

Quint réintégra son bureau de mauvaise grâce en claquant la porte un peu plus fort qu'il n'aurait dû, tandis que les deux autres hommes partaient en silence vers les profondeurs interdites de l'aile nord, là où se trouvait les logements des enseignants, confirmant mes soupçons.

Je lâchai la poignée de la porte, que j'avais serrée convulsivement sans même m'en rendre compte durant toute la durée de l'échange et me laissai glisser le long du mur jusqu'au sol. Je restai là quelques minutes, à fixer sans vraiment les voir, les étagères remplies de seaux, de serpillères et de produits d'entretien en tremblant de tous mes membres. Je crois que j'essayais de toutes mes forces de me convaincre que cela n'était qu'un horrible cauchemar depuis le début. En me concentrant suffisamment j'allais bien finir par me réveiller...il le fallait ! Mais les minutes passaient et j'étais toujours assise dans ce placard froid et sombre à contempler fixement une caisse remplie d'éponges multicolores.

Changeant ? Qu'est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ? C'était la première fois que j'entendais ce terme et en quoi s'appliquait-il à moi ? Je n'étais pas différente des autres. Et différente en quoi ? me demandai-je de plus en plus frustrée en me prenant la tête dans les mains. J'avais l'impression d'avoir le cerveau rempli de marmelade et ma tête me semblait sur le point d'exploser sous la pression. De toute manière, je ne pouvais pas rester indéfiniment planquée dans ce placard, il faudrait bien que j'en sorte à un moment ou à un autre. Je me forçai à me relever sur mes jambes tremblantes, tout en regardant la porte avec appréhension.

Savaient-ils que j'étais là depuis le début ? Me tendaient-ils un piège sciemment ? Ou bien tout cela était-il un simple test pour voir comment j'allais me comporter ? Que ce soit l'un ou l'autre, je n'allais de toute façon pas tarder à le savoir, me dis-je en actionnant la poignée pour rejoindre le couloir.

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