Chapitre 17-1

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— Oui, en effet, me rétorqua-t-il tout en me gratifiant d'un petit sourire. Mais avant tout, je vais vous emmener manger quelque chose de plus consistant qu'une pomme. Suivez-moi, enchaina-t-il en me prenant la main et en m'entrainant derrière lui. Je n'ai pas envie que vous vous évanouissiez une nouvelle fois devant moi.

Je le suivis donc (sur mes jambes cette fois-ci) à travers toute une nouvelle enfilade de couloirs identiques, que je n'essayais même plus de différencier. Au bout d'un trajet assez court, nous arrivâmes dans une grande salle qui, de toute évidence, servait de réfectoire. Mais à la différence de tout ce que j'avais pu voir jusqu'à présent, ici tout semblait propre et ordonné. Tellement normal en fait, que ça en était presque perturbant.

— Asseyez-vous où vous voulez, je reviens tout de suite.

Je ne me fis pas prier pour une fois et m'installais avec reconnaissance, sur le premier banc qui se présentait. Il revint presque aussitôt et posa un plateau devant moi. Ce qu'il y avait dessus était simple, mais rien qu'à voir la tranche de viande froide, le fromage et le pain, je me mis à saliver.

— N'attendez pas, allez-y ! Me dit-il avec un petit sourire, en voyant mon air affamé.

Je n'attendis pas qu'il s'assoit pour commencer mon festin. Cela ne me ressemblait pas d'oublier  mes bonnes manières, mais il n'avait pas l'air d'être du genre à s'en offusquer de toute façon. Une fois l'estomac plein, ce qui ne me pris pas longtemps, je pris le temps de savourer un grand verre d'eau et passais à l'attaque avant qu'il n'ait le temps de se défiler.

— Où sommes-nous ?

S'il fût surpris par mon ton ou par ma brusque prise de parole, il ne le montra pas. Au lieu de changer de sujet, comme je pensais qu'il le ferait, il me sourit et joignant ses mains devant lui, planta son regard dans le mien.

— Au quartier général des opposants...ou plutôt des rebelles, puisque c'est comme cela qu'ils nous appellent désormais. Me répondit-il d'une voix posée, guettant ma réaction.

— Des rebelles ?! Ne pus-je m'empêcher de m'exclamer. Mais...je croyais que ce n'était qu'un conflit politique ? Comment cela a-t-il pu dégénérer si vite ?

— Ca, c'est ce qu'ils ont voulu vous faire croire. À partir du moment où l'idée d'aller de l'autre côté a été émise, la répression a commencé. Ils ont ordonné aux gardes de traquer et d'arrêter tous ceux qui, de près ou de loin, étaient favorable à cette idée. Allant même jusqu'à les autoriser à tuer si nécessaire...

— Quoi ?! Tu plaisantes. L'interrompis-je en le tutoyant, tellement j'étais effarée par ce que je venais d'entendre.

— Oh non, j'aimerais bien, me dit-il en me fixant d'un regard grave. Mais c'est malheureusement la triste vérité. Quand j'ai refusé d'obéir à leurs ordres, ils...

— Tu faisais partie de la garde ?!

— Oui. Bon, si tu veux que je termine, arrêtes de m'interrompre, me dit-il d'un ton sec mais heureusement tempéré par un petit sourire, qui m'empêcha de grimper aux rideaux.

— Quand j'ai refusé d'obéir, ils m'ont accusé d'être un traitre et m'ont condamné à mort. J'ai préféré leur donner raison plutôt que de mourir bêtement...et je n'ai pas une seule fois regretter ma décision depuis.

— Alors vous vous terrez là pour...pour quoi au juste ? Trouver un moyen de passer l'enceinte ? Et quel est le rapport avec moi, avec...

— Attends. Laisse-moi finir et tu comprendras. Lorsque nous avons fini par arriver dans ces tunnels désaffectés, nous nous sommes rendu compte qu'ils n'étaient pas si abandonnés que nous le croyions et surtout que nous n'étions pas les seuls à être traqués. Les « changeants » qui avaient réussi à échapper à l'épuration, c'étaient regroupé là et survivaient tant bien que mal. Nous avons décidé d'unir nos forces et depuis nous nous organisons et nous entrainons afin de renverser les dirigeants en place.

— Si tout est aussi bien organisé que votre infirmerie, vous êtes mal barré ! Commentais-je spontanément et sans réfléchir. Oh, désol...commençais-je à m'excuser à l'instant où je me rendis compte que ma bouche était allée plus vite que mon cerveau.

— Non, ne t'excuse pas. De toute manière tu as raison, me répondit-il en rigolant doucement. Henry n'était que la solution de secours. Vu son caractère, on comprend mieux pourquoi il préférait travailler avec les animaux...

— Tu veux dire que c'était un vétérinaire...et vous l'avez laissé réduire ma fracture !

— Tu aurais préféré que ce soit moi...ou Connie, me rétorqua-t-il avec un petit sourire sardonique sur les lèvres. À sa décharge, jusqu'à présent il n'y avait eu à s'occuper que de petits bobos...

— Ce qui est déjà un petit miracle en soi, ne pus-je m'empêcher de maugréer dans ma barbe. Mais rien n'est rangé, rien n'est stérile...il vous manque plein de matériel...commençais-je  avant de m'arrêter subitement devant l'inutilité de mes paroles.

Le silence tomba subitement et c'est là que je pris vraiment conscience de l'énormité de ce que je venais d'entendre. D'après ce que disait Connors nous étions au bord de la guerre civile, si nous ni étions pas déjà...Mais qu'allions nous tous devenir, si l'équilibre précaire de la cité volait en éclat ? Nous ne savions pas si c'était vivable de l'autre côté...et si ça ne l'était pas ? Mon dieu, me dis-je en mettant ma tête dans mes mains.

— Si tu veux la place, Henry sera très heureux de te la céder...il ne demande que ça, me dit soudain Connors sur le ton de la plaisanterie, sans doute pour me remonter le moral.

Sa voix était douce et emprunte de gentillesse mais ne réussit pas l'exploit de me sortir de mon marasme. Voyant que ça ne fonctionnait pas, il me força en douceur à relever la tête et planta une nouvelle fois son regard dans le mien.

— Ça va aller, tu verras. Je sais que ça fait beaucoup de choses à digérer d'un seul coup, mais tu t'y feras...

— De toute manière, elle n'a pas le choix. Le coupa abruptement un homme en entrant bruyamment dans la salle, nous faisant tout deux sursauter.

Isolated SystemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant