Chapitre 27-2

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  Heureusement pour moi et surtout pour Connie, vu sa tête, ce n'était qu'un étourdissement dû à la perte de sang et je repris mes esprits au bout de quelques secondes.

— Ne paniques pas, lui dis-je d'une voix faible mais ferme. Tu vas remettre le bandage en place et bien serrer...

— Mais...le sang ne s'arrête pas et...

— Il s'arrêtera dès que tu auras fait ce que je t'ai dit...dépêches-toi, on a besoin de ces fournitures, terminais-je dans un cri étouffé au moment où elle appliquait le tissus sur ma plaie.

Une fois qu'elle eut terminé, après s'être excusée au moins cent fois, elle m'aida à me relever et nous nous apprêtâmes à partir. C'était pourtant moi la plus mal en point de nous deux, mais c'était elle qui tremblait le plus. À tel point que je me demandais même s'il était judicieux de l'emmener avec moi. Mais à qui d'autre pourrais-je demander, me dis-je en jetant un coup d'œil alentours...je ne connaissais personne.

— Connie, tentais-je quand même après un dernier coup d'œil à son allure générale, ce serait peut-être mieux que tu restes ici pour t'occuper des blessés. Ils te connaissent bien et seront moins inquiet si tu restes avec eux.

Je vis un éclair de soulagement traverser son regard, avant que le doute, puis la détermination résignée ne viennent le remplacer.

— Non...tu ne peux pas y aller seule...je t'accompagne.

— Tu n'y es pas obligée, tentais-je une dernière fois de la convaincre pour son bien.

— Si, me répondit-elle dans un cri angoissé, des larmes plein les yeux. Oui j'ai peur, je suis même morte de trouille, mais...tu as besoin de moi. Tu ne feras pas dix pas toute seule, sans compter que l'on ne sait pas ce qui nous attend derrière ces portes, et...je veux retrouver Yaëlle. La dernière fois que je l'ai vu, elle était encore à l'infirmerie avec son frère, alors...

Elle ne termina pas sa phrase, mais c'était inutile. Nous n'avions aucune idée de ce qui avait pu se passer dans le reste du complexe, mais le fait que personne n'ait franchi les portes jusqu'à présent, n'était vraiment pas bon signe. C'est donc avec un sentiment d'urgence et énormément d'appréhension que nous nous mîmes en marche.

— Attendez ! Nous interpella quelqu'un, au moment où Connie s'apprêtait à pousser le battant rafistolé. Je viens avec vous, nous dit un jeune homme essoufflé en s'arrêtant devant nous dans un dérapage à peine contrôlé.

Je mis un peu de temps à le reconnaître, du fait de la saleté et de la poussière qui le recouvrait (comme nous tous d'ailleurs), mais là de plus près, ses traits me paraissaient familier. C'était le jeune homme qui avait transporté le frère blessé de Yaëlle à l'infirmerie, le jour de mon arrivée. Ce qu'il me confirma à la seconde où il ouvrit la bouche.

— Je viens avec vous, enfin...si vous êtes d'accord ? Je m'appelle Oliver, mais tout le monde m'appelle O', enfin m'appelais...se reprit-il difficilement, une ombre semblant voiler son regard juvénile, à présent éteint. Tenez, vous aurez besoin de ça, nous dit-il en nous tendant des fusils.

Connie eut un mouvement de recul instinctif, devant l'arme pleine de sang, qu'O' lui tendait. N'ayant vraiment plus le loisir, ni le temps de faire les difficiles, je m'en saisis et l'essuyais sommairement sur mon pantalon déjà irrécupérable depuis longtemps. Cette dernière me lança un regard surpris, voir même un peu déçu, devant mon apparente absence de réaction. Pendant un instant, je fus tentée de lui expliquer que cela me touchait autant qu'elle, voir peut-être même plus. Car je m'en voulais terriblement d'avoir dû abandonner les autres dans la zone d'entrainement, de n'avoir pas réussi à sauver Sean, que tant de gens soient mort, que...stop ! Je ne pouvais pas me laisser aller...pas maintenant. Sinon je m'effondrerai, là par terre, au milieu des gravats et ne serait plus d'aucune utilité pour personne. Alors au lieu de ça, je me saisis vivement du deuxième fusil et le collais, sans aucune douceur, dans les mains d'une Connie choquée.

— Ce n'est pas le moment d'avoir des doutes, Connie ! On ne peut pas se le permettre, on n'en a pas le temps. Alors prends ce fusil...ou reste là, lui dis-je d'une voix dure, mais qui je l'espérais, serait salutaire à son âme.

Elle hésita quelques secondes, puis semblant enfin comprendre mon point de vu, à défaut de me comprendre moi, prit l'arme dans ses mains d'un geste gauche.

— Comment on s'en sert, demandais-je à O' ? N'étant pas beaucoup plus à l'aise que Connie avec le maniement des armes.

— C'est tout simple, nous répondit celui-ci avec un petit sourire triste. Vous enlevez la sécurité là, nous montra-t-il en désenclenchant un bouton sur la partie droite du fusil. Ensuite, vous visez et vous tirez. Faites juste attention au recul la première fois, ça peut surprendre.

— D'accord, merci, lui répondis-je en m'essayant à lui sourire en retour, mais sans trop de succès. Espérons surtout que nous n'aurons pas à nous en servir.

Le regard sceptique et résigné qu'il me renvoya, valait tous les discours. Je n'épiloguais donc pas et poussais la porte, une peur sourde me nouant les entrailles.

— Attends, je préfère passer devant, me dit O'. Je ne le suis peut-être pas depuis longtemps, mais je suis un soldat, alors...il vaut mieux que ce soit moi qui passe en première ligne !

— Dis, l'arrêtais-je en lui posant une main sur l'épaule. Quand nous serons revenu, tu pourras aller jeter un coup d'œil dans la zone d'entraînement, ils...je...

Je me tus, n'arrivant pas à continuer ma phrase tellement je m'en voulais d'avoir abandonné les recherches. Surtout maintenant que je savais que c'était pour rien, Sean étant sûrement mort bien avant que je n'arrive. Même si au fond de moi, je savais avoir pris la bonne décision, je ne pouvais m'empêcher de culpabiliser.

— Saul et Peter sont partis les chercher dès qu'ils ont été rafistolés, me dit-il avec un petit sourire rassurant. Je suis sûr qu'ils vont les retrouver.

Puis sans ajouter un mot de plus, comprenant sans doute que j'étais bouleversée, il poussa enfin la porte et sorti dans le couloir. C'est donc un petit plus légère que je le suivi, Connie sur mes talons.

À première vue, le couloir semblait intact, aucune bombe ne semblant avoir éclaté dans cette partie du complexe. Ce qui nous aurait dû nous rassurer, bien que curieusement ce ne soit pas le cas. O' semblait sur ses gardes, nous demandant par geste de nous arrêter à chaque tournant pour partir en éclaireur. Au bout d'un moment néanmoins il sembla se détendre et nous pûmes enfin avancer plus vite. Nous arrivions enfin en vue du couloir où se trouvait l'infirmerie, quand des rafales de coups de feu se mirent soudain à retentir tout autour de nous. Désorienté par les échos se répercutant dans les couloirs labyrinthiques, nous n'arrivions pas à déterminer exactement l'endroit d'où ils venaient, ne sachant donc pas de quel côté fuir.

— On ne peut pas rester là, me chuchota O' à l'oreille. Il faut qu'on bouge.

— Allons à l'infirmerie. Nous y serons à l'abri, lui répondis-je sur le même mode, n'ayant que cette solution-là à proposer.

Cela eut l'air de lui convenir, car il nous fit signe de nous mettre à courir dans cette direction. Les coups de feu et les cris redoublèrent dès que nous eûmes passé le croisement. Une fois relativement à l'abri dans le couloir menant à l'infirmerie, nous vîmes débouler deux hommes, en soutenant un troisième entre eux, se précipiter vers nous aussi vite qu'ils le pouvaient.

— Vite, réfugiez-vous à l'intérieur, ils arrivent !

Je fis immédiatement volte-face et courus jusqu'à la porte que j'ouvris en grand pour laisser passer tout le monde. Au moment où j'allais la refermer, je vis un objet noir et rond, passer par l'entrebâillement encore présent entre le battant et le chambranle.

— Tout le monde à terre ! Entendis-je Connors hurler alors que je le reconnaissais enfin, tandis qu'il se jetait sur moi, pour me protéger de la nouvelle explosion qui déchirait l'air.

Isolated SystemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant