Chapitre 16-2

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— Vite aidez-nous. Il est tombé...à l'entrainement, sanglota la fille tandis qu'elle et son compagnon, déposaient le plus délicatement possible leur camarade sur le sol.

À ma grande surprise Connors fut le seul à se précipiter vers le blessé. Quant au pseudo-doc, il était debout devant l'évier, un torchon crasseux entre les mains, ne se sentant visiblement pas concerné par la situation. Non mais il servait à quoi à la fin ? Agacée et un peu révoltée par son comportement, je m'apprêtais à aller voir de quoi il retournait, quand je me rendis compte avec stupeur que la pièce était quasiment vide. Justin semblait calmé et se reposait sur un matelas posé à même le sol, veillé par Connie, mais tous les autres avaient disparu. Où étaient-ils donc passés ? Je ne m'étais pourtant pas évanouie, me demandais-je en essayant de rassembler mes souvenirs...peut-être que si finalement, me dis-je en constatant l'inefficacité de mes efforts.

Bon il fallait que je me secoue. Ce n'était pas en restant là, prostrée sur ce brancard branlant, que les choses allaient avancer. Je descendis donc prudemment de mon perchoir, bien décidé à interroger Connors, Connie ou n'importe qui, jusqu'à enfin obtenir des réponses. Alors que je m'apprêtais à lui taper sur l'épaule pour qu'il se retourne, je remarquais ce qui aurait sans doute déjà dû me sauter aux yeux depuis plusieurs secondes...son immobilité. Il restait là, comme figé, à contempler le blessé sans prononcer le moindre mot. Connie, qui venait de quitter le chevet de Justin, sans doute pour tenter d'apporter son aide, stoppa net en parvenant à sa hauteur.

— Connors ?!

L'urgence que je sentais poindre dans sa voix tremblante, ne me disait rien de bon pour le pauvre jeune homme gisant sur le sol. Plutôt que de me perdre en conjectures, je me décidais à les contourner pour constater par moi-même ce qu'il en était...et faillis rendre ma maigre collation. Ayant travaillée à l'infirmerie, j'avais déjà vu du sang et cela ne me dérangeait pas d'ordinaire. Mais là il y en avait vraiment beaucoup, en fait il baignait dedans. Il présentait au moins trois blessures perforantes, toutes du côté droit, deux à la cuisse et une à l'abdomen. Cette dernière semblait profonde et saignait abondamment. Le visage du blessé était d'une pâleur de craie, signifiant que si nous ne faisions rien pour lui dans les minutes qui suivaient, après il serait trop tard. Mon examen n'avait pas dû durer plus de quelques secondes, mais le doc était toujours planté là sans bouger à s'essuyer les mains. Mais qu'est-ce qu'il attendait à la fin ?!

— Vous allez vous bouger oui ou non ?! L'invectivais-je, excédée par son comportement.

Il ne me répondit pas. Se contentant de me lancer un regard blasé, tandis qu'il s'avançait vers le blessé presque à contrecœur.

— Vous...vous allez pouvoir l'aider, hein ? Lui demanda la jeune fille dans un sanglot, les joues striées de larmes.

— On l'installe sur le brancard ? Lui demanda presque simultanément Connors.

— Désolé, j'peux rien faire pour lui. Lâcha-t-il d'une voix indifférente, après l'avoir regardé à peine cinq secondes.

— Examinez-le au moins ! Ne pus-je m'empêcher d'intervenir. Comment pouvez-vous...

— Pas besoin d'être un grand médecin pour se rendre compte qu'il est fichu, me rétorqua-t-il en me lançant un regard mauvais.

— Alors, vous allez le laisser se vider de son sang devant vous sans rien faire ! M'exclamais-je, au milieu des lamentations que son commentaire venait de provoquer.

— Je connais mes limites.

— Vos limites...m'écriais-je d'une voix inarticulée, tellement j'étais révoltée.

Je n'avais qu'une envie, me jeter sur lui et le secouer pour qu'il tente quelque chose. Qu'il essai au moins. Puis je me rendis compte que cela ne servirait à rien, à part perdre encore un temps précieux.

— Très bien...et bien moi je ne vais pas rester là sans rien faire, m'emportais-je tandis que je retournais vers le brancard pour en arracher le matelas. Vous, interpelais-je la jeune fille prostrée, faites pression sur la plaie le plus fort que vous pouvez. Connie, trouve un drap propre et fais bouillir de l'eau. Vous avez un scalpel au moins ?

— Oui...oui...on a ça, me répondit-elle une fois sa surprise passée.

— Une aiguille à suture et du fils ? Demandais-je, pleine d'espoir mais sans trop y croire.

— Peut-être, mais nous n'avons jamais eu à nous en servir, alors...

— Tant pis, trouvez-moi une aiguille, la plus fine possible.

Pendant que tout le monde s'affairait à faire ce que je venais de demander, je m'arrêtais quelques secondes de m'agiter. Qu'étais-je en train de faire ? Pouvais-je vraiment aider ce jeune homme, ou au contraire allais-je le condamner à une mort certaine ? De toute manière si je ne faisais rien il était mort, alors autant tenter le coup.

— Vous avez des gants, demandais-je soudain en fixant mes mains nues.

— Surement là-dedans, me répondit Connie en me désignant le bric à brac gisant pêle-mêle sur l'étagère rouillée, d'un signe de tête assorti d'un petit sourire contrit.

Je soupirais et secouais la tête. Tout le matériel se trouvant sur cette étagère et n'étant pas stérilisable ne me servirait à rien. C'était même bon pour la poubelle. Je me dirigeais vers le seul point d'eau de la pièce et entrepris de me laver les mains le plus consciencieusement possible. Me rendant compte assez rapidement que mes doigts immobilisés me gênerait, j'essayais d'enlever le sparadrap d'une main tremblante.

— Vous êtes sûr de ce que vous faites ? Me demanda Connors d'une voix à la fois inquiète et admirative tout en couvrant ma main de la sienne pour m'empêcher de continuer.

— Je n'ai pas le choix, il faut que je puisse me laver les mains complètement...pour éviter les infections, lui répondis-je d'une voix tremblotante en le repoussant.

J'avais beau apprécier sa sollicitude, elle me faisait hésiter...et ce n'était vraiment pas le bon moment pour ça. Si je réfléchissais trop à ce que j'étais en train de faire, ma raison et la douleur me rattraperaient et m'en empêcheraient à coup sûr. Il fallait donc que je reste dans l'action et concentrée sur mon objectif...et surtout que j'évite de trop réfléchir ! Je recommençais donc à m'acharner sur ce foutu scotch d'une main qui tremblait de plus en plus.

— Dans ce cas laissez-moi faire ou vous allez aggraver vos blessures, me dit-il avec un soupçon d'agacement dans la voix.

Ces gestes avaient beau être doux et précautionneux, cela ne m'empêcha pas d'avoir mal, dès qu'il eut le malheur d'effleurer ma main. Au bout de quelques secondes, je fus enfin libérée et me dépêchais de rejoindre mon patient.

— Rassurez-moi, vous avez au moins du désinfectant, demandais-je pleine d'espoir tout en m'attendant au pire.

— De l'alcool, ça fera l'affaire ? Me demanda Connie en me tendant une bouteille contenant un liquide clair d'un air gêné.

— Il faudra bien, répondis-je en en versant sur mes instruments, avant de me mettre au travail d'une main mal assuré.

Heureusement pour moi (et surtout pour lui), aucun vaisseau principal, ni aucun organe n'avaient été touché, si bien que je n'eus qu'à suturer les plaies du mieux que je pus. Il garderait des cicatrices mais c'était toujours mieux qu'être mort, me dis-je en me lavant une nouvelle fois les mains, une fois ma tâche terminée.

— Laissez-moi deviner, vous étiez destinée au domaine médical, me demanda Connors en arrivant silencieusement derrière moi comme à son habitude et me faisant sursauter.

— Ça je ne le saurais sans doute jamais, puisque j'ai été obligé de fuir pour...pour où et pour quoi je ne le sais toujours pas d'ailleurs, lâchais-je d'une voix lasse. Donc maintenant j'aimerais des réponses et si possible pas dans dix ans ! Je crois que vous me devez bien ça.

Isolated SystemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant