Chapitre 11-2

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Pendant quelques secondes j'eus l'envie puérile de ne pas le faire. Puis faute d'un autre choix, lui emboîtais le pas en fulminant intérieurement. Plus nous avancions, plus ma rancœur et ma colère montaient. Les derniers évènements passaient en boucle dans ma tête, ne me laissant aucun répit. Après tout j'avais raison de me méfier, tout était arrivé si vite que je n'avais pas vraiment eu le temps de réfléchir. Il n'arrêtait de me répéter de ne pas me comporter comme un mouton, mais finalement c'est exactement ce qu'il me demandait de faire.

Je ralentis un instant l'allure bien décidée à lui dire ses quatre vérités, quand ses réprimandes, encore bien vivaces dans mon esprit, me firent hésiter. Ce n'était pas le meilleur moment pour l'énerver. Si jamais il mettait sa menace à exécution et me laissait me débrouiller seule, jamais je ne retrouverais mon chemin dans ce dédale. Je décidais donc d'être raisonnable et d'attendre d'être relativement en sécurité pour remettre la question sur le tapis.

— Hayden, arrêtez de lambiner. M'invectiva-t-il subitement en constatant que je m'étais arrêtée à l'entrée de la dernière galerie.

— Où allons-nous ? Lui demandais-je sur un ton de défi, envoyant valser toute mes bonnes résolutions sur un coup de tête. Non mais il se prenait pour qui ?!

— Avancez et vous le saurez.

— Non. Après tout je n'ai vraiment aucune raison de vous faire confiance...

— Ah non vous n'allez pas recommencer, m'interrompit-il en revenant vers moi d'un air menaçant. Je croyais avoir été...

— Et pourquoi pas ? L'interrompis-je à mon tour, sur le même ton excédé et agressif que lui, tout en le regardant droit dans les yeux. C'est quand même à cause de vous que j'en suis là, continuais-je avec de plus en plus de véhémence. C'est vous qui êtes venu dans mon dortoir pour m'enlever. Et maintenant vous me dites que vous êtes de mon côté ! Mais qu'est-ce qui me prouve que c'est vrai ?

— Le fait que j'ai incendié mon bureau et griller ma couverture pour vous peut-être ?! Me répondit-il d'un ton sardonique, tout en m'empoignant les deux bras juste au-dessus des coudes et en me plaquant contre la paroi.

— Non mais vous êtes vraiment sotte ou quoi ?! M'assena-t-il durement, tout en ponctuant chacun de ses mots d'une petite secousse. Je ne sais plus quoi faire pour que vous compreniez...

— M'expliquer peut-être...lui dis-je d'une petite voix fluette, à présent que la peur et la fatigue prenait le pas sur ma colère.

Je sentais même les larmes commencer à faire briller mes yeux. Mais je ne les baissaient pas pour autant et continuais à fixer les siens avec obstination. Essayant de faire passer toute ma détresse et mes interrogations dans mon regard, ce qui n'était pas rien. Cela marcherait peut-être mieux que des mots, qui n'arriveraient de toute manière pas à sortir de ma bouche dans mon état de stress actuel. Il fallait que je sache...j'en avais besoin. Tous mes repères, tous ce que je connaissais venaient de voler en éclat et j'étais perdue et effrayée. J'avais besoin de réponses, d'explications...n'importe quoi à quoi je puisse me raccrocher pour enfin cesser d'avoir peur.

— Je sais que vous devez être perdue et effrayée, me dit-il d'une voix un peu plus douce comme si il venait juste de lire dans mes pensées. Mais il y a tellement de chose à savoir avant...si je vous expliquais maintenant...je ne ferais que vous embrouiller d'avantage...dit-il dans un soupir las.

— Ça, ça me paraît difficile...

— Écoutez, nous sommes presque arrivés. Une fois là-bas je ne me défilerais plus, ça vous va ? Me demanda-t-il en me lâchant enfin les bras.

Je ne lui répondis pas et me contentais de lui faire un signe de tête, dès que je me fus éloignée de lui. Il me regarda pendant quelques instants, d'un air un peu coupable me sembla-t-il, puis après m'en avoir fait un bref en retour, fit volt face et repris son chemin d'un pas vif et énergique. Dans les premiers temps je le suivis comme une automate, passablement secoué par ce qui venait de se passer. Puis au fur et à mesure que les galeries se succédaient, la fatigue finit par se faire de plus en plus présente. À tel point que lorsque nous nous engageâmes dans un énième boyau qui se mettait à monter en pente raide, j'étais tellement épuisée que je trébuchais et me retrouvais à genoux dans la poussière.

— Allez...un dernier petit effort, me dit gentiment le professeur Lynch tout en me tendant la main pour m'aider à me relever.

— Laissez-moi deviner...Ce n'est plus très loin c'est ça ? Me moquais-je, tout en acceptant son aide.

Il se contenta de me faire un demi-sourire, puis m'entraina derrière lui sans me lâcher la main. Heureusement cette fois il disait vrai, et nous ne marchâmes que quelques minutes avant que le sol ne se mette à descendre en pente douce et que nous nous arrêtâmes enfin.

Nous nous trouvions dans une sorte de petite caverne naturelle. L'air y était plus frais et plus pur, il semblait également y faire moins sombre, à moins que ce ne sois un effet de mon imagination. Lynch s'avança de quelques pas, me faisant signe de rester où j'étais. Il marcha jusqu'à une stalagmite qui se dressait au centre de la caverne comme une sorte de pilier et où était suspendu un sac en toile. Il le prit, regarda à l'intérieur et resta là sans bouger. Ne sachant pas ce que nous attendions là, plantés au milieu de nulle part, je m'approchais d'une des parois et me laissais glisser le long de celle-ci. Une fois assise par terre, je m'autorisais un petit soupir de soulagement et attendis silencieusement la suite des évènements. Je n'avais même plus la force de poser des questions, c'était dire mon état d'épuisement ! Il resta là debout encore quelques seconde, avant de revenir vers moi d'un pas mesuré, le regard braqué sur le sol semblant perdu dans ses pensées.

— Hayden...commença-t-il en pesant bien ses mots d'une voix calme qui, à mon avis, n'augurait rien de bon. Nous y sommes presque, mais avant de repartir il va falloir que vous acceptiez de mettre ça, me sortit-il enfin d'une voix un peu gênée tout en me tendant un bout de tissus informe qu'il venait de sortir du sac.

Formidable, de mieux en mieux, me dis-je toute en me relevant péniblement et en le foudroyant du regard. Je le vis se raidir imperceptiblement, attendant l'explosion qu'il devinait imminente...et il avait raison, j'étais folle de rage ! Mais j'en avais surtout marre de tout ce petit jeu, sans compter que me rebeller maintenant ne me servirait à rien. Je lui pris donc le tissus (que je savais être une cagoule) des mains d'un geste brusque et tout en le défiant du regard...la mis sur ma tête.


Isolated SystemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant