Chapitre 6-2

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— Tu ne m'as pas répondu...

Encore Elana qui revenait à la charge. Mais ma parole, elle ne lâchait jamais rien celle-là.

— Tu n'as jamais pensé à être journaliste un jour, lui sortis-je sans réfléchir d'un ton las et sarcastique.

— Quoi ?! Ne change pas de sujet. Je me suis mouillée pour toi aujourd'hui, la moindre des choses serait que tu me dises la vérité...

— La vérité ! Mais je n'arrête pas d'essayer de te la dire la vérité, m'écriais-je excédée. Le problème est que tu n'as pas l'air de vouloir l'entendre.

— Mais c'est parce qu'elle ne rime à rien, me cria-t-elle à son tour. Et puis, pourquoi nous espionneraient-ils ? Cela n'aurait vraiment aucun sens...

— Et pourquoi pas après tout ?! Il parait que c'est de plus en plus difficile et houleux en ville ces derniers temps, commençais-je à réfléchir à voix haute. Peut-être que c'est une nouvelle manière de nous évaluer...

À la voir me fixer de son regard perdu et interrogateur tout en secouant la tête, je me rendis compte que son monde aussi était en train de partir en éclat. Le déni était le seul moyen de défense que son cerveau avait trouvé pour la protéger de la réalité. Elle était aussi perdue que moi au final et avec encore moins d'information. Mais pouvais-je me permettre de tout lui dire ? Vu sa réaction première j'avais d'emblée écarté cette possibilité de peur qu'elle ne me dénonce au directeur... mais à présent qu'est-ce que j'avais à craindre ?! Puisque à en croire l'énigmatique professeur Lynch, ils étaient déjà au courant...à moins que ce ne soit une ruse de sa part. Oh et puis zut à la fin ! Cela faisait des heures que je me triturai le cerveau sans que cela ne mène à rien, j'étais dans une impasse. Avoir un avis extérieur m'aiderait peut-être à y voir plus clair ? Même si c'était celui d'Elana. De toute façon je n'avais plus vraiment d'autres options, me dis-je en redressant mes épaules et en m'approchant d'elle de quelques pas.

— Cela n'a pas plus de sens pour moi, repris-je subitement la faisant sursauter. Cette nuit pendant que je cherchais de l'aide, j'ai surpris une conversation que je n'aurais pas dû entendre. Si tu veux tout savoir, je vais te le dire...mais avant je voudrais que tu me promettes de m'écouter jusqu'au bout et de ne pas partir en hurlant en me traitant de folle, terminais-je d'un ton plus léger pour essayer de détendre l'atmosphère.

Elle ne me répondit pas tout de suite et au bout d'une poignée de secondes se contenta de me faire un bref signe de tête en guise d'assentiment. Je m'assis par terre, essayant de trouver un endroit confortable entre les brindilles et les cailloux, et lui fit signe de me rejoindre. Nous serions plus discrètes dissimulées ainsi par les fougères, sans compter que nos voix porteraient moins. Une fois qu'elle se fut installée en face de moi, nos visages à quelques centimètres l'un de l'autre, je lui racontais toute l'histoire...enfin le peu que je savais au final. Au fur et à mesure de mon récit, je voyais la surprise et l'incrédulité se refléter de plus en plus dans ses yeux écarquillés. Même si à l'évidence elle mourrait d'envie de m'interrompre, elle n'en fit rien et me laissa terminer sans émettre le moindre son. M'attendant à un déluge de questions dès mon dernier mot prononcé, je fus surprise lorsque qu'un silence lourd et pesant s'installa.

— Alors tu es toujours là, lui dis-je sarcastiquement pour la faire réagir.

Son attitude et sa posture de statue commençaient à me taper sur les nerfs. Avais-je vraiment bien fait de tout lui raconter ? Je commençais sérieusement à me poser la question, lorsqu'elle se leva comme un ressort et se mit à faire les cents pas devant moi, semblant réfléchir intensément. Au bout d'au moins une minute de ce manège, elle cessa enfin de s'agiter.

— Alors tu ferais partie de ces...changeantes, me dit-elle du ton intensément concentré qu'elle prenait d'ordinaire lorsqu'elle se trouvait face à un problème ardu.

— Comment veux-tu que...

Je m'interrompis subitement. J'étais tellement sûre qu'elle réagirait comme les autres fois et courrait immédiatement prévenir quelqu'un que je m'étais instinctivement défendue, sans vraiment comprendre sa question.

— Tu me crois alors, lui demandais-je incrédule.

— Après ce que je viens de te voir faire...difficile de faire autrement, me répondit-elle d'une voix sèche. Bien que, crois-moi, je n'en ai pas du tout envie. La question est...qu'est-ce que tu vas faire maintenant ?

— Pourquoi crois-tu que je m'étais isolée ici à ton avis ? Pour méditer ! Répondis-je avec humeur.

— Spontanément j'aurais dit pour fuir les autres...C'est que tu n'es pas très sociable comme fille, me répondit-elle sur le même ton.

— Bon si nous cessions de nous envoyer des vannes et nous nous concentrions sur le problème en cours, dit Elana énergiquement.

— Parce que tu veux m'aider maintenant ?!

— Écoute...je savais bien qu'il s'était passé quelque chose cette nuit, mais quand tu as commencé à me parler de caméras, de micros...je crois que j'ai préféré me convaincre que tu avais tout inventé et que j'avais fait un mauvais rêve. Mais...tu m'as aidée cette nuit donc, maintenant c'est à mon tour.

J'en restais un instant bouche bée et m'apprêtais à lui répondre, lorsque des bruits de pas et des voix masculines raisonnèrent soudain dans le calme du sous-bois. Nous nous regardâmes un instant paniqué, mais avant que nous ayons pu esquisser la moindre fuite, un petit groupe de gardes armés pénétrèrent dans la clairière, nous pétrifiant sur place.

Isolated SystemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant