Chapitre 16-1

6K 789 37
                                    







Connors lui emboita le pas, un air inquiet sur le visage. Il pénétra dans la pièce comme une fusée et me déposa dans la précipitation et sans aucun égard, sur une vieille table d'examen branlante, avant d'aller rejoindre les quelques personnes rassemblées dans un coin de la pièce. Ne sachant pas trop quoi faire, je tuais le temps en inspectant l'endroit où je me trouvais...et le moins que l'on puisse dire et que cela ne me rassura pas. Il régnait dans la pièce un désordre indescriptible, qui la faisait paraître plus petite qu'elle ne devait l'être en réalité. La plupart des meubles étaient vieux et sales et semblaient tout droit sortis d'une décharge. Des fournitures médicales s'entassaient pêle-mêle sur une veille étagère rouillée qui se trouvait, on ne sait pourquoi, en plein milieu de la pièce plutôt que contre un mur. Ce qui aurait été, de toute évidence, plus logique. Mon dieu, c'était censé être ça leur infirmerie !  

Bizarrement, d'un autre côté, cela me soulageait un peu. Car je crois qu'inconsciemment, je l'avais imaginé comme celle de l'E.E.V et j'étais à la fois surprise et étrangement soulagée que ce ne soit pas le cas. Il faut dire que ma dernière expérience y avait été assez déplaisante ! Ce qui risquait d'être le cas dans celle-ci aussi, mais pour d'autres raisons. J'aurais déjà de la chance si je ne chopais pas une septicémie ! Subitement je repensais à Elana et me demandais ce qui avait bien pu lui arriver. Même si je savais pertinemment que ce n'était pas de ma faute, je ne pouvais m'empêcher de m'en vouloir de l'avoir laissé là-bas. La reverrais-je un jour ?

Un cri de panique, suivit du son caractéristique d'objets métalliques tombant bruyamment sur le sol, me tirèrent de mes pensées moroses. Intriguée et en ayant marre d'attendre bêtement que quelqu'un se décide à me remarquer, je descendais de mon perchoir pour aller voir ce qu'il se passait. Mes pieds n'eurent même pas le temps de toucher le sol avant, qu'une main ne se pose sur mon épaule, stoppant net mon mouvement.

— Attendez là, me dit Connors dans mon dos. Doc, on a besoin de toi par ici, cria-t-il soudain d'une voix forte, me faisant sursauter.

— Combien de fois faudra-t-il que je vous répète de ne pas m'appeler doc. J'suis pas médecin, bougonna un homme d'un certain âge à l'air revêche, en s'approchant de moi sans se presser.

— Tu es ce qui s'en rapproche le plus ici, alors...

— Dites plutôt que vous n'avez rien d'autre sous la main, lui rétorqua-t-il peu amène.

Je sentis mon incrédulité et mon angoisse atteindre des sommets, quand je compris enfin la teneur de la conversation.

— Attendez... ! Il n'est même pas médecin, ne pus-je m'empêcher de m'écrier d'une voix de plus en plus inquiète. Vous êtes quoi alors, lui demandais-je en le regardant dans les yeux, maintenant qu'il se trouvait enfin en face de moi.

— J'suis assez qualifié pour c'que vous avez, me rabroua-t-il d'un ton tout sauf sympathique avant de me saisir vivement le bras pour examiner ma main.

Je me reculais vivement pour arracher mon bras à sa prise d'un geste vif, ne pouvant m'empêcher de crier au moment où ma main effleura le bord du brancard. Tant pis, mieux valait ça plutôt que de laisser cet énergumène me toucher ! Il me lança un regard hostile en tentant une nouvelle fois de saisir mon poignet.

— Je pense que ce jeune homme a plus besoin de vos compétences que moi, tentais-je pour détourner son attention, d'une voix un peu crispée.

— Bien essayé, mais Justin fait une crise de claustrophobie...et ça ce n'est pas dans son domaine de compétence, me chuchota Connors à l'oreille. Je sais qu'il n'a pas l'air très sympathique, mais soigner votre main ça c'est parfaitement dans ses cordes. Faites-moi confiance et laissez-le faire, termina-t-il en saisissant doucement mon poignet pour le reposer entre les mains de l'autre homme.

Voyant que je ne résistais plus, le doc réaffirma sa prise, l'air de plus en plus maussade.

— Connors, enchaina-t-il d'une voix sourde et autoritaire, en lui faisant un signe de tête.

Je compris ce qu'il voulait faire au moment où des bras puissants s'enroulèrent autour de moi, m'immobilisant complètement. J'aurais voulu protester, me débattre, mais je n'en eus pas le temps. Car presque simultanément, doc saisit mes doigts entre ses mains et tira d'un coup sec. Une douleur atroce et fulgurante traversa tout mon corps, m'arrachant un hurlement et me laissant haletante et au bord de l'évanouissement.

— Voilà c'est fini, me dit gentiment Connors à l'oreille. Ça va aller, je peux vous lâcher ?

J'allais lui répondre d'un petit signe de tête (plus sûr que ma voix à l'instant présent) quand je me mis subitement à trembler de tout mon corps.

— N'ayez pas peur, c'est fini. Me dit Connors d'une voix inquiète en essayant maladroitement de me frotter le dos.

— Elle a pas peur, c'est le choc. Lui rétorqua-t-il abruptement, tandis qu'il liait mes deux doigts cassés ensemble avec du sparadrap. Tout à fait normal. Ça passera très vite. Voilà, j'peux rien faire de plus pour vous.

Et sur ses paroles très rassurantes, il fit mine de nous planter là. Connors l'arrêta d'une main sur l'épaule.

— Elle a l'air de souffrir là. Vous n'avez rien contre la douleur ?

— Non et même si j'en avais je ne le gaspillerais pas pour deux doigts cassés ! Maintenant que j'ai réduit la fracture, elle doit déjà se sentir mieux.

— Ca n'en a pas l'air, commenta Connors d'une voix sceptique. 

Effectivement vu comment je me sentais, je devais faire peine à voir. Le seul point positif était, que même si ma main me lançait méchamment, c'était effectivement de plus en plus supportable de minute en minute. Par contre côté état général... j'étais en vrac. Tout le stress accumulé, la peur, les questions...tout cela avait enfin eu raison de moi. Pour résumer...j'étais à bout de force.

Le doc, que cet état de fait n'avait pas l'air d'inquiéter, se contenta d'un haussement d'épaule désinvolte et se dégageant de la main de Connors, s'empressa de partir en grommelant. Voyant que ce dernier s'apprêtait à le retenir encore une fois, je m'empressais de le rassurer.

— Si il a raison. Je me sens déjà mieux, mentis-je d'une voix tremblante qui ne convainquit personne, même pas moi, c'est dire !

— Tiens ça ira tout de suite mieux après ça. Me dit Connie, d'une voix enjouée et pleine d'énergie qui me donna immédiatement envie d'aller me coucher, en me lançant une pomme toute flétrie. Je sais qu'elle n'a pas un bel aspect mais ça te fera du bien quand même, ajouta-t-elle avec un grand sourire.

C'est vrai qu'elle était moche et fripée, mais je croquais dedans sans me faire prier. Son goût était à l'avenant de son aspect mais ça n'avait pas d'importance. J'avais tellement faim que j'aurais mangé n'importe quoi. Mes tremblements cessèrent presque aussi rapidement qu'ils étaient apparus et je sentis un peu de force me revenir. Ce n'était toujours pas brillant, mais c'était déjà mieux que rien.

— Reposez-vous un peu, me dit Connors en me faisant signe de m'allonger. Vous en avez besoin.

La porte qui s'ouvrit à la volée en venant cogner brutalement contre le mur, ne me laissa pas le temps de lui dire ce que je pensais de sa suggestion. Un jeune homme et une jeune femme, visiblement bouleversés, entrèrent lentement dans la pièce, ralentis par le corps inerte qu'ils portaient entre eux.

Isolated SystemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant