La protégée du diable.

15.

Toi,tu es quelque chose de terriblement réel dans un monde terriblement faux.C'est pour ça que je pense que tu souffres vraiment.

Je rentrai dans la salle à manger pile à l'heure.
Autour de la grande table de style victorienne,comme le reste du mobilier,étaient déjà assis plusieurs personnes.
Des filles,des garçons,des adolescents,des hommes,des femmes d'âge mûr.
Toutes les générations étaient représentées autour de cette table sur laquelle Vladimir avait l'air de régner. Il était assis en bout de table,à la place du roi.
Quand j'entrai dans la grande salle il se leva et sa famille l'imita.
Je sentais des paires d'yeux m'analyser.Cette inspection me rappela tellement de mauvais souvenirs que je ne fixai personne de peur de soutenir un regard assassin.
Il s'avança vers moi et me regarda des pieds à la tête.
Un sourire de satisfaction flotta sur ses lèvres pulpeuses.

- Je te présente ma famille,dit-il.

Arrivée à la hauteur de la dernière chaise libre je fus obligée de lever la tête.
Des dizaines de têtes me fixaient.Quand Vladimir s'assit tout le monde l'imita et je le remerci silencieusement d'avoir mis fin à mon supplice.

- Élisabeth voici ma mère Tatiana,me présente Vladimir,à côté d'elle il y a mon père Aldo.

Sa mère,une femme d'une quarantaine d'années,avait les yeux bruns et les traits tirés par l'âge et la fatigue.Ses cheveux étaient plaqués sur sa tête en un chignon strict.Elle me regardait de façon hautaine avec presque du dégoût dans le regard.
Je décidai de la classer dans la catégorie des gens avec qui je n'allais pas m'entendre.Je détestais ceux qui me prenaient de haut.J'en avais une sainte horreur.

Je sens qu'on va bien s'entendre youpi.

Je décalai mon regard d'une place et pour changer je tombai sur le regard bienveillant de son père.C'était un homme tout aussi âgé que sa femme mais malgré l'âge il avait su gardé la carrure atlétique de sa jeunesse.Il me souriait et je ne pus m'empêcher de lui rendre un sourire timide.
Il avait l'air tellement gentil que j'en oubliai presque qu'il était lui aussi très certainement mêlé à des affaires illégales.
Pourtant je décidais de le classer dans la catégorie des gentils.Pour je ne sais quelle raison je sentais bien cet homme.

- Enchantée,murmurais-je.

Son père me répondit tandis que sa femme ne bougea même pas les lèvres.Elle les avait gardées pincées au point qu'elles commençaient à devenir blanchâtres.

Il avait fait le tour de la table.Cousins,cousines, tantes,oncles, frères et soeurs étaient attablés telle une famille normale.
Je trouvai une pointe d'ironie à ce qu'une famille de mafieux ait l'air plus normal que ma propre famille.
Ils avaient tous l'air heureux autour de cette table,ils rigolaient entre eux et,mis à part les quelques regards assassins dont j'avais écopés,rien ne laissait penser que quelqu'un présent à cette table puisse avoir une once de méchanceté.
Je n'avais pas ouvert la bouche de tout le repas.D'habitude j'étais une vraie pipelette mais me retrouver ici,au milieu d'inconnus,ne me mettait pas en confiance.
Je ne comprenais toujours pas pourquoi une fille comme moi,sans histoire,sans problème avec la justice,puisse se retrouvée kidnapper par la mafia Russe.
En étant ici j'avais tout à perdre,ma vie normale,mon pays et bien d'autres,mais eux,qu'avait il a gagné à me garder ici telle une princesse dans sa tour d'ivoire ?
Sans réfléchir beaucoup j'ouvris la bouche et posai la question qui me brûlait les lèvres depuis que j'avais quitté mon lycée pour me retrouvée dans cette voiture blindée :

- Pourquoi est ce que je suis ici ?

L'assemblée se tue,les conversations laissées en suspent et les couverts remplit de nourriture immobiles dans l'air.
Tatiana me fusilla du regard comme si je venais d'enfreindre une loi.Après tout je venais d'interrompre la famille Ivanovich en plein dîner,moi la simple petite adolescente de Californie.

- Tu es là parce que j'en ai envie,me dit froidement le maître des lieux.
- Parce que c'est un motif suffisant pour retenir quelqu'un contre sa volonté ? Demandais-je ahurie.
- Oui,me répondit-il dans ton sec.

Tranquillement il se remit à manger comme si c'était habituel pour lui de kidnapper les gens,de leur faire vivre l'enfer.
Comme si c'était le diable.

- Mais pour qui te prends tu ? Demandais-je avec un mélange d'incompréhension et de colère dans la voix.

Soudain l'assemblée se figea,comme si le temps c'était arrêté.Les couverts arrêtèrent de tinter au contact des assiettes en porcelaine,les bruits de mastication disparurent,laissant place à des tête vide d'émotion.
Même Vladimir eu l'air,le temps d'un cour instant,surpris de ma remarque.
Comme si jamais personne ne lui avait appris que tout ne lui était pas forcément dû.
Comme si cet homme avait réellement l'habitude d'être comparé à Dieu ou même à Satan,régnant sur son royaume comme ceux là règne sur les cieux ou l'enfer.

Il leva ses yeux vers moi.

- Je suis le chef de la mafia et toi,enfant,tu ferais mieux de te taire.

Dans un saut de colère je me lève,la chaise grinçant sous la violence de mon geste.

- On se demande lequel de nous deux est un enfant ! Toi qui te prend pour un roi te pensant supérieur à tout le monde ou alors moi ? Demandais-je énervée.

Il se leva presque sans émotion mais je décelai de l'énervement dans ses mouvements.
Il semblerait que j'ai froissé l'infroissable.
Il s'avança vers moi,lentement faisant durer mon supplice.Et,quand il arriva devant moi,il me prit à la gorge.

- TU DEVRAIS ME CRAINDRE ET ME RESPECTER ! Hurla-t-il.

Le silence reprit tandis que dans ma tête je choissais mes mots tel des armes avant de partir au combat.

- Je n'ai pas peur de toi,commençais-je calmement.Je n'ai ni peur de toi,ni de ce que tu pourrais me faire subir,ni même de la mort.

Après un long silence,témoin d'un duel visuel entre lui et moi,j'ajoutai en levant les bras au ciel :

- Je n'ai peur que du tout puissant

Sonné par ma remarque il relâcha sa prise sur ma gorge jusqu'à complètement retirer sa main.
Il s'en alla,me laissant planter là,en renversant sur son passage une table brisant des plats.