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Peut-être que grandir c'est décevoir ceux qu'on aime.

- Ouah c'est magnifique !

Je gesticotais sur mon siège,impatiente de sortir.
Quand il gara sa voiture,assez simpliste,qui ne sentait ni la pauvreté ni le luxe,je sortis immédiatement.
Devant moi se trouvait le début d'un magnifique village.

- Bienvenu à Nikolina Gora, le magnifique patelin où j'ai grandi

Il rigola à la fin de sa phrase et je tournai ma tête vers lui.Son regard inspectait la moindre parcelle de son village d'enfance,comme pour vérifier que rien n'avait changé depuis son dernier passage.

- Je n'y suis plus revenu depuis bien longtemps
- Pourquoi ? Demandais-je.
- J'ai quitté cette ville sans me retourner

Dans sa voix,on y entendait comme l'histoire d'un enfant de la campagne partit en ville pour aider sa famille.
Je ne devais pas être loin de la vérité,Joshua n'était pas du genre à s'y croire j'en avais donc déduit qu'il avait dû être pauvre lui aussi.

- Je suis désolée
- Tu n'as pas à l'être

Je cru qu'il avait fini mais soudain il reprit son souffle avant de continuer.

- J'ai six grands frères.Quand on est si nombreux c'est impossible d'avoir une vie luxueuse.J'en avais marre de n'avoir que des miettes alors le jour de mes dix-huit ans,j'ai pris un ticket de train et je ne suis plus jamais revenu.

Son regard se perdit sur la ligne d'horizon.
Tout le monde a ses secrets,des cicatrices douloureuses qui s'efforcent tant bien que mal de cicatriser.Pourtant certaines personnes arrivaient à nous toucher plus,comme si les situations identiques aux nôtres étaient les seules à nous affecter.

- Je n'ai jamais osé revenir. Parfois,je viens déposer mes économies dans la boîte aux lettres et ça me réconforte un peu.Je viens d'avoir un petit frère pourtant lui ne sait même pas que j'existe.

Il souffla et j'eus l'impression qu'il essayait de chasser ses mauvais souvenirs,comme si souffler dessus allait les éloigner ad vitam aeternam.

Peut-être que ça fonctionne,le déni.

- Si tu le pouvais tu ne serais jamais parti ? Demandais-je enfin.
- Si je le pouvais je secourais l'enfant que j'étais à l'époque pour lui dire que le luxe ne remplacera jamais une famille.

À quoi ça servirait de gagner assez d'argent pour pouvoir tout s'offrir s'il n'y avait personne pour partager cela avec vous ?

- Si j'avais su avant que le sourire de ma mère valait plus que mon salaire.

Sans vraiment contrôler mes membres,je le serra dans mes bras,comme j'avais toujours rêvé qu'on le fasse pour moi.

- Tu devrais y aller un jour,c'est ta mère,elle t'a mis au monde,elle te pardonnera tout.

J'y croyais,une mère pourrait tout pardonner à son enfant,alors pourquoi la mienne n'y arrivait pas ? Pourquoi me reprochait-elle sans cesse le départ de ma soeur ? Pourquoi me détestait-elle au point de souhaiter que les rôles aient été échangés ?

Il répondit à mon étreinte en me serrant un peu plus fort.

- Un jour j'y retournerai.

La protégée du diable.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant