La protégée du diable.

79.

Pour avoir autant la haine toi,tu dois être triste toi.

Je me plantai devant elle,envahissant son espace personnel dans une dernière provocation.
Ses petits yeux aux pupilles dilatées se plantèrent sur moi,me scrutèrent avec une infime précision et peut-être même avec une immense peur.

- Je ne te reposerai pas la question une troisième fois Elisabeth,où et avec qui étais-tu ?
- Je suis partie visiter la région.
- Avec qui ?

Elle se tue longtemps,me regardant les lèvres pincées,comme pour se retenir de m'injurier.Dans d'autres circonstances j'aurais trouvé ça drôle de la voir s'énerver contre moi,peut-être que cela m'aurait même excité,peut-être lui aurais-je fait l'amour ici même,dans ce salon d'un autre siècle.

Peut-être l'aurais-je fais.

Pourtant je n'en fis rien,et je m'énervai de plus belle quand elle se mura dans un silence agaçant.

- AVEC QUI ÉTAIS-TU ? Hurlais-je fou de rage.
- Je n'ai aucun compte à te rendre
- TU VIS SOUS MON TOIT
- Je suis OBLIGÉE d'y vivre trou de cul.

Sans demander son reste elle m'échappa.Elle se faufila vers l'escalier et le gravit rapidement.
Soudain je n'entendis même plus les marches grincer sous ses pas,ni le plancher d'ailleurs.
Je me retrouvai simplement seul,seul avec moi-même.
Dans la pénombre,je vis simplement le lune se refléter dans mon verre d'alcool.

- Vladshik raconte moi une histoire.
- Il est tard princesse
- S'il te plaît

Elle me fit son regard le plus tendre et je craqua,comme toujours.
Comment pouvais-je résister à ses yeux rieurs et sa petite tête d'ange.
J'étais peut-être un dur à cuire,mais avec ma famille j'étais faible.

- Juste une,concédais-je.

Elle sautilla sur son petit lit tout rose en tapant dans ses petites mains potelées.
Je m'assis sur le bord de son lit,à côté de son oreiller.
Comme chaque soir je lui dis de se coucher sur ce dernier et,comme chaque soir,elle se coucha sur moi à la place.

- Il était une fois une petite princesse qui vivait seule dans un grand château,la princesse ...
- Est-ce que c'est moi la princesse ? Me coupa-t-elle.

Je rigolai doucement en voyant ses yeux pétiller d'espoir.

- Oui,bien sûr.
- Chouette ! S'exclama-t-elle.
- La princesse était très triste parce qu'elle n'avait pas de prince à aimer.Et,malgré l'amour que ses deux frères lui portait,la princesse rêvait du prince charmant.Un jour,elle eut une idée.Elle allait organiser un grand bal et ...

Je me coupai quand je vis qu'elle s'était déjà endormie,sa petite bouche entre ouverte.Je posai sa tête avec précaution sur son oreiller douillet avant de me relever.
Je me détournai avant de poser la main sur la poignée de porte.

- Vladshik est-ce que la princesse finit heureuse ? Me demanda-t-elle à moitié endormie.

Je lui souris bêtement.

- Bien sûr.

Je sortis de la chambre sans un bruit,laissant derrière moi mon petit rayon de soleil s'endormir avec l'espoir d'un bonheur éternel.

Un bonheur qu'elle ne connaîtrait jamais.

Je lançai de rage mon verre contre la chambranle.
Notre famille était immonde,nous étions tous des monstres,mais quand Oxana était venue au monde nous avions retrouvé une part de notre humanité depuis longtemps perdue.
Elle était arrivée comme le soleil après la tempête, comme la promesse d'une vie meilleure.
C'était l'ange de notre famille de diables.Elle était pure et profondément gentille.Elle aimait tout le monde et s'émerveillait de toutes les choses du quotidien.
Je donnerais tout pour la revoir,pour simplement lui lire encore une histoire.

Pourtant,j'étais seul dans la pièce sombre,et je ne la reverrai jamais.
C'était ça perdre une partie de son âme,vivre à jamais dans une pièce sombre dans espoir de revoir un jour la lumière.C'était ça le deuil.

Je regardai une dernière fois la lune par la fenêtre,comme espérant voir une étoile plus brillante que les autres.
Mais je ne vis rien.
Alors je me détournai et montai dans ma chambre.