Prologue

331 36 83
                                    


Assise sur le rocking-chair, face à la fenêtre de ma chambre, je laisse les premiers rayons du soleil effleurer ma peau.

C'est le moment de la journée que je préfère. À cette heure, le bruit des véhicules est en sourdine, leurs conducteurs préférant optimiser le plus possible leur sommeil. Seuls les oiseaux l'entourent, fredonnant des mélodies pour se saluer. Leur gazouillement est si pur qu'aucun orchestre ne peut les concurrencer.

Au milieu de ce silence, l'aboiement de ma chienne me pousse à abandonner ma rêverie. Son jappement, tout d'abord faible, se fait plus intense au fil des bruits de pattes qui se rapprochent de la jeune fille.

Quelques secondes suffisent à l'animal pour débarquer dans ma chambre et sauter sur mes genoux.

- Jappie, arrête, tu vas réveiller les parents !

Malgré la réprimande, la boule de poils continue ses excès de joie et m'assène à coups de langue le visage.

Recevoir de la bave n'est pas ce que je préfère. Cependant, je ne peux m'empêcher de la laisser lui montrer son affection.

Depuis sa naissance, Jappie est dressée pour guider les personnes aveugles. Dans le foyer depuis 6 ans maintenant, personne ne regrette sa compagnie, moi encore moins, étant sa principale maitresse.

Jappie est bien plus qu'un chien.

Elle représente à la fois mon acolyte mais aussi mon amie de toujours. Une vie sans elle n'en serait pas une. Elle m'accompagne dans chacun de mes pas. Comme certains disent, elle est mon ombre. Même s'il arrive à ma chienne de se montrer têtue, son caractère festif incite les personnes qu'elle rencontre à l'apprécier dès le premier contact.

Saisie par l'envie de jouer, la chienne retourne au sol et me mordille les pieds. Je ne peux me retenir de m'esclaffer, oubliant que mon père est encore en train de dormir.

Certainement lassé d'avoir donné autant d'énergie dès le matin, l'animal pose sa tête quelques minutes plus tard sur ma cuisse et soupire.

Je passe mes doigts fins dans ses poils soyeux et me lève de la chaise à bascule. Avec minutie, je remonte le drap jusque sur l'oreiller et descend les escaliers menant à la cuisine.

Le bruit de la vaisselle résonne dès les dernières marches, suivis par des claquements de placards. Ce doit être ma mère en train de préparer le petit-déjeuner. Intérieurement, je prie pour que des pancakes m'attendent, en dépit de l'absence de leur odeur si particulière.

- Bonjour ma chérie.

- Coucou Maman. Hum, ça sent bon, je m'empresse de commenter en salivant.

- J'ai fait un gâteau au yaourt. Mange-en avant qu'il ne refroidisse.

Tandis je prend place autour de la table, ma mère me sert une part. L'odeur du gâteau sorti récemment du four est un délice pour ses cellules olfactives. Depuis mon enfance, cette senteur est synonyme de moments de tendresse en famille, me remémorant ma grand-mère confectionnant des pâtisseries le mercredi après l'école. Quelle douce madeleine de Proust.

Le goût, quant à lui, n'est que meilleur. La pâte, étant agrémentée de morceaux de pommes, lui donne une texture moelleuse. Ses desserts sont tellement bons, au point que j'en demande une seconde portion.

Tant pis si mon père ne retrouve que des miettes dans le plat !

Ma corpulence mince de m'a toujours permise de s'octroyer de petits plaisirs. Merci infiniment à la balance qui affiche 44kg pour 1m55. Rassasiée, je reste quelques instants supplémentaires en compagnie de ma mère où on parle de banalités.

Au delà du regardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant