L'après-midi je retourne chez moi. Mes parents me demandent pourquoi je ne suis pas rentrée hier soir. Je prétexte une grosse migraine et que Steve et Laura m'ont forcé à rester chez lui.
À la fin de mon explication, ils me soulignent cependant que j'aurais du leur envoyer un message pour les informer. Je m'excuse et leur promets que je ne recommencerai pas.
Jappie, heureuse de me revoir, me saute dessus et me fait presque tomber. Ma mère lui dit d'aller à son panier et m'accompagne jusque dans la salle de bain pour que je me lave. Pendant qu'elle fait couler l'eau, elle va chercher de quoi m'habiller. Puis, elle pose les vêtements à proximités du lavabo et me fait entrer dans la baignoire.
J'aime les bains. Me détendre dans l'eau tout en écoutant de la musique me fait le plus grand bien. Une fois que je me suis lavée entièrement, je l'appelle pour qu'elle me fasse sortir du bassin. J'ai un peu honte de demander à ma mère, qu'elle me voit nue me gène. Mais si elle ne le faisait pas je ne pourrais m'en sortir seule. Je sais que ce ne doit pas être toujours facile pour mes parents d'avoir un enfant aveugle, cela va de soi. Je ne sais pas si j'y arriverai pour ma part. Ils sont courageux.
Relaxée, je vais me reposer dans ma chambre où l'odeur de lavande m'apaise. Lorsque ma mère s'ennuie, elle va cueillir des brins de cette plante dont elle écrase les grains. Elle les met ensuite dans des petits sac en tissus qu'elle fabrique et les ferment avec un ruban pour les déposer dans les placards, imprégnant les vêtements de cette douce odeur. Puis pour me calmer au maximum j'écoute de la musique.
Lorsque je n'ai pas le moral, je me recroqueville dans ma chambre et écoute en boucle les chansons de Christina Aguilera, en particulier Beautiful. Cette musique, écrite et produite par Linda Perry évoque la différence et l'acceptation de soi. En l'écoutant je me sens concernée. Comme si elle m'était destinée.
Ayant marre d'avoir le casque sur les oreilles je me décide à l'éteindre et à lire un roman que je viens de débuter il y a quelques jours. Un ouvrage écrit en braille bien évidement. Je suis déjà à la moitié du bouquin. L'histoire en elle même est basique mais on est vite plongé dedans. Cela parle d'une mère, âgée de 20 ans vivant à Los Angeles ayant accouchée il y a 1 an et s'étant retrouvée sans mari le lendemain de la naissance de son enfant. Alors qu'elle avait réussi à se créer sa petite vie sans encombres, un malfaiteur enlève son être le plus cher à son domicile. Bouleversée, la jeune femme est prête à tout pour récupérer son petit quitte à en arriver à la manière forte.
Absorbée, je n'entend pas quand mon père m'appelle pour venir manger.
Mon premier cours de la journée est pour 8 h30. Je suis en compagnie de Tom devant le portail, patientant dans le silence. Une bande de lycéens s'arrête devant nous. Steve discute un peu avec Tom puis me fait la bise comme si de rien n'était.
J'ai tout fait pour l'éviter pendant la matinée en allant dans les toilettes à la pause, et voilà que je me retrouve face à lui à la sonnerie. Je porte vraiment la poisse. J'aimerais bien lui faire un croche patte avec ma canne mais ne n'est pas acceptable de faire ça. De plus, je ne saurais où viser. Nous nous dirigeons, vers nos salles de cours respectives.
Me retrouver dans la classe de Tom est une aubaine pour moi. Au moins cette année je ne serai pas seule. Dans mon ancien établissement, réservé aux aveugles, je m'entendais avec pratiquement tout le monde. Avoir le même handicap que les autres nous rapprochait. Ici je veux avoir cette même entente. Je sors mon manuel de Géographie. Et c'est parti pour une heure se portant sur la pauvreté dans le monde.
Quand j'arrive devant les toilettes avec Laura nous soupirons, désemparées du temps d'attente. J'ai vraiment une envie pressante. Une fois notre tour arrivé Laura garde mes affaires et se poste devant la porte des WC. Je me lave les mains puis nous rejoignons les garçons. Je tousse : je ne me ferai jamais à l'odeur de la cigarette.
1h avant le repas, je demande à aller au petit coin. Le professeur me demande si j'ai besoin qu'un camarade m'accompagne mais je refuse. Je peux me débrouiller toute seule. Je m'accroche à ma canne et sort de la salle. Ce qui est embêtant avec cette pièce est que les toilettes sont à l'opposé : il faut traverser toute la cour pour y accéder.
L'avantage en y allant hors récrés est que je n'ai pas besoin de faire la queue. Je tire la chasse d'eau. J'avance pour sortir mais je me tape dans un mur. Non, pas un mur, une personne. Je m'excuse et vais de nouveau pour m'en aller mais elle ne bouge pas d'un pouce. Lorsque j'entends la voix grave et basse de mon interlocuteur je reconnais de qui il s'agit :
« Alors comme ça on a eut une envie pressante, ma caille ?
- Tu ne devrais pas être en cours toi ?
- Si, mais comme toi on m'a laisser aller pisser.
- Il faut que j'y aille, Monsieur Vuitton va s'inquiéter, m'exquivais-je.
- C'est pour ça que nous allons faire vite ».
Je sens ses mains sur mes fesses. Il m'embrasse dans le cou. Je décide de rentrer dans son jeu pour que ensuite lors d'un moment de faiblesse je puisse me dérober. Je répond à son baiser en l'embrassant langoureusement puis lui donne un coup de pied dans l'entre jambe avant de partir.
VOUS LISEZ
Au delà du regard
ChickLitMélodie Sherman est une adolescente comme les autres. Enfin presque. Elle est aveugle de naissance. Malgré son handicap, elle ne veut pas que l'on s'apitoie sur son sort et s'avouer vaincu contre son adversaire. La vie n'est pas un long fleuve tra...