Chapitre 6-1

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Mon cerveau turbinait à toute vitesse, alors que je pouvais presque sentir les secondes s'écouler sous le regard scrutateur de Storm. Après tout, me dis-je finalement, si elle ne voulait pas être dans le système, c'était son droit. C'était quand même elle la victime ! Mais quelque chose me retenait. Il y avait un truc qui clochait depuis le début de cette histoire et cela m'empêchait de me décider. J'avais beau réfléchir du plus vite que je le pouvais, ce n'était apparemment pas suffisant pour ne pas alerter Columbo, dont le regard passa de l'attentif au soupçonneux en une fraction de seconde.

— Vous avez subitement perdu votre langue ? me demanda-t-il finalement d'un ton sec. Je peux presque voir votre cerveau fumer d'ici, ajouta-t-il d'un railleur pour me provoquer. Elle vous a parlé c'est ça ? C'était quoi dans le couloir ? Une diversion pour qu'elle puisse se sauver ? Si j'ai raison, vous êtes une sacrée bonne actrice, car j'aurais juré que vous étiez aussi surprise que moi en trouvant le lit vide. Alors qu'est-ce que vous me cachez ? Pourquoi cet air coupable que j'ai aperçu sur votre visage. Allez-vous enfin être franche avec moi et m'expliquer ce qu'il se passe vraiment ?

C'était trop tard pour la réflexion ou les tergiversations. On venait tout juste de passer du mode "copain", au mode "interrogatoire", en quelques secondes et plus je tarderai à m'expliquer, plus il se méfierait de moi par la suite. Ce que je préférerai éviter. Premièrement car ce n'est jamais une bonne idée de se mettre la police à dos et deuxièmement...je l'aimais bien ce type. Il incarnait un peu l'image que je m'étais faite de mon père, si j'avais eu la chance d'en avoir un, et bizarrement même si je le connaissais à peine je n'avais pas envie de le décevoir. Ce qui, malheureusement avait l'air déjà trop tard, vu les regards suspicieux qu'il me lançait.

— Je m'en veux, c'est tout, commençai-je en le regardant dans les yeux. J'aurais dû comprendre ce qu'elle mijotait...maintenant ça me parait évident. Mais sur le moment, j'ai juste cru que c'était encore les drogues qui la faisait délirer, continuai-je d'une voix lasse que je n'étais même pas obligée de feindre. J'en ai vraiment ras-le-bol de cette histoire de dingue. Je...je voudrais juste rentrer chez moi, terminai-je d'une voix geignarde, qui me fit grimacer intérieurement, tout en m'asseyant lourdement sur le lit.

C'est ce moment que choisit le docteur "girouette", pour passer comme une tornade devant mon lit. Il sembla se rappeler subitement mon existence en apercevant l'inspecteur et, s'arrêtant brutalement dans un dérapage de baskets, revint sur ses pas.

— Bien, mademoiselle...

— Anderson, répondit l'inspecteur à ma place, du ton excédé de la personne ayant épuisé tout son stock de patience. Cela doit normalement être écrit sur son dossier, non ? À moins que vous ne soyez trop débordé pour avoir pris le temps de le lire !

Puis sur ses paroles assassines, l'inspecteur se dirigea vers le couloir d'un pas rapide et sans un regard en arrière.

Il n'alla pas loin, car nous l'entendîmes s'arrêter au bout de quelques pas et passer un savon au policier chargé de la surveillance. Il lui ordonna ensuite de se joindre aux agents de sécurité de l'hôpital et de se mettre à la recherche de la jeune fille disparue. Puis il revint et reprit sa place initiale, comme s'il n'était jamais parti. Ce que fit aussi le médecin, reprenant la conversation là où elle s'était arrêtée.

— Oui c'est vrai, Anderson. Mademoiselle Rosaline Anderson, c'est bien cela ? reprit-il d'un ton indifférent tout en griffonnant quelque chose sur sa feuille.

— Je préfère que l'on m'appelle Rose, dis-je d'une voix distincte, plus par réflexe qu'autre chose.

La seule qui m'appelait Rosaline était ma mère, dans quelques moments privilégiés et depuis qu'elle était partie, entendre mon prénom dans sa totalité me faisait mal.

— Excusez-nous, mais c'est vraiment une nuit de dingue, crut-il bon de nous expliquer pour la énième fois en levant enfin les yeux de sa feuille, sans tenir aucun compte de mon intervention. Bon, quelqu'un va venir vous chercher pour vous faire vos points de suture et lorsque ce sera fait, pour ce qui nous concerne, vous pourrez rentrer chez vous, dit-il en jetant un coup d'œil à l'inspecteur, lui signifiant qu'ensuite, il lui refilait ma responsabilité.

Sa superficialité et son indifférence envers mon opinion, me firent voir rouge. Mais je n'eus pas le temps d'ouvrir la bouche pour lui dire ce que j'en pensais, qu'il continuait sur sa lancée.

— Ce serait bien également que vous mang...Ah, je vois que l'on vous a déjà apporté quelque chose, très bien alors. Restaurez-vous et une infirmière passera vous chercher dans quelques minutes.

— C'est l'inspecteur ici présent, qui m'a apporté ce plateau, cru-je bon de préciser, plus qu'un peu agacée. Heureusement d'ailleurs, car si j'avais dû compter sur les employés de cet hôpital, j'aurais eu tout le temps de mourir de faim ! Sans compter que cela fait au moins deux heures que nous patientons et qu'il est hors de question que j'attende encore deux heures de plus, d'hypothétiques points de suture. Donc j'espère vraiment que cette fois-ci, ce sera réellement quelques minutes, lui assénais-je d'une traite sans presque reprendre mon souffle.

Il me fixa un instant, bouche-bée. Puis se contenta de secouer la tête d'un air dégouté, et repartit comme une fusée dans le couloir.

— Vous avez l'air d'avoir repris vos esprits, me railla l'inspecteur, un petit sourire aux lèvres. Vous passez toujours aussi facilement de l'abattement à l'agressivité, ou c'est juste le contrecoup ? Me demanda-t-il, mi-sérieux, mi-amusé.

Je ne lui répondis pas, mais ne pus m'empêcher de lui rendre son sourire, avant de reporter mon attention sur le plateau repas. Deux mini tranches de jambon ressemblant à du plastique rose, un paquet de chips et un pot de compote de pomme, composaient ce menu quatre étoiles...miam un vrai festin ! Mais j'avais tellement faim, qu'appétissant ou pas, je ne fis pas la difficile et m'attaquai au jambon de bon cœur. Mais j'avais beau être affamée, là c'était vraiment trop infect. Je me rabattis donc sur le paquet de chips, espérant ne pas avoir trop de surprise de ce côté-là.

Pendant que je grignotais, l'inspecteur s'avança et s'assis sur la seule chaise disponible dans cet espace étroit, des papiers à l'air officiel dans les mains.

— Vu l'heure et notre degré respectif d'agacement et de fatigue, je vous propose de remettre votre déposition à demain. Enfin, à tout à l'heure dans la journée, se reprit-il avec un petit sourire las. J'ai juste besoin de deux ou trois informations supplémentaires et je vous laisse.

Ayant la bouche pleine de compote insipide et trop sucrée, je me contentai de lui répondre d'un signe de tête et d'une ébauche de sourire reconnaissant. Il me demanda mon adresse, mon numéro de téléphone, puis me fit faire une déclaration en bonne et due forme en me faisant promettre, sans faute, de me rendre au commissariat dans la journée pour faire une vraie déposition. Il ne me posa pas d'autres questions au sujet de la disparition de ma voisine, mais je voyais bien qu'il me regardait d'un air circonspect. Ne sachant de toute évidence, plus trop quoi penser de moi exactement.

— J'exige que vous appeliez la police, ou à défaut la sécurité ! nous parvient soudain une voix d'homme en colère. C'est inadmissible ! Je me suis absenté à peine cinq minutes et à mon retour mon téléphone avait disparu. Je vous dis que quelqu'un me l'a volé.

Je croisais le regard de Storm et compris qu'il en était arrivé aux mêmes conclusions que moi et aussi rapidement. Quoique, peut-être pas pour les mêmes raisons. De mon côté, je me basais sur ce que m'avait dit et demandé la jeune fille, alors que lui devait se dire que cela était trop gros pour être une coïncidence. Toujours est-il que cela ne pouvait signifier qu'une chose. Puisque le vol venait d'avoir lieu...elle était encore dans l'établissement.

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Un petit mot pour vous remercier. Vous remercier pour vos lectures, vos votes et vos commentaires sur cette nouvelle histoire. Grâce à vous "Ombre Fauve" est déjà à la #38 ème place du classement Fantasy !!*o*!! Alors, un immense merci <3

Des bisous et à très vite sur la suite ^.^

Ombre FauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant