Chapitre 17-1

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Lorsque je revins à moi, j'eus une étrange sensation de « déjà-vu » avant même d'avoir ouvert les yeux. Le même matelas moelleux, la même odeur d'assouplissant et surtout le même mal de crâne tenace.

La ressemblance s'arrêta là cependant car lorsque j'ouvris les yeux sur la même chambre « art et décoration », une douce pénombre m'enveloppait et une silhouette était assise sur une chaise au pied du lit.

— Nicolas ? demandai-je d'une voix enrouée.

— Oui, me répondit-il simplement d'une voix assourdie, comme s'il avait peur de parler trop fort.

— Je suis restée inconsciente longtemps ? lui demandai-je en m'asseyant prudemment, anticipant l'étourdissement, qui à ma grande surprise et soulagement...ne vint pas.

— Une petite heure tout au plus, me répondit-il en se levant, avant de se diriger vers un petit guéridon surmonté d'une lampe, que j'arrivais à distinguer dans la pénombre.

— Non...attendez ?

À l'entente de ma timide demande, il suspendit son geste, le doigt sur l'interrupteur. Cette obscurité était apaisante. J'avais besoin de réponses aux questions que je me posais et qui, me semblait-il, n'avaient pas quitter ma tête une seconde, même pendant mon évanouissement. J'avais la sensation étrange que je serais plus courageuse dans la pénombre qu'en pleine lumière, même si celle-ci restait tamisée.

— Ne vous inquiétez pas, vous n'allez pas vous transformez en animal à la prochaine pleine lune, me dit-il soudain d'un ton légèrement moqueur, alors qu'il finissait par appuyer sur le bouton.

Une lumière plus vive que je ne le pensais se répandit dans la pièce, me faisant cligner des yeux. Nicolas se tenait toujours debout près du mur, son regard insondable braquer sur moi, comme s'il attendait ma réaction à sa révélation.

— C'est vrai ? ne pus-je m'empêcher de demander, un soulagement évident dans la voix.

Nicolas partit d'un petit rire amère et sans joie tandis qu'il se saisissait d'un plateau posé sur le meuble et que je n'avais pas remarqué avant.

— Soulagée, à ce que je vois ! ajouta-t-il en déposant son fardeau sur la table de nuit, à côté de moi.

Bien sûr que j'étais soulagée. C'était comme si un immense poids venait d'être retiré de ma poitrine d'un seul coup. J'avais l'impression de respirer plus librement. Un peu plus sereine et attirée par l'odeur alléchante venant de ma gauche, je jetai un coup d'œil au plateau. Là, dans une vaisselle simple mais raffinée était disposé une petite assiette garnie de deux viennoiseries, une coupelle de salade de fruits frais et un grand verre de jus d'orange. Autrement dit un festin pour mon estomac affamé.

— Je pense que vous avez compris que l'on ne voulait pas vous empoisonner ! me sortit-il d'un ton légèrement agacé lorsqu'il remarqua ma légère hésitation à me saisir du croissant doré qui me faisait de l'œil.

Un peu gênée et énervée d'être si transparente, je finis par prendre la douceur et à croquer dedans avec appétit. Humm...c'était aussi bon, que c'était appétissant ! Nicolas resta à me regarder quelques secondes, puis certainement rassuré de me voir manger, il se retourna et commença à se diriger vers la porte.

— Vous partez ? lui demandai-je de nouveau stressée. Quand allez-vous me raccompagner chez moi ?

— Nous voulons déjà être sûr que vous allez bien et que vous ne risquez pas de refaire un malaise.

— Vous venez de me dire que ma blessure n'était pas grave et que je ne risquais pas d'attraper le...la...de me transformer en tigre-garou.

— Non ce n'est pas ce que j'ai dit, m'expliqua-t-il en revenant sur ses pas et se plantant de nouveau au pied du lit, son regard désormais désapprobateur fixé sur moi. Les tigres-garous, ça n'existe pas ! Vous êtes ici au sein d'un clan de métamorphe tigre et ce n'est pas une maladie transmissible. C'est une espèce à part entière dont l'hérédité est génétique et transmise par les parents et non par une morsure ou une griffure.

Sa voix ulcérée me fit comprendre que mes insinuations constituaient de graves insultes pour son...peuple ? C'était tellement...étrange, surréaliste, impossible ! Comment aurais-je pu savoir ? Surtout, comment avaient-ils fait pour garder le secret, pour ne pas être découvert ?

— Vous êtes nombreux ? Comment avez-vous fait pour garder le secret ?

— Avec difficulté par moment, me répondit-il sincèrement mais avec une mauvaise grâce évidente.

C'est alors que la conversation des jeunes filles croisé le soir d'Halloween me revint une nouvelle fois en tête.

— Mais...il n'existe que des métamorphes tigres ? demandai-je d'une voix timide.

— Mieux vaut pour vous que vous n'en sachiez pas trop...

— Pourquoi ? le coupai-je soudain, alarmée par son ton. Vous ne comptez pas me garder ici ?

— Pourquoi avez-vous posé cette question ? me demanda-t-il au lieu de me répondre, un pli anxieux barrant son front.

— J'ai entendu une conversation, où quelqu'un disait avoir vu une jeune femme se métamorphoser en aigle sur une vidéo internet, lui avouai-je espérant que ma franchise l'inciterait à répondre à ma précédente question.

— Ils ne l'ont pas bloqué à temps, l'entendis-je murmurer tandis qu'une ombre traversait son regard et qu'il se rasseyait lourdement sur la chaise qui craqua sous son poids, l'air soudain harassé.

Ce n'est qu'à cet instant que je remarquai qu'il avait toujours aussi piètre allure que tout à l'heure. Son visage était couvert d'ecchymoses et même si ses blessures ne saignaient plus, elles n'étaient pas très belles à voir.

— Pourquoi vos blessures ne guérissent-elles pas rapidement, comme celles de Cat ? osai-je lui demander pour changer de sujet alors que basculais mes jambes sur le bord du lit.

— Parce que je suis différent, me répondit-il d'une voix hargneuse en redressant brusquement la tête.

— Comment ça différent ? continuai-je à l'interroger malgré son évidente réticence à me répondre.

Je savais que c'était idiot d'insister mais quelque part, j'avais besoin de savoir. Tout cela était tellement... fascinant et effrayant à la fois.

— Vous ne croyez pas que vous en savez déjà assez ? s'exclama-t-il soudain d'une voix dure en se levant rapidement pour venir se placer juste devant moi, sa main saisissant durement ma nuque, tandis qu'il approchait de force mon visage du sien.

J'avais peur mais j'essayais de ne pas le montrer.

— Croyez-moi sur parole, vous ne voulez pas savoir ce que je suis, me murmura-t-il d'une voix menaçante avant de me lâcher brusquement et de sortir de la pièce en verrouillant bruyamment la porte derrière lui. 

Ombre FauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant